Philippe Alcoy
Le président intérimaire de la Chambre des députés brésiliens,
Waldir Maranhão, a eu son quart d’heure de célébrité. Il avait annoncé
lundi 9 mai l’annulation de la séance de la chambre basse du 17 avril
dernier permettant l’ouverture de la procédure d’impeachment de la
présidente Dilma Rousseff. Quelques heures plus tard il revenait sur sa
décision. Encore un numéro de la farce politicienne qui se joue
actuellement au Brésil.
Si Maranhão a eu son quart d’heure de célébrité, le régime
brésilien quant à lui expose depuis plusieurs mois déjà, à toute la
planète, la médiocrité et la bassesse de son personnel politique. Aux
yeux de tout le monde, il est devenu clair que le régime politique
brésilien est rongé par une corruption structurelle.
Et dans le coup d’Etat institutionnel en cours, les rebondissements
ne s’arrêtent plus. Alors que l’ouverture de la procédure d’impeachment
et la suspension de Dilma permettrait à son ex allié, Michel Temer du
PMDB (centre), d’arriver à la tête de l’Etat, la semaine dernière
l’ancien président de la chambre des députés, Eduardo Cunha aussi du
PMDB était suspendu de ses fonctions par la justice. Cunha est l’un des
principaux opposants de Dilma et du PT mais son nom est également cité
dans la méga opération d’enquête anticorruption « Lava Jato ». Une
action de la justice qui cherche sans aucun doute à donner une image
« impartiale » à son rôle dans le coup d’Etat institutionnel en cours.
C’est cette destitution qui a permis à Waldir Maranhão de remplacer
Cunha. Très proche du gouverneur de l’Etat de Maranhão, Flavio Dino
(PCdoB –Parti Communiste du Brésil), allié du PT au pouvoir, Maranhão a
décidé d’annuler la séance qui avait ouvert la possibilité d’ouvrir la
procédure de destitution de Dilma Rousseff. Le député de l’Etat du
nord-est brésilien argumentait des irrégularités lors du vote au
parlement sur l’impeachment, notamment la déclaration du vote par les
députés avant le scrutin, les explications de vote totalement
déconnectées de la question sur laquelle les députés devaient se
prononcer, etc.
Le président du sénat, Renan Calheiros (un autre du PMDB), face à
cette annonce surprise, a aussitôt déclaré que les sénateurs ne
reconnaissaient pas la décision de Maranhão et continueraient les
discussions et le vote, qui commence mercredi matin, sur l’ouverture de
la procédure d’impeachment.
Finalement, après ces pressions et celle de son propre parti, le
Parti Progressiste, Maranhão est revenu sur ses pas. Aujourd’hui,
certains députés exigent sa démission et son parti est en train de
discuter de son exclusion.
Quant au PT et Dilma, ils continuent à parier sur une stratégie
institutionnelle pour arrêter le processus d’impeachment. C’est pour
cela que le parti de la présidente vient de déposer un recours auprès du
Tribunal Suprême Fédéral pour annuler l’impeachment. Le PT considère en
effet que l’ex président de la chambre des députés, Eduardo Cunha,
avait des motivations personnelles pour accepter le vote d’ouverture de
la procédure de destitution contre Dilma (impliquée dans des affaires de
corruption).
C’est la dernière chance pour le gouvernement. Si le Tribunal Suprême
rejette le recours du PT, il est très probable que ce mercredi le sénat
vote la suspension pour 180 jours de la présidente et que Temer
devienne le nouveau président intérimaire du Brésil et nomme un nouveau
gouvernement.
Dans ce cadre, et alors que dans les hauteurs du corrompu régime
politique brésilien des politiciens illégitimes, représentants des
intérêts des classes dominantes locales et de l’impérialisme, négocient
futur du coup d’Etat institutionnel, que font les organisations
ouvrières et de la jeunesse ? Pratiquement rien. Elles n’organisent
aucune résistance sérieuse face aux attaques de la droite, du patronat
et du gouvernement du PT lui-même qui pendant tous ces mois de crise n’a
pas arrêté d’appliquer l’austérité que les capitalistes exigent.
Ces organisations, comme la CUT pour les travailleurs et l’UNE pour
le mouvement étudiant, cantonnent les masses dans une position de
spectatrices des magouilles d’en haut. Cela abouti à la passivité des
travailleurs et de la jeunesse et empêche que ceux-ci reprennent
confiance en leurs propres forces. La réalité c’est que le PT craint
plus la rue que la perspective d’être chassé du pouvoir. Car dans
l’éventualité, très improbable, de rester au pouvoir, celui-ci voudra
appliquer les attaques qu’exige le patronat ce qui deviendrait plus
difficile avec les masses mobilisées conte le coup mais aussi contre
l’austérité.
En ce sens, pour les travailleurs, la jeunesse et les couches
populaires il est fondamental de s’opposer de l’offensive putschiste de
la droite, du patronat et des institutions réactionnaires comme la
Justice. Mais cela ne signifie pas le soutien politique au PT de Dilma
et Lula, qui depuis 2002 gouvernent pour le patronat local et le capital
international. Comme expliquent nos camarades d’Esquerda Diario,
les travailleurs et les couches populaires doivent lutter pour « une
Assemblée constituante qui en finisse avec toutes les institutions de ce
régime, qui impose à travers la lutte des travailleurs que tous les
juges soient élus, révocables et gagnent le même salaire qu’un
travailleur qualifié, et la même chose pour les politiciens haut
placés ; qui empêche que des juges puissent juger leurs propres amis
dans les affaires de corruption et que ceux-ci soient jugés par des
jurys populaires ; un système qui s’attaque aux profits des patrons pour
que ce soient eux qui payent la crise, dans le cadre de la lutte pour
un gouvernement des travailleurs qui rompe avec le capitalisme et
l’impérialisme ».
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