4.7.16

Sanglant attentat à Bagdad. Une réponse de Daesh face à ses revers militaires ?


Philippe Alcoy
 
Il s’agit de l’un des plus sanglants attentats qui ont frappé l’Irak depuis l’invasion nord-américaine en 2003. Selon un bilan provisoire, plus de 200 personnes ont perdu la vie et autant ont été blessées. Alors que ce samedi soir la foule se rassemblait dans le quartier de Karrada de la capitale irakienne pour prendre le repas de la rupture du jeun du ramadan, une camionnette piégée a explosé. Cette attaque barbare a été revendiquée immédiatement par Daesh. Alors que le groupe islamiste connaît depuis quelques mois plusieurs revers militaires, ce troisième attentat contre des civils en moins d’une semaine (Istanbul, Dacca [Bangladesh] et Bagdad) marque-t-il un tournant dans la stratégie de l’État Islamique ?


Cet attentat a lieu alors que le gouvernement irakien venait d’annoncer, quelques jours auparavant, que ses forces militaires, avec l’assistance de la coalition dirigée par les États-Unis, avaient repris la ville de Fallouja à l’État Islamique. Fallouja étant l’un des centres de fabrication de « voitures piégées » de Daesh, les autorités irakiennes assuraient qu’après sa reprise « Bagdad [serait] définitivement plus sûr ».

L’attentat de samedi soir ébranle ainsi le gouvernement en place depuis 2014. Dimanche, le premier ministre Haider al-Abadi, qui s’était rendu sur le lieu de l’attaque, est reparti sous les hués, les jets de pierres et de chaussures des habitants. La foule scandait « voleur ! ». En effet, beaucoup d’analystes signalent la possibilité que, outre la crise politique (re)ouverte, les masses reprennent les rues pour protester contre la corruption du personnel politique irakien. Mais elles pourraient aussi se mobiliser pour de meilleurs services publics et contre la crise économique et la violence liée aux conflits internes, conséquence de l’intervention des armées impérialistes dans le pays.

Un changement de stratégie pour Daesh ? 

Il est impossible de ne pas établir de relation entre ce nouveau carnage à Bagdad et les attentats à Dacca, où 20 personnes ont été assassinées pas des assaillants dans un bar, et à l’aéroport d’Istanbul, où 41 personnes ont perdu la vie (même si cette dernière attaque n’a pas été officiellement revendiquée par Daesh).

En effet, ces attaques n’expriment pas seulement le caractère profondément réactionnaire de Daesh. Elles semblent être une réponse aux revers militaires que l’État Islamique a subi ces derniers temps en Syrie et en Irak, et dont la perte de Fallouja fait partie. Il faudrait ajouter également un « grand accord » sur la Syrie auquel les États-Unis et la Russie seraient arrivés qui implique leur collaboration pour combattre les groupes islamiques agissant dans le pays dont le Front Al Nosra et Daesh. La Turquie pourrait également participer de ce tournant militaire à la faveur d’une détente de ses relations avec la Russie.

C’est dans ce cadre que Daesh seraient en train d’adopter pour une stratégie de type « guérilla » et d’accentuer sa politique d’attaques contre des cibles civiles. Cependant, malgré l’objectif déclaré de faire en sorte que « chacun se méfie de son voisin », ce tournant pourrait commencer aussi à lui faire perdre des sympathisants dans la région, étant donné que lors de ces attentats périssent aussi bien des civils chiites que sunnites. D’ailleurs, selon certains analystes, l’une des raisons de Daesh pour ne pas revendiquer d’attentats en Turquie (outre le fait d’attiser les divisions internes avec les kurdes) serait de ne pas éloigner les soutiens à l’État Islamique en Turquie.

Ainsi, tout semble indiquer que plus Daesh va perdre du terrain sur l’arène militaire plus il va viser les populations non seulement dans les pays occidentaux mais aussi, voire principalement, de la région. Daesh poursuit des projets politiques profondément réactionnaires et participe à la division des opprimés et des exploités dans la région. En même temps, les bombardements occidentaux, qui créent les conditions du chaos sur lequel Daesh se développe, ainsi que les politiques des gouvernements serviles aux intérêts des puissances impérialistes dans la région ne font que renforcer l’influence de Daesh. En plus de la lutte contre notre propre impérialisme, la mobilisation des travailleurs et des masses contre la barbarie islamiste et l’oppression impérialiste et ses alliés locaux reste la seule option capable d’offrir des réponses de fond aux problèmes structurels des peuples de la région.

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