Philippe Alcoy
Publié le 6 octobre 2015
« Images du début de lynchage des dirigeants d’Air France » ; « des adeptes de la violence » ; « foule déchaînée métamorphosée en meute impitoyable » ; « les salariés en colère ne sont que des instruments ». Ce ne sont que quelques perles d’un article marqué par une profonde haine de classe publié par Challenges. « Trop
c’est trop ?! Après les occupations d’usine, les dégradations d’outil
de travail et les patrons séquestrés, voilà donc venu le temps de
l’agression physique des dirigeants », s’indigne-t-on dans un édito des Echos. « Les patrons, cibles habituelles de la colère des salariés », titre Le Figaro.
Et non. L’indignation de la presse pro-patronale n’est pas
minceaprès les événements qui ont eu lieu lundi dernier au siège d’Air
France. Plus on criera au scandale, plus on « naturalisera », plus on
passera sous silence que, ce qui est en train de se préparer en ce
moment même chez Air France, n’est ni plus ni moins que la liquidation
de 2.900 postes de travail.
Mais le gouvernement est là ! Représentant de l’Etat français qui
détient 17% des actions d’Air France, Manuel Valls a exprimé… tout son
soutien à la direction de l’entreprise. François Hollande trouve
« inacceptable » la violence contre les membres de la direction du
« fleuron de l’aviation française » et s’inquiète pour les « conséquences sur l’image, sur l’attractivité » de la France.
En effet, les événements qui ont eu lieu lundi au siège d’Air France
ont donné une « occasion en or » au patronat, au gouvernement et aux
médias dominants d’exprimer ouvertement et sans aucune gêne leur mépris
de classe, leur arrogance et leur cynisme mais aussi de déclarer de quel
côté ils se trouvent dans cette véritable guerre de classe que le
patronat d’Air France est en train de livrer contre ses salariés. Le
tout trouverait sa « légitimité » dans la condamnation de… la
« violence » des salariés !
Cynisme du patronat
On parle de « lynchage », de « violence » de la part des salariés. Or
ce qui s’est passé lundi ce n’est rien. Les salariés n’ont voulu
lyncher personne. Bien au contraire, ce sont eux qui sont en train de se
faire lyncher, massacrer avec ces près de 3.000 emplois qui vont
disparaître et qui s’additionnent aux 8.000 emplois déjà détruits par la
direction d’Air France en seulement deux ans. Mais cela ne choque
aucunement les médias capitalistes et encore moins le gouvernement.
Le vrai objectif des salariés, dans une action totalement improvisée,
était d’humilier ne serait-ce que symboliquement leurs bourreaux ; ceux
qui, le sourire aux lèvres, leur disent qu’ils vont devoir dégager pour
que l’entreprise puisse améliorer ses marges et tirer toujours plus de
profit sur la surexploitation d’un nombre toujours plus réduit de
salariés. Il s’agissait juste d’une action symbolique qui est loin
d’empêcher que leurs postes de travail soient supprimés.
Mais la vraie violence vient de la part du patronat. Et celle-là n’est pas du tout symbolique.
Mais là on n’est pas seulement en train de parler de cette violence
« invisible » que sont la précarité, le chômage, la paupérisation et la
destruction de familles ouvrière entières par les décisions prises de
forme « civilisée » par les conseils d’administration des grosses
multinationales comme Air France. Non. Car en France, terre du
« dialogue social » le nombre de suicides et de morts au travail qui se
comptent par milliers chaque année sont aussi la responsabilité du
patronat. Le harcèlement
ainsi que des pathologies psychologiques liées aux conditions de
travail le sont aussi. Pour les salariés, la France représente un pays
de souffrance au travail, de violence sociale.
Et les médias dominants ne sont pas là pour parler de partons
« adeptes de la violence » ou pour crier « trop c’est trop ! » quand ce
sont les salariés qui crèvent brûlés dans des fours, quand ils se
suicident ou tentent de se suicider car ne supportent plus le
harcèlement de la hiérarchie. Ces médias là s’indignent encore moins
quand il s’agit de licenciements massifs…
Cynisme gouvernemental
Mais le gouvernement Hollande-Valls n’est pas moins cynique que le
patronat quand il condamne la « violence » des salariés. N’oublions pas
que c’est ce gouvernement qui est le responsable de la traque et de la
répression brutale contre des milliers de réfugiés et migrants chaque
année.
En parlant de violence, les forces répressives en France sont bien
placées pour en parler car sur les jeunes des quartiers populaires,
c’est tous les jours qu’elle s’abat. Et que dire de la répression et la
violence contre des manifestants, des jeunes et des salariés...
La réaction du gouvernement condamnant « la violence » des salariés
d’Air France contraste avec son attitude lors de l’assassinat de Rémi
Fraisse par la gendarmerie il y a presque un an déjà. Non seulement,
Rémi Fraisse n’a pas eu droit à l’indignation de la République mais la
seule réponse que le gouvernement a offert aux manifestants condamnant
ce crime a été plus de répression.
Plus de répression
Précisément, il n’y a aucun doute sur le fait que la direction d’Air
France, le gouvernement et la Justice vont taper fort. Quelques salariés
vont être ciblés « pour en faire des exemples » et une dure répression
est à prévoir.
En ce sens il est fondamental pour le mouvement ouvrier d’exprimer
son soutien inconditionnel aux salariés d’Air France en lutte pour la
sauvegarde de leurs postes de travail. Car ce que le patronat et le
gouvernement craignent le plus des événements de lundi ce n’est pas
vraiment la « violence » mais bien que cela ne donne des idées à
d’autres salariés à l’image de la vague de séquestrations de patrons et
de luttes ouvrières comme en 2009.
En ce sens, la répression des salariés d’Air France sera un message
envoyé à l’ensemble de la classe ouvrière. Notre solidarité et soutien
doivent être également un message pour le patronat et le gouvernement.
Dénoncer les « violences » au nom du « dialogue social » ?
Regrettablement, des directions syndicales ont à leur façon aussi
condamné « les violences », celle du patronat mais aussi celle des
salariés. Évidemment on ne parle pas de celles qui sont complètement
dévouées à la conciliation directe avec le patronat et le gouvernement
comme la CFDT.
En effet, des directions comme celle du Syndicat National des Pilotes
de Ligne (SNPL) à travers de son président ont exprimé leur
condamnation « sans aucune réserve » des violences, tout en affirmant que cette violence venait également de la part de la direction.
Quant à la CGT Air France, elle a sorti un tract dont le titre était
« Toutes les violences se condamnent » et, malgré le fait qu’elle
démontre qu’Air France est en train de mener un combat à mort contre ses
salariés, plaide pour « un véritable dialogue social ».
Mais au milieu d’une guerre de classe comme celle menée depuis des
années par le patronat d’Air France contre les travailleurs il n’y a pas
de place pour le « dialogue social », pour le « partenariat social ».
La direction de l’entreprise cherche à augmenter ses marges sur la masse
salariale. Pour les travailleurs et travailleuses d’Air France il n’y a
pas d’autre alternative que l’affrontement direct avec Alexandre de
Juniac mais aussi avec le gouvernement.
Source: RP
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