Philippe Alcoy
61 sénateurs sur 81 ont voté pour la destitution de la présidente
brésilienne Dilma Rousseff. De cette façon le coup d’Etat institutionnel
est confirmé. Le président intérimaire, l’ancien allié du Parti des
Travailleurs (PT), Michel Temer du Parti du Mouvement Démocratique du
Brésil (PMDB) sera nommé président mais cette fois, en principe, jusqu’à
décembre 2018.
En effet, finalement l’alliance PMDB, PSDB (Parti
Social-démocrate du Brésil – droite), ce que l’on a appelé le « parti
judiciaire » (le pouvoir Judiciaire très impliqué dans la procédure
d’impeachment) et les médias dominants ont réussi leur coup pour écarter
le PT de Lula et Dilma du pouvoir. Et cela malgré les grandes faveurs
et services que ce dernier a rendu aux capitalistes brésiliens et aux
capitaux impérialistes qui dominent le pays.
L’impopularité de Dilma, alimenté par des politiques d’austérité et
les scandales de corruption, était devenue un obstacle pour mettre en
place les ajustements structurels exigés par les classes dominantes et
l’impérialisme. L’usurpation de 54 millions de voix, qui avaient voté
pour Dilma en 2014, par une poignée de politiciens oligarques s’est
imposée peu à peu comme le moyen d’arriver à cette fin (la destitution
définitive de Dilma).
On n’a pas encore oublié le spectacle pathétique que les députés
brésiliens avaient offert en direct à toute la planète lorsqu’ils
décidaient d’ouvrir la procédure d’impeachment il y a quelques mois.
Elle a révélé le caractère décadent des institutions du régime politique
brésilien. La procédure d’impeachment elle-même en est une autre
démonstration. Ainsi, Dilma est chassée du pouvoir car reconnue coupable
« d’irresponsabilité fiscale » après avoir utilisé un mécanisme,
constitutionnel, qui permet de « maquiller » les comptes de l’Etat deux
années de suite. Un dossier dont la validité légale est plus que
douteuse.
Malgré cette offensive de la droite et cette atteinte gravissime aux
droits démocratiques fondamentaux, le PT a adopté pendant ces derniers
mois une stratégie de négociations et d’actions dans le cadre des règles
de ce même régime décadent. Bien que les résistances et les réactions
populaires n’aient pas manqué, la politique du PT n’a jamais été de
développer la résistance dans les rues, dans les lieux de travail, dans
les lieux d’étude, dans les quartiers populaires. Bien au contraire.
Cependant, avec la destitution de Dilma et la consommation du Coup
les problèmes ne sont pas finis pour les capitalistes brésiliens,
l’impérialisme et cette caste politicienne corrompue. Le gouvernement de
Michel Temer est faible et les attaques exigées sont profondes (réforme
des retraites, privatisations massives, coupes dans les dépenses
sociales). C’est la troisième fois que le parti de Temer, le PMDB,
arrive à la tête de l’Etat au Brésil. Toujours de façon indirecte,
jamais à travers le vote populaire. Mais c’est la première fois que le
défi est si important. Et cela alors que Temer récolte 29% d’opinions
négatives parmi la population ; que le taux de satisfaction avec sa
gestion intérimaire est de 14% (Dilma était à 13%) et que si aujourd’hui
il y avait des élections, les intentions de vote pour lui ne sont que
de 5%.
De cette façon, le gouvernement du PMDB reste très dépendant de ses
alliés au parlement et au sénat, notamment du PSDB. Et bien que ce
dernier soit d’accord sur le « besoin de réformer », il est contrarié
par le calendrier électoral : dans un mois il y aura des élections
municipales au Brésil et aucun candidat ne veut apparaître collé à
l’image d’un gouvernement austéritaire. Les analystes donnent en effet
jusqu’à décembre 2017 à Temer pour mettre en place ces réformes car ils
estiment que 2018 sera une année où toute l’énergie des alliés
politiques de Temer sera concentrée sur l’élection présidentielle.
Pour les travailleurs et les classes populaires il n’y a d’autre
alternative que la préparation urgente de la réponse face aux attaques
du gouvernement putschiste. Comme affirme Diana Assução du Mouvement
Révolutionnaire des Travailleurs sur le site d’information brésilien
d’extrême gauche, Esquerda Diario :
« le Coup mené aujourd’hui contre Dilma vise aussi les travailleurs.
Aujourd’hui les tenants du pouvoir choisissent entre eux qui dirigent le
pays. C’est à nous de tirer les leçons pour organiser la résistance
contre les attaques du gouvernement putschiste de Temer, de lever une
voix anticapitaliste qui se batte sans relâche face à une droite
furieuse qu’aujourd’hui fait la fête dans tout le pays ».
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