Philippe Alcoy
Publié le 8 décembre 2015
Beaucoup d’émotion et d’inquiétude au lendemain du premier tour
des élections régionales. Les résultats du FN, arrivant en tête devant
Les Républicains de Sarkozy et le PS de Hollande et Valls, démontrent
une nouvelle fois la progression électorale et la banalisation des idées
de la formation de la famille Le Pen. Les organisations politiques
piliers du bipartisme du régime français se rejettent la faute dans une
guerre politicienne et invoquent la « défense de la république » pour
faire « barrage au danger FN ».
Il est indéniable qu’il y a un clair virage à droite de la
situation politique en France. Face à la crise du bipartisme, ce ne sont
ni les variantes réformistes type Front de Gauche (qui soutient l’état
d’urgence répressif), ni l’extrême gauche qui arrivent à capitaliser
cette colère généralisée.
A l’insupportable bipartisme PS-Les Républicains (ex UMP), un détestable tripartisme semble se substituer, malgré le fait que le
patronat ne cesse de déclarer qu’il ne fait pas confiance, sur le plan
économique, à la formation xénophobe et nationaliste des Le Pen. Les
centrales syndicales comme la CFDT et la CGT appellent à empêcher que
le FN arrive à la tête des régions… en votant ni plus ni moins que pour
le PS, voire pour Les Républicains dimanche prochain !
Cependant, dans ce contexte voter pour le PS signifierait-il vraiment « faire barrage » au FN ? Nous ne le pensons pas…
1- « Quand le PS est au pouvoir, le FN ne progresse plus ? »
Cette affirmation est plus que fausse. C’est en effet sous le
gouvernement PS de François Hollande que l’on a vu la plus grande
progression du FN jusqu’aux résultats historiques pour la formation
réactionnaire dimanche dernier. En effet, le Front National a obtenu un
peu plus de 6 millions de voix au premier tour des régionales de 2015 en
métropole alors qu’en 2010 il n’obtenait que 2,2 millions de voix et
que son record antérieur de 2004 était de 3,5 millions de voix.
Alors, qui peut garantir que le maintien du PS et de ses alliés à la
tête des exécutifs des régions n’aura pas comme résultat tout le
contraire : un renforcement du FN ?
2- « La politique du PS, c’est quand même beaucoup mieux que celle du FN ? »
Pas si sûr. Ni le PS ni Les Républicains ne peuvent arrêter la
progression du FN. Au contraire, la montée du FN est le résultat
d’années de politiques antipopulaires, aussi bien de la part du PS et
que de celle des Républicains (UMP).
Plus particulièrement, depuis que Hollande est arrivé à la tête de
l’Etat, on a subi une néfaste politique de droite sur le plan
économique. Mais depuis les attentats de janvier dernier et notamment
ceux du 13 novembre à Paris et St-Denis, c’est le programme sécuritaire
de l’extrême droite que le PS a appliqué !
Dans ces conditions, le FN et l’ensemble de groupes d’extrême droite
ne peuvent que se sentir à l’aise, encouragés, et leurs idées et
adhésions augmenter. La politique post-attentats de Hollande-Valls a
installé une sorte d’hégémonie culturelle de l’extrême droite raciste,
nationaliste et xénophobe. Et maintenant le PS prétend mettre en place
une réforme constitutionnelle autoritaire constitutionnalisant l’état
d’urgence ainsi que d’autres mesures comme la déchéance de la
nationalité pour les binationaux. Et cela sans parler du contrôle plus
strict des frontières.
3- Une politique étrangère belliciste qui renforce les nationalismes
La politique guerrière de Hollande, chef de guerre de l’impérialisme
français, joue un rôle actif pour renforcer le nationalisme et les idées
réactionnaires du FN. Certes, cela a commencé sous Sarkozy avec la
guerre en Libye (2011), mais depuis, Hollande
a bien su poursuivre la trajectoire en lançant une guerre par an :
Mali, Centrafrique, frappes en Irak, frappes en Syrie.
Parallèlement, alors que la France s’engage soit-disant pour lutter
contre « le terrorisme et le fondamentalisme religieux », son industrie
de l’armement se remplit les poches grâce à la politique active du
gouvernement, en vendant des armes, des avions, des missiles, des
porte-avions, des tanks, et tout type de matériel militaire à des
dictatures atroces, mais « amies », à travers le monde. Le FN, tout en
s’opposant à certaines de ces alliances, en propose d’autres, et ce avec
des régimes non moins réactionnaires, à l’image de celui de Poutine.
4- PS et bureaucratie syndicale : main dans la main pour déboussoler les travailleurs
En quelque sorte, il n’est pas très étonnant que les directions
syndicales appellent les travailleurs à « faire barrage à l’extrême
droite » en votant pour les partis de l’ « extrême centre », notamment
pour le PS. Depuis que Hollande est au pouvoir, il applique une sorte de
« pacte social » avec ces directions bureaucratiques, et ce au
détriment des conditions de vie et de travail des salariés.
Après toutes les attaques que le gouvernement PS a fait passer ces
dernières années, avec la collaboration directe ou indirecte des
directions des confédérations nationales, le résultat est une grande
confusion parmi les travailleurs et les classes populaires. Une
confusion idéologique que le FN, avec sa démagogie populiste, capte en
partie, et qui lui permet ainsi de progresser encore.
Tant que continuera cette politique de collaboration de classe de la
part des directions syndicales avec le gouvernement antipopulaire du PS,
le terrain pour la progression du FN ne sera que plus favorable. Même
s’il n’y a pas de relation mécanique, une autre donnée inquiétante,
c’est que la carte du chômage coïncide partiellement avec celle du vote
FN…
5- Une lutte « anti-FN » le temps d’une élection
La soit-disant lutte « antifasciste » du PS n’est en réalité qu’une
manœuvre politique qui vise à présenter Hollande comme un facteur de
stabilité face au FN aux yeux du patronat et des électeurs. Il s’agit
d’une tentative de légitimer, ou plutôt de limiter, la déroute des
partis du régime face à la crise du bipartisme.
Pour toutes ces raisons, dimanche prochain il n’y a aucun « vote
utile » à apporter au PS de Hollande ou aux Républicains de Sarkozy. La
seule politique capable de faire face réellement au populisme
nationaliste et xénophobe du FN, c’est de militer pour que le monde du
travail et la jeunesse reprennent le chemin de la lutte pour leurs
droits, contre le racisme, pour la solidarité avec nos frères et nos
sœurs migrant.e.s.
Source: RP
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