9.12.15

Malgré ses efforts le FN ne convainc pas encore le patronat


Renan Granger et Philippe Alcoy
Publié le 1er décembre 2015
 
Dans une interview donnée ce mardi 1er décembre au Parisien, le président du MEDEF Pierre Gattaz a fustigé le programme économique du Front National en le comparant au programme commun de la gauche de 1981 et qui est pour lui « exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire ». Cette sortie pourrait effectivement offrir une nouvelle opportunité au FN pour se faire passer comme un parti « antisystème ». Cependant, elle continue à représenter l’un des obstacles les plus importants pour son arrivée au pouvoir.


Le gouvernement socialiste, soutenu par le MEDEF en ce sens, vient de mettre en œuvre une bonne partie du programme de la droite et de l’extrême droite : restauration du drapeau bleu-blanc-rouge et de la fierté nationale ; permis pour les policiers de porter leurs armes même en dehors de leur service ; déferlante islamophobe ou encore proposition de rétablir une coopération avec le boucher syrien Bachar El-Assad.

Dans cette situation, le PS semble sauver la face dans les sondages pour les élections régionales, sans réussir pour autant à arrêter la progression du FN. Ce sont surtout Les Républicains qui perdent le plus dans ce contexte, car très difficile pour eux de se différencier de la politique du gouvernement.

L’attaque du MEDEF contre le programme économique du FN (Gattaz ne voulait pas se prononcer sur son programme politique !) vise à discréditer la formation de Marine Le Pen au bénéfice des partis du « centre » (ou de « l’extrême centre » comme dirait Tariq Ali). Le patron des patrons appelle à la vigilence car le programme économique du FN lui « rappelle étrangement le programme commun de la gauche de 1981 (…) Retour de la retraite à 60ans, augmentation de tous les salaires avec notamment une hausse du SMIC de 200euros, retour au franc, augmentation des taxes d’importation… c’est exactement l’inverse de ce qu’il faut faire pour relancer la croissance économique du pays ».

Le Front National est loin d’être le parti « antisystème » et « social » qu’il prétend être, mais bien un parti qui défend les intérêts des patrons et des classes dominantes, ce qui lui vaut d’ailleurs le soutien de Charles Beigbeder, l’un des principaux patrons français. Il aspire à devenir un parti de pouvoir, intégré au régime et capable de diriger l’État. C’est pour cela qu’il s’est empressé de démentir les accusations de Gattaz dans un communiqué : « Dans notre programme, il n’y a pas de retour de la retraite à 60ans mais une retraite pleine lorsqu’on a cotisé 40ans. Il n’y a pas non plus de hausse de 200euros du SMIC mais une baisse des cotisations sociales des bas salaires compensés par une hausse de 3% des taxes à l’importation ».

Mais si Gattaz tient à critiquer le programme du Front National, ce n’est pas tant parce qu’il serait trop « social », mais surtout parce qu’il propose de sortir de l’Union Européenne, de revenir au franc et de fermer les frontières. Or, dans la situation actuelle, le patronat français ne souhaite pas se passer de l’institution européenne, l’un des principaux relais des attaques contre les travailleurs depuis plusieurs années avec par exemple le saccage de la Grèce, ni des millions de travailleurs immigrés surexploités dont l’arrivée permet de diviser les travailleurs entre nationaux et étrangers.

Dans la catégorie du « repli sur soi », auquel il oppose « l’avenir » et la « compétitivité », Gattaz range indistinctement Mélenchon et Marine Le Pen, qui partagent selon lui le « même combat ». Cette association scandaleuse est permise par les récents égarements du Front de Gauche, qui ne s’est pas opposé au vote des crédits de guerre à l’Assemblée Nationale, et avec la présence de Mélenchon aux côtés de Marine Le Pen pour célébrer « l’union nationale » aux Invalides. Mais en dernière instance ce discours vise avant tout à tenter de renforcer les partis piliers du bipartisme de la VeRépublique, le PS et Les Républicains, qui ont déjà démontré leur grande servilité à l’égard du patronat.

Cependant, en voyant l’évolution bonapartiste et répressive du régime politique français, on ne peut pas exclure que les déclarations de Gattaz soient aussi un appel à la réflexion du FN sur certains points de son programme économique, principalement la question de la relation avec l’UE et l’euro. Dans un futur de montée des luttes ouvrières et populaires, la bourgeoisie française pourrait peut-être avoir besoin de faire appel au FN. Et pour cela, son programme doit être le plus en adéquation possible avec les intérêts du patronat.

Source: RP

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