Philippe Alcoy
La vidéo a fait le tour de la planète. Au moins sur les réseaux
sociaux, aussi bien chinois qu’internationaux. On y voit un petit enfant
se « battre » et même menacer avec une barre métallique des policiers.
Ce petit chinois de trois ans défendait sa grand-mère dérangée par la
police municipale qui entendrait l’expulser de son poste de vente
ambulante.
L’image est hilarante car la scène frôle l’absurdité, le surréel.
Malgré les rires des personnes autour, y compris des policiers (dont une
partie filmait même la réaction de l’enfant), le petit « héros » ne
rigole pas, il fait face aux policiers très sérieusement. Il les
repousse, les gronde. Il fait des gestes avec ses bras. Il refuse la
conciliation et les éloigne à coups de pieds et de poings. Tout un
subversif !
La scène est sans aucun doute révélatrice d’une violence récurrente
de la part des autorités municipales et ses forces répressives. Ce n’est
pas pour rien que dès son plus jeune âge cet enfant identifie les
personnes hostiles pour lui et sa famille : la police municipale.
On ne connait pas la fin de l’histoire. On ne sait pas si finalement
la grand-mère a été expulsée avec son petit-fils. La seule chose sure
c’est que les autorités chinoises ont donné l’ordre de bloquer tous les
partages de la vidéo. Surement elles ont jugé que les images
ridiculisaient la police, voire que le petit subversif pourrait donner
des idées à d’autres. Toute une menace pour la sécurité de l’Etat !
Pourquoi le pouvoir de Pékin a raison de craindre la diffusion de la vidéo ?
Si les images de cet enfant révolté par l’injustice sont surréalistes
par certains aspects, la censure de la vidéo par les autorités
chinoises semblerait proportionnellement pathétique. Or, le pouvoir de
la bureaucratie de Pékin a bien de raisons de faire attention à ce type
de « symboles subversifs », même s’ils ont l’air très inoffensifs et
insignifiants.
En effet, depuis plusieurs mois la Chine est traversée par une augmentation des conflits sociaux, notamment de grèves ouvrières
qui finissent parfois avec des affrontements avec la police et des
arrestations des dirigeants des grèves. Une des raisons qui expliquent
cette augmentation des conflits sociaux c’est le ralentissement des
l’économie chinoise qui se traduit par la dévaluation de la monnaie
nationale, le gel des salaires, la fermeture et/ou la délocalisation
d’entreprises, les licenciements massifs. Mais certains analystes
pointent une autre raison, qui pourrait être plus importante que la
crise économique : le manque de respect des droits des travailleurs.
Dans la vidéo le petit se « bat » avec la police municipale, qui dans
certaines villes de Chine est réputée pour être très autoritaire et
arbitraire, notamment contre les vendeurs de rue. Et pour cette raison
ses agents sont détestés. En ce sens, le souvenir des affrontements entre manifestants et policiers qui ont secoué Hong Kong
il y a quelques semaines à la suite de l’interdiction des vendeurs de
rue de boulettes de poisson est très frais dans les esprits des
dirigeants chinois.
Cette situation sociale de plus en plus agitée est un danger pour les
autorités centrales mais principalement pour les pouvoirs locaux dont
les dirigeants pourraient perdre leurs postes et voir leurs carrières
prendre un coup, parfois fatal. C’est pour cela qu’il est inadmissible
pour eux de laisser délégitimer et/ou ridiculiser des forces de police
qui seront (sont) chargées de réprimer la protestation ouvrière et
populaire.
En ce sens, ce qui craint le pouvoir chinois n’est pas tant le petit
de trois ans révolté mais le symbolisme que sa vidéo comporte, le
message d’insubordination qu’il renvoie. Le réveil du géant prolétariat
chinois et les masses urbaines et paysannes serait un cauchemar pour les
autorités chinoises et mondiales. Ce serait pourtant une très bonne
nouvelle pour les exploités et opprimés à travers le monde. Et l’image
de ce petit subversif, révolté contre l’injustice d’un pouvoir
autoritaire et arbitraire, nous le rappelle à sa façon.
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