Philippe Alcoy
Hier on a appris la triste
nouvelle du décès du camarade Oscar « Chiche » Hernandez, dirigeant ouvrier
du Parti des Travailleurs Socialiste d’Argentine. Chiche était un dirigeant
ouvrier qui a milité pratiquement toute sa vie. Pendant 40 ans il a été ouvrier
métallurgique. Il a milité politiquement dans le Mouvement vers le Socialisme
(MAS) argentin. Dans les années 1990 il a commencé à militer dans le PTS.
Je ne l'ai pas connu
personnellement, comme tant d’autres camarades. Mais je l'ai connu à travers
les discussions avec Alejandra une camarade qui a été la première du parti à l’avoir
rencontré quand il était délégué d'une grande usine métallurgique à San Nicolas
près de Rosario (dans la province de Santa Fé au Nord de Buenos Aires).
Je voulais partager une réflexion
qui m'est venue en lisant un commentaire d'un camarade de la direction du PTS
sur Chiche. Dans un commentaire sous une photo (voir ci-dessus) le camarade
disait : « C'est une image qui
ne parle pas d'êtres invincibles et parfaits. Ni même de bilans qui sont
inappropriés à l'heure de la douleur. Elle parle de combattants dans toutes les
circonstances. Et ces circonstances historiquement ont été adverses et
continueront à l'être, bien pire encore, jusqu'à la victoire. Elle parle de la
volonté du combattant. Ni plus, ni moins » (Manolo Romano).
Pour moi ces mots sont très
forts. Chiche a milité depuis très jeune, avec ses parents sous la dictature.
Il a traversé les terribles années 1980 et 1990 sous une offensive néolibérale
implacable en Argentine (et dans tout le continent). Toujours en étant un
militant ouvrier révolutionnaire. Un ouvrier qui a commencé à militer dans un
PTS qui, comme disait dans un message la camarade Alejandra suite au décès de
Chiche, n'était pas du tout celui d'aujourd'hui. Un parti où il y avait très
peu d'ouvriers et totalement conspué par le reste de la gauche trotskyste.
Mais c'était un PTS qui avait la
ferme volonté de se construire au sein de la classe ouvrière. Et cela malgré le
chômage de masse. Et cela malgré les attaques des gouvernements soutenus par le
patronat et l’impérialisme. Et cela malgré l'offensive idéologique de la
bourgeoisie au niveau mondial où parler de « socialisme » était
devenu presque une risée. Et cela malgré le fait que les principales luttes
dans le pays étaient menées par un autre secteur de notre classe : les
chômeurs, bien que ceux-ci n'avaient pas la force sociale de frapper tous seuls
le patronat là où fait mal. C'est cette volonté du PTS, cette conviction et
endurance militante, révolutionnaire, qui a posé les bases pour le
développement ultérieur de son insertion (importante mais encore petite par
rapport à notre ambition) au sein de la classe ouvrière en Argentine.
Aujourd'hui c'est plus « facile »
pour un ouvrier ou une ouvrière consciente de militer dans le PTS. Pour des
ouvriers comme Chiche ou encore José Montes, un autre dirigeant ouvrier historique
du parti, c'était une autre histoire. Mais au-delà de ça, et pour revenir au
commentaire de Manolo R., la situation actuelle à travers la planète est
terrible pour notre classe. Les organisations syndicales, en plus de s’être
affaiblies, elles sont totalement cooptées et dirigées par des bureaucraties.
Celles-ci sont au mieux profondément réformistes, au pire sont complètement
vouées à la cause patronale. Les groupes marxistes révolutionnaires sont
également affaiblis et pour une partie en crise. Gagnés par le scepticisme
beaucoup ce sont adaptés « à la misère du possible ».
Les travailleurs sont également très
mal au niveau de la conscience de classe. Parmi les ouvriers et les classes
populaires il y a une énorme ignorance et décomposition sociale. Le capitalisme
est en train d'avilir les rapports humains à des niveaux jamais atteints. La
crise économique non seulement aggrave cette situation mais, comme corolaire, elle
est en train de faire resurgir et se développer des courants politiques
profondément réactionnaires. Et on sait bien que la situation peut empirer, il n'y
a qu'à voir la Syrie, pour ne nommer qu'un seul exemple terrible.
Dans ce contexte, cependant, il y
a des réponses des classes populaires, comme les 4 mois de mobilisation contre
la Loi Travail en France l'ont démontré. D'autres résistances ont eu lieu
ailleurs aussi. Le grand processus de « révolutions arabes », même si
celui-ci se trouve dans un moment profond de reflux. Les grèves générales en
Grèce ; le mouvement Black Lives Matter aux USA. Et tant d'autres. Certes, ces
mouvements sont confus idéologiquement, avec beaucoup de limites. Mais ils
portent le germe de l'avenir, des futures résistances, mouvements et victoires.
C'est dans ce contexte que
l’intervention des révolutionnaires et la construction de partis
révolutionnaires, de classe, communistes, deviennent de plus en plus
déterminants. C'est dans ce contexte adverse, que chaque militant
révolutionnaire est précieux. Chiche a milité dans une période très difficile,
où la réaction profonde était à l'œuvre : on peut imaginer que la dictature
argentine c'était autre chose que les « plans d'austérité » ou même
l'état d'urgence en France. Mais le capitalisme sait très bien déployer ses
ailes destructrices et semer la barbarie et la sauvagerie à travers la planète.
Il l’a déjà démontré et le démontre chaque jour.
Mais c'est la profonde conviction
que notre victoire est non seulement possible mais nécessaire qui doit nous
donner les forces de continuer, de nous améliorer, de nous préparer. Le décès
de Chiche c'est une nouvelle triste mais en fin de comptes ça me renforce dans
ma conviction et l'envie de continuer ce combat merveilleux qu'est celui de
construire un monde dans lequel cela vaille le coup de vivre. Rien ne dure
éternellement, rien n'est pour toujours. « Toujours » est une
imposture. Même « la fin de l'Histoire » aura une fin !
Comme on dit en Argentine:
Compañero Chiche Hernandez, PRESENTE!
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