Philippe Alcoy
Publié le 1er septembre 2015
Source: Révolution Permanente
L’Europe est devenue le continent des crises. Crise
économique en Grèce ; crise politico-militaire en Ukraine, et maintenant
une « crise migratoire » dramatique. Mais c’est avant tout pour les
migrants eux-mêmes que cette crise est dramatique ; victimes de racket,
d’humiliations, de répression, quand ils ne perdent pas la vie dans la
Méditerranée, dans des accidents à bord de trains ou de camions. Face à
ce massacre, au-delà de certains discours hypocrites comme la ligne
communicationnelle adoptée par Angela Merkel, la réponse concrète de
l’ensemble de la caste politicienne européenne est le renforcement des
politiques migratoires réactionnaires.
Alors que lundi le gouvernement hongrois
avait laissé partir 3.500 migrants de la gare internationale de Budapest
vers l’Autriche et l’Allemagne, il a décidé ce mardi d’évacuer la gare
pour empêcher que d’autres migrants prennent le train vers Vienne et
Berlin. Seuls les touristes et les citoyens européens ou hongrois
avaient le droit de rentrer dans la gare. Un millier de migrants ont
organisé une manifestation immédiatement. Billets de train à la main,
ils scandaient « Allemagne, Allemagne » et « laissez nous partir ». Ils
ont par la suite campé devant la gare pendant 12 heures.
Dans le même temps, l’Autriche a intensifié les
contrôles de passeports à sa frontière avec la Hongrie. Cette mesure a
provoqué des embouteillages qui ont pu atteindre 50 kilomètres. Le
prétexte officiel était d’éviter un autre drame comme celui du « camion
de la honte » où 71 corps ont été retrouvés au bord d’une autoroute
reliant Budapest et Vienne.
Angela Merkel, qui ne cesse de répéter son souhait
d’instaurer une répartition des réfugiés entre les 28 Etats membres de
l’UE au nom des « droits civils universels », a même menacé d’une
restauration des contrôles des frontières à l’intérieur de l’espace
Schengen.
Comme on voit, quand le renforcement des frontières
extérieures de « l’Europe forteresse » et les morts délibérées en
Méditerranée ne suffisent plus à stopper les migrants fuyant les
guerres, les dictatures ou la misère, la caste politicienne de l’UE
montre sa réactivité en restaurant les contrôles aux frontières.
L’UE accueille-t-elle « toute la misère du monde » ?
Cette année seulement, 140.000 migrants sont rentrés
en UE par la Hongrie, dont 50.000 rien que pour le mois d’août. On
estime que la Hongrie reçoit plus de 3.000 migrants par jour. Lundi
dernier les régions du sud de l’Allemagne ont reçu 2.200 demandes
d’asile. Cette année l’Allemagne pourrait recevoir jusqu’à 800.000
réfugiés sur son territoire. Cela représente une augmentation de 1% de
sa population.
Une grande partie de ces réfugiés viennent de pays en
guerre comme l’Afghanistan, l’Irak ou encore la Syrie. Mais même si ces
chiffres sont assez impressionnants, ils doivent être relativisés :
« le nombre de réfugiés en Europe reste petit comparé à d’autres pays.
L’Allemagne a reçu plus de demandes d’asile que n’importe quel autre
pays européen, mais ses six réfugiés par millier d’habitants, c’est
moins du tiers de la Turquie qui compte 21 réfugiés pour mille
habitants, ce qui à son tour est éclipsé par le Liban avec 232 réfugiés pour mille habitants ».
Hypocrisie
« Nous voulons sauver des vies », déclarait la
ministre de l’intérieur autrichienne Johanna Mikl-Leitner. Et de
conclure : « les contrôles [à la frontière austro-hongroise] restent en
vigueur ». Cette phrase de la ministre autrichienne résume bien
l’attitude hypocrite d’une partie du personnel politique de l’UE dont le
discours soi-disant « humanitaire » ne sert qu’à dissimuler une
politique profondément réactionnaire.
Pour d’autres, le discours sur la crise migratoire
est sans ambiguïté. C’est le cas du premier ministre hongrois Viktor
Orban, qui a déclaré que l’immigration est un danger pour la
civilisation européenne.
Les différentes politiques du gouvernement hongrois à
l’égard des migrants ont d’ailleurs attiré les critiques ni plus ni
moins que de Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères français,
d’après qui la Hongrie « respecte pas les valeurs communes de
l’Europe ». Fabius essaye de se donner une image « humanitaire » alors
que son gouvernement en France expulse autant d’étrangers
« sans-papiers » que la droite (voire plus), alors que son parti à la
tête de Paris a expulsé et réprimé sauvagement les réfugiés de La Chapelle,
et que c’est toujours son parti qui organise la traque aux migrants de
Calais en collaboration avec le gouvernement non moins réactionnaire de
la Grande-Bretagne. Quant aux politiques anti-migratoires, la France n’a
de leçon à donner à personne…
Mais ces derniers jours, c’est avant tout Angela
Merkel qui a enfilé ses habits de grande humaniste à l’égard des
réfugiés et de défenseuse d’une politique unifiée d’accueil des réfugiés
en Europe. Cependant, cette attitude de Merkel ne peut pas nous faire
oublier son cynisme total quand, il y a quelques semaines seulement,
elle expliquait sur un plateau télé à une jeune palestinienne qu’il
était impossible d’accueillir des gens comme elle en Allemagne.
Au-delà de cela, la politique du gouvernement
allemand consiste à séparer les migrants entre ceux qui fuient
réellement des conflits (environ 20% du total) et le reste, ceux qui
fuient « juste » la misère. C’est notamment le cas des migrants venant
des Balkans. Ainsi, le ministre de l’intérieur Thomas de Maiziere
explique que « la situation économique [dans les Balkans] est mauvaise,
donc il est compréhensible que des gens cherchent un futur meilleur
quelque part ailleurs. Mais cela n’est pas une raison pour accorder
l’asile (…) nous avons besoin de ces ressources pour aider ceux qui
réellement ont besoin de protection ».
Il s’agit d’un discours qui est en train de se
répandre en Europe parmi le personnel politique. On cherche même à
établir des listes de pays « sûrs » qui permettraient d’expulser plus
rapidement les ressortissants de ces pays.
Développer la solidarité à travers l’Europe
L’Union Européenne est réactionnaire sur toute la
ligne. Le massacre délibéré de milliers de personnes qui meurent chaque
année noyées dans la Méditerranée ou sur les routes de « l’immigration
illégale », ainsi que son attitude de criminalisation des migrants
fuyant guerres, dictatures ou la misère, en sont juste quelques
exemples.
Pour éviter que les partis xénophobes, qui prennent
appui sur cette réalité, progressent, il est fondamental de développer
des actions de solidarité comme la manifestation de soutien aux migrants
réalisée à Vienne avec la participation de 20.000 personnes ou celle des supporters de clubs de football allemands qui ont élaboré des banderoles de « bienvenue » aux migrants.
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