18.10.15

Brésil. L’émergent submergé dans la crise économique


Philippe Alcoy
Publié le 13 octobre 2015
 
Il semble très loin le temps où dans les capitales des puissances mondiales on faisait l’éloge du Brésil, puissance émergente. Aujourd’hui c’est plutôt l’inquiétude sur la situation économique et politique du pays qui domine. En effet, sur toile de fond d’une profonde crise politique que traverse le Parti des Travailleurs de la présidente Dilma Russeff, une crise économique de plus en plus profonde menace de déstabiliser toute la région et au-delà.

L’économie brésilienne se trouve en pleine récession. On estime que la chute du PIB en 2015 sera d’entre 2% et 3% et en 2016, selon le gouvernement, il chutera également de 0,4%. Il s’agit ainsi de la cinquième année consécutive de chute de la croissance, ce qui n’était pas arrivé depuis 1930.

Cette année, il n’y aura pas non plus d’excédent primaire (avant remboursement des intérêts de la dette), et le déficit après payement de la dette atteindra 8-9% du PIB. Le gouvernement vient d’ailleurs d’envoyer au Parlement un projet de budget pour 2016, qui table sur un déficit primaire. C’est la première fois que cela arrive après la crise inflationniste de la fin des années 1990.

La monnaie nationale, le real, a perdu 39% de sa valeur depuis le début de l’année 2015. L’inflation sera pour sa part de 9%. Cette année par exemple, le prix de l’électricité a augmenté de 40%.

Le chômage dépasse les 7% et selon le ministère du travail l’année 2014 a été la pire depuis 15 ans en terme de création d’emplois, l’industrie et le BTP étant les secteurs les plus touchés avec 122.000 et 76.000 postes détruits respectivement.

C’est dans ce cadre qu’en septembre l’agence de notation Standard Poor’s a dégradé la note de la dette brésilienne à la catégorie « spéculative ».

Des difficultés structurelles 

 

Comme dans la crise économique des années 1970, les pays dits « émergents » commencent à être touchés durement, avec un certain retard par rapport aux pays impérialistes centraux. Alors qu’au plus fort de la crise mondiale en 2008-2009 le gouvernement brésilien vantait la capacité du Brésil à échapper aux effets de la crise, aujourd’hui les données économiques montrent tout le contraire.

Mais les raisons de cette chute du Brésil sont profondes et résident dans la structure même de l’économie du pays. En effet, le Brésil a profité du « boom des matières premières » que l’on a connu au niveau international. Cette demande de matières premières était dans une large mesure motorisée par la Chine et ses besoins pour mener à bien ses plans de création d’infrastructures. C’est ainsi que ce pays est devenu le principal destin des exportations des matières premières brésiliennes.

Ce virage vers l’exportation de matières premières s’est fait en partie en détriment de la production industrielle brésilienne. La part des biens manufacturés dans les exportations brésiliennes est passée de 62% en 2000 à 45% en 2013.

Aujourd’hui avec le ralentissement de l’économie chinoise, les difficultés des marchés européens et nord-américains en pleine tempête (desquels la les exportations chinoises dépendent aussi) et la chute des prix internationaux des matières premières, l’économie brésilienne est en train de subir la crise de plein fouet.

Crise politique

 

A cette situation économique cauchemardesque, il faut ajouter une crise politique profonde que traverse le pays. Celle-ci est motorisée par des scandales de corruption à répétition, impliquant des hauts fonctionnaires du PT et d’autres partis au pouvoir mais aussi dans l’opposition. Le dernier en date est le scandale de pots de vin dans le géant pétrolier national Petrobras.

C’est la situation économique qui accentue la haine populaire contre la caste politicienne en place. Dilma Russeff n’a que 8% d’opinions favorables et se trouve sous la menace d’une procédure d’impeachment, pour la destituer.

Pour le patronat brésilien la priorité n’est pas de destituer Dilma et ouvrir une situation politique et sociale imprévisible mais principalement d’appliquer les mesures d’austérité qu’il juge nécessaires.

C’est pour essayer d’éviter la procédure d’impeachment et notamment pour faire passer ses mesures d’austérité que le PT a procédé à un remaniement du gouvernement en donnant plus de poids à son partenaire de coalition le centriste PMDB (Parti du Mouvement Démocratique Brésilien).

Rien ne peut assurer pour le moment que cette manœuvre marchera et permettra de sauver la tête de Dilma. Les affaires de corruption tombent presque tous les jours et il peut y avoir tout type de rebondissement. Il est encore moins à exclure une forte réaction de la part des travailleurs et de la jeunesse face aux difficultés économiques et aux mesures d’austérité du gouvernement.

Source: RP

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