Philippe Alcoy
Publié le 13 octobre 2015
Il semble très loin le temps où dans les capitales des puissances 
mondiales on faisait l’éloge du Brésil, puissance émergente. Aujourd’hui
 c’est plutôt l’inquiétude sur la situation économique et politique du 
pays qui domine. En effet, sur toile de fond d’une profonde crise 
politique que traverse le Parti des Travailleurs de la présidente Dilma 
Russeff, une crise économique de plus en plus profonde menace de 
déstabiliser toute la région et au-delà.
L’économie brésilienne se trouve en pleine récession. On 
estime que la chute du PIB en 2015 sera d’entre 2% et 3% et en 2016, 
selon le gouvernement, il chutera également de 0,4%. Il s’agit ainsi de 
la cinquième année consécutive de chute de la croissance, ce qui n’était
 pas arrivé depuis 1930.
Cette année, il n’y aura pas non plus d’excédent primaire (avant 
remboursement des intérêts de la dette), et le déficit après payement de
 la dette atteindra 8-9% du PIB. Le gouvernement vient d’ailleurs 
d’envoyer au Parlement un projet de budget pour 2016, qui table sur un 
déficit primaire. C’est la première fois que cela arrive après la crise 
inflationniste de la fin des années 1990.
La monnaie nationale, le real, a perdu 39% de sa valeur depuis le 
début de l’année 2015. L’inflation sera pour sa part de 9%. Cette année 
par exemple, le prix de l’électricité a augmenté de 40%.
Le chômage dépasse les 7% et selon le ministère du travail l’année 
2014 a été la pire depuis 15 ans en terme de création d’emplois, 
l’industrie et le BTP étant les secteurs les plus touchés avec 122.000 
et 76.000 postes détruits respectivement.
C’est dans ce cadre qu’en septembre l’agence de notation Standard  
Poor’s a dégradé la note de la dette brésilienne à la catégorie 
« spéculative ».
Des difficultés structurelles
Comme dans la crise économique des années 1970, les pays dits 
« émergents » commencent à être touchés durement, avec un certain retard
 par rapport aux pays impérialistes centraux. Alors qu’au plus fort de 
la crise mondiale en 2008-2009 le gouvernement brésilien vantait la 
capacité du Brésil à échapper aux effets de la crise, aujourd’hui les 
données économiques montrent tout le contraire.
Mais les raisons de cette chute du Brésil sont profondes et résident 
dans la structure même de l’économie du pays. En effet, le Brésil a 
profité du « boom des matières premières » que l’on a connu au niveau 
international. Cette demande de matières premières était dans une large 
mesure motorisée par la Chine et ses besoins pour mener à bien ses plans
 de création d’infrastructures. C’est ainsi que ce pays est devenu le 
principal destin des exportations des matières premières brésiliennes.
Ce virage vers l’exportation de matières premières s’est fait en 
partie en détriment de la production industrielle brésilienne. La part 
des biens manufacturés dans les exportations brésiliennes est passée de 
62% en 2000 à 45% en 2013.
Aujourd’hui avec le ralentissement de l’économie chinoise, les 
difficultés des marchés européens et nord-américains en pleine tempête 
(desquels la les exportations chinoises dépendent aussi) et la chute des
 prix internationaux des matières premières, l’économie brésilienne est 
en train de subir la crise de plein fouet.
Crise politique
A cette situation économique cauchemardesque, il faut ajouter une 
crise politique profonde que traverse le pays. Celle-ci est motorisée 
par des scandales de corruption à répétition, impliquant des hauts 
fonctionnaires du PT et d’autres partis au pouvoir mais aussi dans 
l’opposition. Le dernier en date est le scandale de pots de vin dans le 
géant pétrolier national Petrobras.
C’est la situation économique qui accentue la haine populaire contre 
la caste politicienne en place. Dilma Russeff n’a que 8% d’opinions 
favorables et se trouve sous la menace d’une procédure d’impeachment, pour la destituer.
Pour le patronat brésilien la priorité n’est pas de destituer Dilma 
et ouvrir une situation politique et sociale imprévisible mais 
principalement d’appliquer les mesures d’austérité qu’il juge 
nécessaires.
C’est pour essayer d’éviter la procédure d’impeachment et 
notamment pour faire passer ses mesures d’austérité que le PT a procédé à
 un remaniement du gouvernement en donnant plus de poids à son 
partenaire de coalition le centriste PMDB (Parti du Mouvement 
Démocratique Brésilien).
Rien ne peut assurer pour le moment que cette manœuvre marchera et 
permettra de sauver la tête de Dilma. Les affaires de corruption tombent
 presque tous les jours et il peut y avoir tout type de rebondissement. 
Il est encore moins à exclure une forte réaction de la part des 
travailleurs et de la jeunesse face aux difficultés économiques et aux 
mesures d’austérité du gouvernement.
Source: RP 

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire