Renan Granger et Philippe Alcoy
Publié le 1er décembre 2015
Dans une interview donnée ce mardi 1er décembre au Parisien, le
président du MEDEF Pierre Gattaz a fustigé le programme économique du
Front National en le comparant au programme commun de la gauche de 1981
et qui est pour lui « exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire ».
Cette sortie pourrait effectivement offrir une nouvelle opportunité au
FN pour se faire passer comme un parti « antisystème ». Cependant, elle
continue à représenter l’un des obstacles les plus importants pour son
arrivée au pouvoir.
Le gouvernement socialiste, soutenu par le MEDEF en ce sens, vient de
mettre en œuvre une bonne partie du programme de la droite et de
l’extrême droite : restauration du drapeau bleu-blanc-rouge et de la fierté nationale ; permis pour les policiers de porter leurs armes même en dehors de leur service ; déferlante islamophobe ou encore proposition de rétablir une coopération avec le boucher syrien Bachar El-Assad.
Dans cette situation, le PS semble sauver la face dans les sondages
pour les élections régionales, sans réussir pour autant à arrêter la
progression du FN. Ce sont surtout Les Républicains qui perdent le plus
dans ce contexte, car très difficile pour eux de se différencier de la
politique du gouvernement.
L’attaque du MEDEF contre le programme économique du FN (Gattaz ne
voulait pas se prononcer sur son programme politique !) vise à
discréditer la formation de Marine Le Pen au bénéfice des partis du
« centre » (ou de « l’extrême centre » comme dirait Tariq Ali). Le
patron des patrons appelle à la vigilence car le programme économique du
FN lui « rappelle étrangement le programme commun de la gauche de
1981 (…) Retour de la retraite à 60ans, augmentation de tous les
salaires avec notamment une hausse du SMIC de 200euros, retour au franc,
augmentation des taxes d’importation… c’est exactement l’inverse de ce
qu’il faut faire pour relancer la croissance économique du pays ».
Le Front National est loin d’être le parti « antisystème » et
« social » qu’il prétend être, mais bien un parti qui défend les
intérêts des patrons et des classes dominantes, ce qui lui vaut
d’ailleurs le soutien de Charles Beigbeder, l’un des principaux patrons
français. Il aspire à devenir un parti de pouvoir, intégré au régime et
capable de diriger l’État. C’est pour cela qu’il s’est empressé de
démentir les accusations de Gattaz dans un communiqué : « Dans notre
programme, il n’y a pas de retour de la retraite à 60ans mais une
retraite pleine lorsqu’on a cotisé 40ans. Il n’y a pas non plus de
hausse de 200euros du SMIC mais une baisse des cotisations sociales des
bas salaires compensés par une hausse de 3% des taxes à l’importation ».
Mais si Gattaz tient à critiquer le programme du Front National, ce
n’est pas tant parce qu’il serait trop « social », mais surtout parce
qu’il propose de sortir de l’Union Européenne, de revenir au franc et de
fermer les frontières. Or, dans la situation actuelle, le patronat
français ne souhaite pas se passer de l’institution européenne, l’un des
principaux relais des attaques contre les travailleurs depuis plusieurs
années avec par exemple le saccage de la Grèce, ni des millions de
travailleurs immigrés surexploités dont l’arrivée permet de diviser les
travailleurs entre nationaux et étrangers.
Dans la catégorie du « repli sur soi », auquel il oppose « l’avenir »
et la « compétitivité », Gattaz range indistinctement Mélenchon et
Marine Le Pen, qui partagent selon lui le « même combat ». Cette
association scandaleuse est permise par les récents égarements du Front
de Gauche, qui ne s’est pas opposé au vote des crédits de guerre à l’Assemblée Nationale, et avec la présence de Mélenchon aux côtés de Marine Le Pen pour célébrer « l’union nationale » aux Invalides.
Mais en dernière instance ce discours vise avant tout à tenter de
renforcer les partis piliers du bipartisme de la VeRépublique, le PS et
Les Républicains, qui ont déjà démontré leur grande servilité à l’égard
du patronat.
Cependant, en voyant l’évolution bonapartiste et répressive du régime
politique français, on ne peut pas exclure que les déclarations de
Gattaz soient aussi un appel à la réflexion du FN sur certains points de
son programme économique, principalement la question de la relation
avec l’UE et l’euro. Dans un futur de montée des luttes ouvrières et
populaires, la bourgeoisie française pourrait peut-être avoir besoin de
faire appel au FN. Et pour cela, son programme doit être le plus en
adéquation possible avec les intérêts du patronat.
Source: RP
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