Philippe Alcoy
La mesure antidémocratique, bien que tout à fait légale d’après la
Constitution française, prise par l’impopulaire et antipopulaire
gouvernement du PS – lui permettant d’adopter la Loi Travail par décret
–, n’est pas passée inaperçue à l’étranger. Et pour cause, plusieurs des
principaux journaux internationaux en parlent. Malgré certaines
différences dans la ligne éditoriale, un constat fait consensus : le
recours au 49.3 est clairement un aveu de faiblesse du duo
Hollande-Valls.
Ainsi, pour le journal de la City de Londres, The Financial Times, cette « décision
drastique souligne la faiblesse politique de M. Hollande et les
tensions qui déchirent la gauche, à un an des élections
présidentielles ». Pour ce journal, « la réforme simplifie les lois du
travail […] rapprochant la France du modèle de l’Allemagne ou de celui
du Royaume-Uni, qui affichent des taux de chômage inférieurs. Mais elle a
concentré la colère des syndicats de gauche, des organisations
d’étudiants et des députés socialistes qui acceptent difficilement le
recentrage de M. Hollande et craignent de perdre leurs postes de députés
aux élections législatives de l’année prochaine ».
De cette façon, « l’échec de M. Hollande pour gagner le soutien
pour une telle réforme d’ampleur révèle sa dure bataille pour unir son
parti et pour gagner d’autres électeurs de gauche pour avoir une chance
de gagner un second mandat [en 2017] ».
De son côté, le New York Times
se positionne clairement pour la réforme du PS. On y « dénonce » un
« code du travail rigide » dans un pays qui connaît un taux de chômage
au-dessus de 10% depuis des années. Ainsi, « la drastique manœuvre
parlementaire employée par le gouvernement mardi était la preuve des
difficultés à changer les politiques économiques qui continuent d’avoir
un large soutien à gauche, malgré le fait que cela rend coûteux et
difficile pour les employeurs de licencier les travailleurs, et risqué
d’en embaucher des nouveaux ».
Le journal new-yorkais se plaint du fait que « des années après
que l’Allemagne, la Grande-Bretagne et maintenant même que l’Italie
aient mis en place des réformes du marché du travail, la France ait du
mal à ne serait-ce qu’à poser la question ». On y regrette aussi que « l’incapacité
de M. Hollande à obtenir un consensus sur la Loi Travail, après des
mois d’efforts, a contribué à l’affaiblir politiquement » pour ensuite reprendre les discours qui brandissent la menace « extrémiste » en cas d’échec de Hollande : « la faiblesse de M. Hollande à son tour, pourrait ouvrir la voie au parti d’extrême-droite le Front National ».
Le journal espagnol El País
axe beaucoup plus son analyse sur les contradictions et sur
l’instabilité que le recours au 49.3 ouvre pour le gouvernement
Hollande-Valls d’ici les prochaines élections. Ainsi, le fait de passer
outre le débat et le vote au parlement « démontre une fois de plus la
faiblesse parlementaire [du gouvernement] à cause de son irréparable
brèche ouverte au sein des rangs socialistes, ce qui prédit une tendue
et compliquée dernière année du mandat de Hollande et une claire
instabilité du premier ministre, Manuel Valls ».
Le gouvernement est désormais dans un conflit ouvert sur trois fronts « au parlement, dans la rue et au sein du Parti Socialiste ». Cela va rendre extrêmement difficile la « mise
en place de nouveaux projets en ce qui reste du mandat. En outre,
[Hollande et Valls] rompent définitivement la possibilité de créer un
front de gauche pour les élections de l’année prochaine ».
Dans tous ces journaux, on rappelle également que cette fragilité du
PS au parlement s’est révélée aussi en mars dernier quand le
gouvernement a dû abandonner son projet de « déchéance de nationalité »
et la « constitutionnalisation de l’état d’urgence ». Mais en même
temps, ils rappellent que cette fois les enjeux sont tout autres et que
la motion de censure de la droite (ne parlons même pas de la tentative
pathétique des « frondeurs ») a très peu de possibilités d’être votée.
C’est pour cela que la seule alternative qui reste pour faire reculer
le gouvernement et le patronat, c’est de redoubler la mobilisation dans
les rues, les lieux d’étude et de travail. Même si le gouvernement
réussi à faire passer sa loi, il reste un gouvernement faible et
instable. Les grèves reconductibles qui pourraient avoir lieu dans
différents secteurs comme chez les raffineurs, les routiers et même chez
les cheminots sont en mesure de donner un nouveau souffle au mouvement
et imposer une défaite au gouvernement. C’est peut-être l’angle mort de
toutes ces analyses dans les médias dominants internationaux.
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