Philippe Alcoy et Damien Bernard
Publié le 28 septembre 2015
Alors que François Hollande a officialisé sa quatrième
intervention militaire depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 2012, ce
dimanche ont commencé les première frappes en Syrie. Tandis que l’Europe
forteresse est chargée de repousser les migrants hors du continent,
l’objectif officiel de ces frappes est d’attaquer le « problème » à la
source pour un mettre un frein à la crise migratoire. Ainsi, Daech
serait la cause unique de ces flux mais aussi une menace terroriste pour
l’Europe, et en premier lieu pour l’Hexagone. Alors que gouvernement et
patronat appellent à l’unisson à des bombardements pour faire
« entendre la voix de la France », notre camp se doit, plus que jamais,
d’être contre les frappes en Syrie.
Mettre un frein à la crise migratoire en Europe ?
Pour invoquer ces bombardements en Syrie, le gouvernement français
n’hésite pas à utiliser le prétexte de la « crise » migratoire. Il
faudrait ainsi stopper un flot incessant de migrants qui arriveraient en
Europe quotidiennement. L’objectif de cette guerre serait donc de
s’attaquer à la cause principale de ces migrations qui seraient liée à
l’émergence de Daech.
On ne peut certes nier que Daech est l’un des facteurs à l’origine
d’un afflux de déplacés internes et de réfugiés, notamment en direction
des pays limitrophes de la Syrie et de l’Irak, à commencer par le Liban,
la Jordanie et la Turquie. Mais ce gonflement des routes de l’exil
forcé, pour fuir la guerre et la misère, a commencé véritablement avec
la multiplication des interventions impérialistes dans le monde
arabo-musulman, depuis l’Afghanistan, en 2001, jusqu’à la Lybie, en
2011. C’est depuis cette date, notamment, que le nombre de candidats à
l’exil forcé a commencé à grossir.
A la guerre totale de Daech, la France oppose des bombardements pour
« stopper » les flux migratoires. Mais les réfugiés syriens fuient les
bombes, les affrontements, la guerre. Et la France ne propose autre
chose qu’une accentuation de la guerre !
La France terre d’asile ?
Alors que le gouvernement de Hollande mène une guerre en Syrie, il
dit vouloir accueillir au maximum 30 000 réfugiés politiques dans les
deux prochaines années. Cet « accueil », le gouvernement le traduit par
une répression et une persécution des migrants, des Rroms et des
sans-papiers. Cet été, ce sont les réfugiés de La Chapelle qui ont été
chassés de la rue et ce sont plus de 3.000 migrants que le gouvernement
maintient, dans une situation d’une extrême précarité, dans la « jungle
de Calais ». C’est aussi la persécution des Rroms, et le maintien des
sans-papiers dans une condition de main d’œuvre corvéable et
surexploitée.
La répression des migrants à la frontière italienne ou à Calais, les
déportations et les restrictions dans l’octroi du droit d’asile montrent
clairement que ce n’est pas le sort des réfugiés et migrants qui
inquiètent le gouvernement et le patronat français !
Légitime défense ?
Le gouvernement français évoque la « défense légitime » pour
justifier ses frappes en Syrie. La France serait menacée par des
attentats qui se préparent en sol syrien, dans le territoire contrôlé
par Daech. Or, il s’agit de prétextes de l’impérialisme français qui ne
visent qu’à légitimer son intervention qui, elle, a d’autres objectifs
que la « lutte contre le terrorisme » ou « mettre fin à la guerre ».
En effet, la France mais aussi d’autres puissances impérialistes,
mettent en avant les monstruosités commises par l’Etat Islamique pour
que leurs agressions soient mieux acceptées par la population. Mais cela
ne peut pas cacher le fait que Daech ainsi qu’autres groupes islamistes
radicaux dans la région sont le résultat d’années d’interventions
militaires impérialistes, de sanctions économiques, qui ne font
qu’affamer les populations locales et les exposer à des souffrances plus
grandes encore.
Autrement dit, une nouvelle intervention impérialiste non seulement
pourrait avoir comme conséquence de renforcer les tendances
réactionnaires qui se développent dans la région mais aussi aggraveront
les souffrances de la population, multiplieront les morts et réfugiés.
Faire entendre la voix de la France ?
Avec ces bombardements, il s’agirait ainsi pour Hollande et Valls de
faire entendre la voix de la France. Cette hypocrisie, que le
gouvernement et médias dominants tentent d’imposer, vise à légitimer
cette intervention qui serait menée pour le bien de l’ensemble des
Français. Nous aurions ainsi tous les mêmes intérêts, unis par la
République, dont l’armée commet des viols en série sur mineurs, comme en
Centrafrique, intervient pour la quatrième fois depuis l’élection de
Francois Hollande, et maintient sur le plan intérieur austérité, chômage
de masse et précarité.
En réalité, l’intervention de la France en Syrie vise principalement
des objectifs géopolitiques pour repositionner la France vis-à-vis de
ses partenaires et concurrents impérialistes, dont les Etats-Unis au
premier titre. Après que le régime de Damas avait bombardé des civils à
l’arme chimique au cours de l’été 2013, la France s’était vue
contrainte de faire machine-arrière quant à une intervention
impérialiste lorsque Washington a fini par reculer, craignant de
s’embourber dans un nouveau conflit proche-oriental. Les avancées de
Daech ne sont pas étrangères au revirement de stratégie de la France
comme des Etats-Unis. La France emboite ainsi le pas à l’impérialisme
étatsunien en vue de bien positionner l’impérialisme français face à un
éventuel « partage » de la Syrie.
Plus que jamais contre les frappes en Syrie
Chaque intervention militaire ces dernières années en France ont
permis à Hollande de se présenter comme un « grand homme d’Etat », un
« dirigeant d’envergure mondiale » alors qu’il est malmené dans les
sondages. Les interventions militaires de l’impérialisme,
historiquement, ont également cette fonction.
En ce sens, à chaque « succès » de l’armée française c’est le
gouvernement et le patronat français qui se renforcent, autrement dit
ceux-là mêmes qui répriment les migrants et les réfugiés, qui divisent
les exploités et opprimés avec le poison nationaliste et xénophobe, ceux
qui font passer des lois liberticides et qui essayent de liquider un à
un nos acquis sociaux. C’est en ce sens aussi que, pour notre classe,
s’opposer à toutes les manœuvres guerrières de « notre » impérialistes
est une tâche essentielle.
Source: RP
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