Philippe Alcoy
Publié le 3 novembre 2015
Saisi par le Secours catholique, Médecins du monde et six demandeurs
d’asile, le tribunal administratif de Lille vient de sommer l’Etat
d’agir vis-à-vis de la situation dans la-dite « jungle » de Calais. Pour
certains il s’agit d’une victoire partielle, une très maigre
consolation dans une situation humanitaire terrible, une vraie sommation
à l’Etat pour qu’il « ménage la profonde misère ».
Ce dont on parle ici n’est pas une « jungle » mais bien un
bidonville. Un bidonville où s’entassent six mille personnes. Un
bidonville où s’entasse la misère. Des « candidats à l’émigration » que
l’on humilie, que l’on affame littéralement, que l’on réprime surtout.
Et ce « on » n’est personne d’autre que l’Etat français.
Celui-ci a été sommé par la Justice de procéder au recensement des « mineurs isolés en situation de détresse » et de se rapprocher du département du Pas-de-Calais « en vue de leur placement ».
Il doit aussi, dans un délai de huit jours, créer dix points d’eau
supplémentaires, alors qu’il n’y a que trois actuellement ; mettre en
place cinquante latrines, instaurer un système de collecte des ordures
et des bennes supplémentaires, procéder au nettoyage du site et dégager
un accès au camp pour les services d’urgence.
Ces mesures représentent à peine le minimum face à l’ampleur de la
crise humanitaire à Calais. C’est dans ce sens que les requérants
avaient demandé la réquisition des bâtiments vides pour loger les
personnes qui sont confinées dans le bidonville. Une solution qui
constituerait en un premier pas pour répondre à la crise. Cependant la
justice a refusé cette demande.
Quant à l’assistance médicale, tout reste dans le flou. La justice
s’en remettrait aux annonces du gouvernement indiquant une amélioration
de l’assistance médicale, ce que les associations dénoncent comme
complètement insuffisant notamment dans les conditions de vie dans
lesquelles se trouvent les migrants.
Comme affirmaient récemment un groupe de volontaires dans une tribune dans Le Monde : « médicalement,
ce que nous avons vu dans ce bidonville est inacceptable. Une épidémie
de gale terrible (…) Des jeunes aux mains et aux jambes lacérées par les
barbelés qui entourent le site d’Eurotunnel. Ces clôtures déchiquettent
la peau de manière anarchique et il est difficile de rapprocher les
berges pour les suturer en laissant une cicatrice nette et indolore. Les
très mauvaises conditions d’hygiène favorisent, ensuite, les infections
». Dans cette tribune ils qualifient ainsi les conditions du « camp » : « On
ne s’y croit plus en France mais dans un pays pauvre. Ou en guerre. Ou
victime d’une catastrophe. Et encore… L’une de nous était en Albanie,
près de la frontière du Kosovo en 1999 : le camp de réfugiés était mieux
tenu, tous avaient un abri ».
En ce sens, cette « sommation » de la Justice à l’Etat français n’est
en rien une injonction à résoudre la crise humanitaire à Calais mais
simplement à rendre « vivable » l’enfer du bidonville. Une politique
néfaste qui vise à faire perdurer la situation d’extrême précarité dans
laquelle se trouvent les migrants, exposés à des agressions, souffrances
et surtout à plus de répression de la part de l’Etat.
Source: RP
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