Philippe Alcoy
Je déteste Jerry. J’ai toujours voulu que Tom mange une bonne fois
pour toutes cette souris arrogante. Mais apparemment ces pensées
chargées de haine à l’égard de ces drôles mais sinistres personnages
auraient une mauvaise influence. Tom et Jerry seraient en effet parmi
les principales causes de la violence qui secoue le Moyen Orient et
plusieurs pays arabes du Nord de l’Afrique. C’est en tout cas ce que le
chef des Services d’Intelligence de l’Etat égyptien, Salah Abdel Sadek, a
déclaré.
Le 4 mai dernier en effet Abdel Sadek, au cours d’une
conférence sur « Les médias et la culture de la violence » à
l’université du Caire, déclarait : « Tom et Jerry présente la
violence de manière drôle et envoie le message que, oui, je peux frapper
quelqu’un... et je peux le faire sauter avec des explosifs. Cela
devient naturel dans l’esprit du téléspectateur ». Il a également condamné les jeux vidéo : « c’est
devenu très normal pour un jeune homme de passer de longues heures à
jouer aux jeux vidéo, où il tue et fait couler le sang et est heureux de
cela ». Ainsi, Tom Jerry et certains jeux vidéo et films, seraient
les responsables de « l’extrémisme » et de la violence qui se répand
dans la région !
Il est récurent que des régimes répressifs prennent des mesures et
adoptent des discours extravagants, frôlant le ridicule, pour se
légitimer. Des situations qui ne prennent sens que dans le cadre d’un
pouvoir dépourvu d’autre sens que celui de sauvegarder la domination
d’une minorité de possédants riches et parasitaires sur une écrasante
majorité exploitée et opprimée.
Le sens des déclarations d’Abdel Sadek n’est pourtant pas forcément
très clair. Il s’agit peut-être de « démontrer » que la violence et la
crise de plusieurs pays de la région sont le résultat de la « perversion
de la culture occidentale » et ainsi essayer de toucher des secteurs de
la population sensibles à ce discours, généralement véhiculés par des
courants de l’islam politique.
Évidemment, ce type de déclarations « extravagantes » ne sont pas de
l’exclusivité du régime égyptien ou des dictatures dans des pays de la
périphérie capitaliste. N’oublions pas qu’aux Etats Unis à chaque fois
qui se produisent des fusillades dans des campus universitaires, les
débats sur les « jeux vidéo violents » et leur relation avec la violence
dans la société envahissent les plateaux télé, journaux et radios.
Cependant, pour ce qui est de l’Egypte, ce qui est plus que clair
c’est le caractère hypocrite (en plus de ridicule) de ce discours sur la
violence venant d’un régime profondément répressif, où les tortures et
l’assassinat d’opposants est monnaie courante. Un régime qui a noyé dans
le sang le soulèvement populaire contre la dictature de Moubarak et son
armée. Un régime qui reçoit des centaines de millions de dollars de la
part des Etats Unis chaque année pour préserver les intérêts
impérialistes dans la région.
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