Philippe Alcoy
Encore un référendum en Europe. Cette fois en Hongrie, sur la
politique de relocalisation de 160.000 réfugiés dans les différents pays
de l’UE. Le premier ministre hongrois, Viktor Orban, qui depuis
plusieurs mois est sur le devant de la scène pour « dénoncer » cette
politique européenne, entend « donner la voix » aux électeurs sur la
question. Il s’agit d’une politique démagogue visant à renforcer son
pouvoir en interne, à dévier l’attention des vrais problèmes du pays et
qui finit par renforcer la xénophobie, le racisme et le nationalisme
dans le pays et au-delà.
La Hongrie risque en effet d’être « écrasée ». Elle devra
accueillir une « masse » de… 1.294 réfugiées. En réalité il s’agit d’un
nombre ridicule de personnes à accueillir par rapport aux réels besoins
des centaines de milliers de migrants qui essayent d’arriver en Europe.
En effet, le vrai objectif d’Orban est de renforcer son pouvoir en
interne. Depuis qu’il manipule de façon xénophobe la question des
réfugiés sa popularité a progressé. Cela lui permet d’une part de faire
face à la pression du parti d’extrême-droite Jobbik et d’autre part de
faire diversion et d’éviter de parler des vrais problèmes qui touchent
les travailleurs et les classes populaires comme l’éducation, la santé
et la situation économique en général.
Lors du référendum, qui se tiendra le 2 octobre prochain, les électeurs devront répondre à la question : « Voulez-vous
que l’Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de
citoyens non hongrois en Hongrie sans l’approbation du Parlement
hongrois ? ». Même si la légalité du référendum est remise en cause
par les autorités européennes, pour que celui-ci soit valide la
participation doit dépasser 50%.
Alors que le Jobbik soutien le référendum et appelle, comme le
gouvernement, à voter « Non » l’opposition social-démocrate appelle au
boycott de celui-ci. Merkel s’est exprimée contre l’initiative aussi.
L’onde de choc du Brexit
Mais si ce type de discours racistes et xénophobes a autant de succès
parmi la population, y compris au sein des classes populaires, ce n’est
pas seulement dû au mérite des politiciens démagogues en Hongrie (et
ailleurs) mais bien le résultat du caractère profondément
antidémocratique et impérialiste de l’UE elle-même.
Les partis démagogues de droite essayent en effet d’exploiter
l’opposition aux impositions bureaucratiques de politiques
antipopulaires de Bruxelles en déviant cette colère des masses vers un
sentiment nationaliste, raciste et xénophobe.
Sur la question des réfugiés nous devons en effet pointer
l’hypocrisie des puissances centrales de l’UE. Non seulement le nombre
de personnes à relocaliser dans les pays membres est ridicule mais cette
répartition ne prend aucunement en compte la volonté des migrants
eux-mêmes. Car une autre grande réalité c’est que l’écrasante majorité
des migrants veut s’installer dans les pays les plus développés du
continent (notamment en Allemagne) et non dans des pays périphériques
plongés dans le sous-développement et la pauvreté.
C’est sur cette réalité qu’Orban base sa démagogie xénophobe.
Cependant, malgré ses discours et sa rhétorique, le premier ministre
hongrois n’est aucunement un eurosceptique. Bien au contraire. Il a même
fait campagne contre le Brexit aux côtés de David Cameron. Sa réelle
volonté est de renégocier les traités européens de façon à donner plus
de poids aux Etats nationaux. Avec les pays du groupe dit de Visegrad
(Pologne, Rép. Tchèque, Slovaquie et Hongrie) Orban tente d’empêcher que
l’Allemagne et les pays du « Nord » avancent vers la construction d’une
UE à deux vitesses où les pays d’Europe centrale et de l’Est
resteraient à la marge. En ce sens, avec le Brexit, ces pays ont plutôt
perdu un allié de taille comme la Grande-Bretagne qui s’est toujours
opposée à ce projet.
La xénophobie d’Orban se retournera contre les travailleurs hongrois travaillant dans l’UE
Sur la question de ladite « crise migratoire » malgré les efforts de
la presse de présenter Angela Merkel comme une dirigeante
« accueillante » et Orban, ainsi que d’autres politiques populistes de
droite de la région, comme les principaux ennemis des réfugiés, la
réalité est bien autre. En effet, il y a une complémentarité totale
entre les puissances centrales de l’UE et les gouvernements des pays
périphériques comme la Hongrie : c’est dans ces pays que les puissances
telles que l’Allemagne ont « sous-traité » la répression des migrants.
Ainsi, les barbelés érigés à la frontière entre la Hongrie et la Serbie
pour bloquer la route des migrants bénéficiaient principalement à
l’Allemagne, à l’Autriche et aux pays du nord de l’Europe où la plupart
des migrants veulent s’installer.
Mais ces discours racistes et xénophobes du gouvernement hongrois
sont un danger pour les travailleurs hongrois eux-mêmes. En effet, ils
participent au renforcement du gouvernement et à ses politiques
antisociales en interne mais aussi aux tendances nationalistes et
racistes à travers le continent.
Les débats autour du Brexit en sont un bon exemple. En Grande-Bretagne, où malgré leur statut de « citoyens européens » les conditions de vie des travailleurs d’Europe centrale et de l’Est sont déjà très difficiles,
la question des « travailleurs de l’Est » a été au centre des discours
xénophobes. Comme pointe le site francophone d’information sur la
Hongrie Hu-Lala : « [en
Grande-Bretagne] en 2015, sur les 2,7 millions de ressortissants
européens, plus de 805 000 étaient des citoyens polonais, soit plus du
tiers des migrants originaires de l’Union européenne. La même année, on
dénombrait près de 350 000 Roumains, 79 000 Hongrois, 75 000 Slovaques,
65 000 Bulgares et environ 42 000 Tchèques, soient au total plus d’1,4
millions de ressortissants centre- ou est-européens. Cette immigration
récente, principalement due aux différents élargissements de l’Union
européenne depuis 2004, explique à elle seule que le nombre de
ressortissants de l’UE aient dépassé en 2014 celui des immigrés
originaires des autres régions du monde ».
Avec la victoire du Brexit et les débats xénophobes qui s’ouvrent sur
le fait de savoir si les ressortissants de l’UE pourront rester ou non
en Grande-Bretagne une fois que celle-ci sera partie de l’Union, la
stigmatisation des travailleurs d’Europe centrale et de l’Est, dont les
hongrois, va s’accentuer.
Plus que jamais la solidarité internationaliste de la classe ouvrière
en Hongrie et dans tout le continent doit s’exprimer avec nos sœurs et
frères de classe migrants et réfugiés arrivés sur le continent fuyant la
misère ou la guerre et rejeter ce type d’initiatives réactionnaires
comme le référendum hongrois.
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