Philippe Alcoy
« Il n’y a plus un chat ou un chien vivant dans la ville »,
témoigne un habitant de Madaya. Il ne s’agit pas d’une catastrophe
vétérinaire ou d’un mépris des habitants de la ville pour les animaux
domestiques. Non. On les a mangés. Les 40.000 habitants de Madaya se
trouvent en état de siège depuis six mois et certains sont en train de
mourir littéralement de faim. Certains survivent avec de l’eau salée et
des soupes d’herbe ou de feuilles. Et même cela commence à manquer.
Les forces armées du régime de Bachar Al-Assad et de ses
alliés du Hezbollah maintiennent les habitants de cette ville
frontalière avec le Liban et située à 30 km au sud de Damas sous un
siège criminel. Non seulement ils laissent une partie de la population
mourir lentement de faim, mais la ville est entourée de mines
antipersonnel et de snipers.
En décembre on estime qu’au moins 23 personnes sont mortes de faim,
dont six enfants. Quatre autres personnes sont mortes en essayant de
fuir de la ville sous le feu des snipers ou suite à l’explosion de mines
anti-personnel.
Les résidents de Madaya passent des jours sans rien manger. Sur les
images diffusées sur les réseaux sociaux et la presse, on y voit des
enfants la peau sur les os, des personnes âgées allongées par terre
maigres et affaiblies. Les basses températures et la neige ne font
qu’aggraver cette situation.
Une des images qui a beaucoup circulé est celle d’une affiche sur une
voiture où l’on lit que le propriétaire l’échange pour dix kilos de riz
ou cinq kilos de lait en poudre. En effet, le prix des aliments y est
exorbitant. Un habitant explique qu’il y a une semaine le kilo de riz
coûtait 202 dollars américains, aujourd’hui il coûte 530 dollars ! Le
kilo de farine coûte près de 100 dollars.
Face à cette situation et à la diffusion de l’information au niveau
international, le régime a dû annoncer qu’il laissera l’aide humanitaire
passer. Mais on ne sait ni quand, ni comment et surtout dans quelles
conditions cela aura lieu. On craint effectivement que, comme par le
passé, l’ouverture de la ville à l’aide humanitaire ne soit qu’un
prétexte pour forcer des civiles à quitter Madaya.
En effet, la position du régime et de ses alliés face à cette ville
tenue par des opposants à Assad est claire : il faut se rendre ou
mourir. Une tactique de guerre criminelle qui se reproduit dans tout le
pays. Selon des membres d’ONG il y aurait actuellement en Syrie environ
400.000 personnes dans cette situation de siège. Et cela n’est pas
l’exclusivité des forces loyalistes qui, en 2012-2013, avaient déjà
utilisé cette tactique barbare contre le camp de réfugiés palestiniens
de Yarmouk. Selon des témoignages, les forces rebelles emploient les mêmes méthodes de siège contre la population civile des villes chiites.
Mais
ces méthodes criminelles ne semblent pas près de s’arrêter. Au
contraire. A la fin du mois, des pourparlers entre le régime et
l’opposition devraient commencer sous l’égide de l’ONU et des puissances internationales.
Pour renforcer leur rapport de forces, les différentes parties
essayeront de peser le plus possible sur le terrain. Et cela implique la
conquête de zones stratégiques. En ce sens, les forces armées du
régime, soutenues par l’aviation russe, sont en train d’avancer
résolument vers le sud du pays, où se trouve Madaya.
On peut donc s’attendre à plus d’atrocités dans les prochains jours.
Les crimes contre l’humanité, comme celui perpétré à Madaya, ne sont que
le résultat logique d’une guerre où toutes les parties représentent des
intérêts réactionnaires. C’est une immense tragédie pour les classes
populaires en Syrie.
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