Philippe Alcoy
Publié le 22 octobre 2015
Ce jeudi 22 octobre, deux mille personnes se sont mobilisées pour
exprimer leur opposition aux 2.900 suppressions de postes chez Air
France mais aussi pour se solidariser avec les cinq salariés inculpés
dans « l’affaire de la chemise ».
Le quartier était complètement bouclé. Le rassemblement
avait lieu dans un endroit confiné, car le gouvernement cherchait sans
aucun doute à empêcher que la mobilisation soit visible. Mais cela n’a
pas empêché des centaines de salariés d’Air France, des soutiens, des
sections syndicales de différents secteurs et des personnalités
syndicales et politiques de venir apporter leur soutien à cette lutte.
On y trouvait en effet des pilotes, des hôtesses de l’air et des
stewards, ainsi que des personnels au sol. Les différents syndicats de
l’intersyndicale étaient évidemment là.
Quant aux soutiens, on a pu remarquer plusieurs unions locales et
départementales de la CGT, de FO, de Solidaires. On notera par exemple
la présence de représentants de la CGT Renault Cléon, de la CGT Thales
et de la CGT archives qui étaient venus avec une banderole où était
écrit : « Abandon des poursuites ! Aucun licenciement ! ». Des militants
de Sud-Rail étaient présents avec des panneaux où il y avait marqué :
« Valls envoie tes flics contre les licencieurs, pas contre les
travailleurs ».
Sur la tribune était aussi déployée une banderole de soutien aux
salariés d’Air France de la part du personnel de la compagnie aérienne
espagnole Iberia.
Une délégation d’étudiants était présente avec Solidaires
Etudiant.e.s avec des pancartes sur lesquelles on pouvait lire
« Etudiants solidaires des salariés d’Air France » ; « La lutte de
classes déchire » ou encore « Nos études valent plus que leurs
chemises ».
Beaucoup de pancartes individuelles étaient visibles dénonçant la
direction d’Air France et particulièrement le PDG d’Air France-KLM
Alexandre de Juniac, et saluant aussi le courage des salariés.
Parmi les personnalités syndicales et politiques étaient présents
Xavier Mathieu (ex-délégué syndical CGT des Conti), HK et les
Saltimbanks, Philippe Martinez (secrétaire général de la CGT),
Jean-Pierre Mercier (délégué syndical PSA), Olivier Besancenot
(porte-parole duNPA), Nathalie Arthaud (porte-parole LO), Pierre Laurent
(PCF), Eric Coquerel (Parti de Gauche) et Clémentine Autain
(porte-parole d’Ensemble).
Des mots de lutte, des mots de soutien
Plusieurs personnes ont pris la parole à la tribune. Beaucoup ont
exprimé leur émotion de voir autant de monde et surtout toutes les
catégories rassemblées : des pilotes aux travailleurs au sol, du cargo,
du fret, en passant par les hôtesses de l’air et stewards. Ainsi, un
représentant de la CGT Cargo affirmait : « On ne va pas lâcher. Nos
camarades, on les aime, on aime Air France et personne ne fera en sorte
que nos camarades se retrouvent au chômage et que leurs familles soient
dans la misère. Ca c’est juste inconcevable dans nos têtes ».
Un autre représentant de la CGT DGI dénonçait le mépris de la direction et la garde à vue d’un de leurs camarades : « Le
mépris de la direction [suite à l’arrestation] par les forces de police
(…) alors que le camarade sortait de nuit, la direction ne s’est même
pas renseigné pour savoir comment va le salarié aujourd’hui, sans solde,
après avoir passé plus de 30 heures en garde à vue. Ils ne se sont pas
souciés, ils n’en ont rien à foutre de nous (…) Aujourd’hui ce n’est que
le début de la grande démonstration, on les fera plier, moi j’y crois
sincèrement, on va les faire plier ! ».
Le cargo a été le secteur le plus touché par les poursuites
judiciaires. Un représentant syndical du secteur a dénoncé la situation
en affirmant : « ‘Monsieur Chemise’ dans deux ou trois mois il va
monter dans la holding avec M. De Juniac, il va oublier tout ça. Et nos
camarades, ils vont se retrouver où ? Avec leurs familles, leurs
enfants, ils vont faire comment ? C’est ça la solidarité. On lâche
rien ! Et c’est fini maintenant, ce n’est pas eux qui dictent, c’est
nous qui dictons ! ».
Une représentante de Solidaires s’est adressée au public depuis la tribune pour dire : « Ce
que vous avez réhabilité là c’est la lutte syndicale, c’est la lutte
pour les droits, c’est la lutte pour la justice sociale et c’est aussi
la lutte de classes (…) la deuxième chose, c’est que la colère, c’est
mille fois mieux que la résignation ».
Olivier Besancenot pour le NPA a dénoncé l’hypocrisie du gouvernement
et des médias quand ils parlent de la « violence » des salariés d’Air
France : « Aujourd’hui on vit dans un pays où les classes dirigeantes
peuvent foutre des milliers de personnes à poil en leur faisant perdre
leur emploi, elles peuvent taper des réfugiés, les taper à terre, les
gazer à dix centimètres, taper des femmes qui luttent tout simplement
pour avoir un logement, il y a même des avocats à Lille qui se sont fait
déchirer leur robes et ça n’a pas fait la Une du 20h ».
Eric Coquerel du Parti de Gauche a dénoncé quant à lui la connivence
ente les dirigeants politiques et les directions des multinationales :
« Tout à l’heure, des journalistes nous ont dit ‘mais, vous comptez
récupérer un mouvement ?’. Et nous leur disons une chose : ça les gêne
pas que des responsables politiques soient récupérés par les
actionnaires ? Ca les gêne pas que des responsables politiques fassent
des allers-retours entre les cabinets ministériels et la direction d’Air
France ? ».
Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière a dénoncé la justice qui s’acharne contre les salariés : « Si
la Justice cherche des auteurs de ‘faits de violence en réunion’, et
bien qu’ils aillent chercher les membres du conseil d’administration
d’Air France, de Peugeot, de Sanofi, des Trois Suisses, de la Société
Générale ! Parce que ce sont ces gens-là qui vivent de l’exploitation,
des licenciements, du chômage, de la misère et c’est ça la véritable
violence ! ».
Enfin, Xavier Mathieu a rappelé aux manifestants la politique répressive du gouvernement PS : « Dans
la nuit du [25 au 26] octobre 2014 c’est ces gens-là, Valls, Macron et
Cazeneuve qui ont appelé des [gendarmes] pour assassiner Rémi Fraisse
d’une grenade dans le dos. C’est ces gens-là qu’aujourd’hui qui parlent
de violence, c’est ces mêmes personnes qui envoient des missiles au
Mali, qui envoient des Mirages en Syrie et qui oublient de vous parler
des millions de morts que cela engendre ».
Pour un plan de lutte de l’ensemble de la classe ouvrière
L’attaque du gouvernement, de la Justice et du patronat contre les
salariés d’Air France est un message adressé contre l’ensemble des
travailleurs. Il s’agit de justifier les licenciements en prétendant
sauver les « champions de l’industrie nationale » à coup « d’efforts »
et de « sacrifices »… de la part des salariés bien évidemment !
Mais aussi il s’agit de condamner tout type de résistance à ces
attaques à la faveur du soi-disant « dialogue social ». « Dialogue
social » d’ailleurs qui ne « marcherait » que quand les directions
syndicales acceptent les licenciements comme chez Areva cette semaine.
Dans un contexte très morose pour les exploités en France, la lutte
d’Air France pourrait constituer le fer de lance d’une mobilisation
sociale d’ensemble. Et celle-ci est nécessaire non seulement pour que
les salariés d’Air France arrivent à stopper le plan de la direction
mais aussi pour que tous les autres salariés du pays qui se font
licencier quotidiennement sous prétexte de la crise économique, relèvent
enfin la tête.
Pour cela, nous avons besoin d’un plan de bataille commun qui ait
comme axe principal l’opposition à tous les licenciements, aux
dégradations de conditions de travail et aux baisses de salaire. En ce
sens, Xavier Mathieu a lancé, dans son intervention, un appel pour
unifier les luttes autour de la solidarité avec les travailleurs d’Air
France, qui pourrait déboucher sur un mouvement plus large : « Je
voudrais lancer un appel, j’aimerais bien que le 2 décembre, le jour où
[les salariés d’Air France inculpés] passent au tribunal, qu’il y ait
une grève générale d’annoncée ; la solution c’est une grève générale
d’annoncée le 2 décembre ! ». Et effectivement, il s’agit d’une très bonne idée !
Source: RP
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire