Philippe Alcoy
Il s’agit de deux minutes trente de pure humiliation et de violence
envers un adolescent rrom en Bulgarie. Son « tort » ? Avoir osé affirmer
que lui et son agresseur étaient égaux. Forcé à se mettre à terre, le
jeune rrom au visage terrifié a reçu des coups de pieds à la tête et à
l’estomac, ainsi que des insultes, dans une situation profondément
humiliante. Son agresseur, après avoir filmé la scène, a posté la vidéo
sur les réseaux sociaux, apparemment pour se vanter de sa « prouesse ».
La vidéo d’Angel Kaleev, l’agresseur de 24 ans, est devenue virale :
100.000 vues en 36 heures dans un pays de seulement 7 millions de
personnes. Le sujet a été relayé par les médias nationaux rapidement.
Sur la vidéo on peut voir clairement que le jeune rrom a peur et
essaye vainement de calmer la situation pour éviter de se faire
agresser. Après avoir été tapé une première fois, il ne répond pas ni ne
se défend. Il consent même à se mettre par terre où son agresseur lui
donne des coups de pieds accompagnés d’insultes et d’injonctions
racistes.
Ce sont des scènes du racisme ordinaire que subit le peuple rrom. Ce
type de violences est monnaie courante en Bulgarie, dans les pays de la
région mais aussi dans d’autres pays européens. Le fait que Mitko, le
jeune rrom, n’ait pas cherché à se défendre révèle également que la
simple tentative de la part d’un rrom de se défendre pourrait avoir de
pires conséquences encore que de se laisser tabasser sans résistance.
Étant donné l’impact de la vidéo sur les réseaux sociaux et dans la
presse, Angel Kaleev a finalement été arrêté. Mais le fait même que
celui-ci ait publié la vidéo sur internet montre à quel point les
racistes se sentent légitimes et à l’aise de vanter leurs « prouesses »
sur le net en Bulgarie.
Un contexte de montée du racisme et de la xénophobie
Le racisme anti-rrom, dans la région en particulier mais aussi en
Europe en général, est une affaire vieille de plusieurs siècles (voir ici, ici et ici).
Mais cette agression a lieu au moment même où des « groupes de
citoyens » organisent une vraie « chasse aux migrants » fuyant la guerre
et la misère et qui essaient d’arriver dans les pays riches de l’UE.
Ainsi, une vidéo
récemment rendue publique montre des migrants afghans avec les mains
ligotés par des « chasseurs de migrants » bulgares. Bien que l’auteur de
la vidéo ait été arrêté après la protestation de plusieurs ONG suite à
l’impact qu’on eues ces images, le gouvernement et les médias locaux
sont les principaux responsables de cette montée du racisme et de la
xénophobie. Ce sont les médias qui ont fait un portrait très positif
d’un Dinko Valev qui se présentait comme un « chasseur de migrants ».
Des membres du gouvernement bulgare, comme le premier ministre Boïko
Borissov lui-même, sont allés jusqu’à féliciter ces citoyens pour leur
devoir de défense de la patrie. Or,la réalité c’est que les milliers de
migrants qui arrivent en Europe ne sont pas en train de risquer leur vie
pour aller vivre en Bulgarie ou envahir le pays balkanique. Pour
l’écrasante majorité, la Bulgarie (tout comme la Macédoine, la Grèce ou
la Hongrie) n’est qu’une étape pour arriver dans les pays riches de
l’UE. Ainsi, ces groupes de « citoyens » ne sont aucunement
des« défenseurs de la patrie bulgare » mais bien les vassaux des
puissances impérialistes de l’UE qui « sous-traitent » la répression
contre les migrants dans les Balkans.
Vidéo (traduction fournie par La Voix des Rroms) :
-T'as dit que t'allais où ?
-Je rentre à la maison.
-Tu vas faire quoi à la maison ?
-Je vais me reposer.
-Tu vas te reposer. T'as dit quoi
toute à l'heure, que moi et toi on est égaux ?
-Tu fais une vidéo ?
-On est égaux, c'est ça ?
-Si (???), ça veut dire qu'on est
égaux n'est-ce pas ?
-Et si je décide maintenant de te
battre ?
-…
-Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce
qu'on fait maintenant ?
-Non... !
-Qu'est-ce qu'on fait ? Hein ?
Viens ici. Bouge pas. Bouge pas !
Mets-toi par terre. J'ai dit mets-toi par terre ! Par terre ! Par terre, fils
de pute ! Mets-toi par terre ! Par terre ! T'as dit quoi ? T'as dit quoi, que
moi et toi, on est égaux, c'est ça ?
-Je suis désolé...
-T'as dit que moi, moi, je suis
ton égal ? Est-ce que je suis un tzigane, moi ?
-Non, tu ne l'es pas...
-Est-ce que je suis un tzigane ?
-Non...
-Est-ce que je suis un tzigane ?
-Non, bate (« grand-frère »,
terme de respect)
-Est-ce que je suis un tzigane ?
Est-ce que je suis un tzigane, fils de pute ? Fils de pute, lève-toi debout.
J'ai dit lève-toi. Lève-toi ! Lève-toi ! Lève-toi ! Qu'est-ce qu'on fait
maintenant ? Est-ce que je suis au même niveau que toi ?
-Non...
-Qu'est-ce que t'as dit toute à
l'heure, toi ? Qu'on est égaux, toi et moi, si je veux pas te battre. Et si je
décide de te tuer, on va faire quoi ? Qu'est-ce qu'on fait ?
-…
-T'as dit quoi ? Mets-toi par
terre ! Par terre, tout de suite ! Par terre ! Par terre, fils de pute ! Moi,
je vais être ton égal, c'est ça ? C'est ça ?
-S'il te plaît, bate
(grand-frère), s'il te plaît...
-C'est ça, tzigane ? Debout
maintenant. Lève-toi ! Lève-toi tout de suite ! Est-ce que moi, je suis un
tzigane ?
-J'ai pas dit que t'étais un
tzigane...
-Je suis un tzigane, moi ?
-Non...
-Je suis pas un tzigane ?
-Tu veux que je te batte ?
-Non...
-Hein ?
-Non...
-Non quoi ? Non quoi ?
-J'ai jamais dit ça, t'es pas un
tzigane...
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