Philippe Alcoy
Fibre sensible, tabou républicain. Un pilier de l’Etat français a
été attaqué : la police est critiquée pour ses actes de violence lors
des manifestations contre la Loi Travail. Campagne « honteuse »,
« immonde ». Scandale. On ose dire que les forces de police frappent et
que c’est illégitime ? Il faut porter plainte !
Une grande polémique agite toute la presse hexagonale. La
cause ? Une affiche du syndicat Info’Com CGT qui dénonce les violences
policières. On y voit une flaque de sang, un écusson de CRS et une
inscription : « la police doit protéger les citoyens et non les
frapper ». Un message pas si subversif que ça en réalité. Juste une
réaction d’un syndicat face à la vague de violences policières qui
s’abat sur les opposants à la Loi Travail, particulièrement sur la
jeunesse.
Cependant cela a été suffisant pour scandaliser les représentants de l’Etat, à commencer par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, mais aussi des représentants des principaux partis du régime jusqu’au Front National. Ainsi, Eric Ciotti, député Les Républicains (LR), a demandé au « ministre de l’Intérieur de déposer plainte contre la CGT » après avoir dénoncé une affiche « scandaleuse, indigne, honteuse ».
Cependant cela a été suffisant pour scandaliser les représentants de l’Etat, à commencer par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, mais aussi des représentants des principaux partis du régime jusqu’au Front National. Ainsi, Eric Ciotti, député Les Républicains (LR), a demandé au « ministre de l’Intérieur de déposer plainte contre la CGT » après avoir dénoncé une affiche « scandaleuse, indigne, honteuse ».
Florian Philippot, bras droit de Marine Le Pen, a dénoncé une
« affiche immonde » qui d’après lui a été faite avec « l’argent de
l’Etat ». Le trésorier du FN, Wallerand de Saint-Just, semble même avoir
fait une découverte : « la CGT dévoile son vrai visage : être toujours
la courroie de transmission d’une extrême gauche (…) souvent
ultra-violente ». Alors que le FN se trouve embourbé dans des affaires
pour détournement de fonds publics et évasion d’impôts, entre autres,
l’hypocrisie de ces déclarations rejoint le ridicule. Mais une chose est
sûre : le parti soi-disant antisystème, au moment où il faut défendre
le régime et ses institutions, notamment ses forces répressives, est
toujours en première ligne, aux côtés du si décrié « UMPS ».
Le gouvernement s’est exprimé surtout par la voix du ministre de
l’intérieur B. Cazeneuve qui a écrit une lettre au secrétaire général de
la CGT, Philippe Martinez, indiquant que ce visuel met « gravement en
cause la police nationale » et qu’il s’agit d’une campagne « violente »
et « choquante ». Le premier secrétaire du Parti socialiste
Jean-Christophe Cambadélis a quant à lui dénoncé une « gauchisation » de
la CGT qui ne chercherait désormais qu’à se regrouper « autour de
quelques personnalités qui sont en confrontation frontale avec
l’ensemble de la société ». Le député écolo François de Rugy a exprimé
sur Twitter son « soutien aux policiers qui font un métier
particulièrement dangereux ».
Les syndicats de la police, y compris la CGT-Police, ont également
dénoncé l’affiche. Le SCSI-CFDT et Synergie, majoritaires chez les
policiers, parlent respectivement « d’injure aux milliers de policiers
et gendarmes blessés ou tués dans l’exercice de leur fonction » et d’un
« appel abject à la haine » et à la « violence » envers les forces
répressives de l’Etat. La CGT-Police déclare se sentir « insultée ».
Un tapage médiatique pour légitimer la répression policière
Tout ce « cirque médiatique » révèle en réalité le caractère
profondément réactionnaire et pro-répression du personnel politique du
régime. Il s’agit pour eux de renforcer l’idée que l’usage de la
violence par les forces répressives est toujours légitime, qu’en
dernière instance l’Etat a toujours une ou des raisons « justes » de
réprimer. En ce sens, il n’est pas étonnant que face aux cas de
brutalité policière on les entende beaucoup moins crier au
« scandale » ; que quand la « justice » laisse en liberté les assassins
des jeunes des banlieue ou des manifestants, comme dans le cas de Rémi
Fraisse, on ne parle pas « d’injure contre les familles » des victimes.
Ceux-là mêmes qui parlent aujourd’hui de « honte » et de « campagne
immonde » à propos d’une affiche, se réjouissent quand les assassins de
Zyed et Bouna, Amine Bentounsi et tant d’autres sont relaxés !
La réalité c’est que « l’esprit du 11 janvier », quand la foule
applaudissait les gendarmes et les CRS, l’armée et les différents corps
répressifs, semble loin aujourd’hui. Au cours de la lutte contre la Loi
El Khomri, de plus en plus de salariés et de jeunes sont en train de
faire leur expérience avec la brutalité et l’arbitraire policier, sans
aucun doute encouragés par le ministère lui-même. Et c’est cette
dynamique de remise en cause de la légitimité de la répression par une
partie de la jeunesse et des travailleurs que l’ensemble des
représentants du système essayent de briser.
La confédération de la CGT reste prudente
L’affiche d’Info’Com CGT est l’expression du rejet des violences
policières, notamment contre les jeunes, qui émane à la base des
syndicats. C’est pour cette raison que Philippe Martinez n’a pas pu se
dissocier ouvertement des auteurs de l’affiche, même s’il a tenu à
prendre ses distances en affirmant que celle-ci « émane d’un syndicat de
la CGT et elle n’apparaît pas, vous l’avez remarqué, sur le site de la
confédération (…) [Elle n’engage] ni la CGT-Police ni la
confédération ».
En prenant ses distances de la sorte, Martinez affaiblit la position
de la CGT Info’Com et la laisse plus vulnérable face à d’éventuelles
représailles politiques et judiciaires. Cette attitude de la direction
de la CGT s’inscrit dans la même ligne que sa politique visant à isoler
le mouvement de la jeunesse, le laissant seul face à la répression et
aux violences policières (coups, gazages, arrestations, mises en examen
et condamnations arbitraires, entre autres).
La répression, c’est le travail de la police !
Nous soutenons inconditionnellement le droit de la CGT Info’Com et de
tous les syndicats à critiquer et dénoncer les forces répressives de
l’Etat. L’affiche en question est une réaction face à la violence
policière de plus en plus forte contre ceux et celles qui se mobilisent.
Cependant, nous ne partageons pas la position exprimée sur l’affiche
selon laquelle la police pourrait être au service de la « protection de
l’ensemble des citoyens ». L’Etat capitaliste étant un instrument des
classes dominantes, et les forces répressives étant le principal outil
du pouvoir d’Etat, la police comme l’armée ne peuvent en aucun cas être
au service de « l’ensemble des citoyens ». La police, ainsi que toutes
les institutions répressives (l’armée, les différents corps répressifs,
la Justice), sont au service des classes dominantes, des capitalistes.
Justifier et légitimer la répression policière est donc pour eux une
tache idéologique fondamentale, afin de maintenir la domination
capitaliste.
Alors, tout le monde déteste la police ?
Non. Le patronat, ses représentants politiques et ses courroies de
transmission dans le mouvement ouvrier et de la jeunesse (les
bureaucraties syndicales) non seulement ne détestent pas la police, mais
ils sont adeptes de la répression, fanatiques de l’ordre d’une société
d’exploitation et d’oppression. Les exploités et les opprimés
connaissent très bien ce que leur « ordre » veut dire en termes de
répression. Et la mobilisation actuelle montre concrètement comment les
gouvernants et le patronat s’en servent. Et si le mouvement venait à se
radicaliser, cela pourrait être pire. C’est inévitable. C’est pour cette
raison que face à la violence policière, nous défendons la dissolution
de tous les corps de répression, ce qui pourra être mis en œuvre par les
exploités et les opprimés en lutte pour le pouvoir politique et le
renversement du système capitaliste.
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