Philippe Alcoy
Publié le 14 septembre 2015
Source: Révolution Permanente
« Dehors, dehors ! » scandait la foule enragée devant les grilles de la maison. « Pourquoi vous ne les prenez pas chez vous ? », « Sale p*te ! », « Les petits vieux qui crèvent de faim tu t’en occupes ? »,
lançaient encore les riverains aux soutiens de la famille rrom. Après
l’intervention de la police, celle-ci a été expulsée de la maison
qu’elle occupait sous les cris de joie des « citoyens ». Une femme sort
en pleurs. « C’est la meilleur décision madame, ne pleurez pas »,
lui lançait, joyeux et moqueur, un des « délogeurs ». Au milieu des
riverains on aperçoit le propriétaire, le sourire aux lèvres.
Ces
scènes violentes et humiliantes se sont déroulées vendredi 11 septembre
dernier à Saint-Martin-d’Hères près de Grenoble. Des images qui, toutes
proportions gardées, font penser à cette scène célèbre du film « La
liste de Schindler » où l’on voit une petite fille lancer des cris haineux contre des juif déportés : « Goodbye jews ! » (« Au revoir les juifs »).
Cette famille rrom s’était installée le 4 septembre
dernier dans une maison vide à vendre dans la ville. La famille rrom en
question avait été expulsée, avec autres 300 personnes, fin juillet
bidonville Esmonin au sud de Grenoble.
Selon le propriétaire de la maison, qui jure
aujourd’hui qu’elle était sur le point d’être vendue, c’est la police
qui l’aurait prévenu que sa maison était squattée. Selon ses propres
mots, après avoir fait les démarches, « le procureur n’a pas donné le
feu vert d’évacuation alors qu’il y avait une dizaine de policiers qui
étaient prêts à intervenir (!), du fait que ce n’était pas [son]
habitation principale (…) Et là, comme [il a] vu que les choses
n’avançaient pas trop du côté de la police, [il a] fait appel aux
voisins (…) à qui [il a] exposé [son] problème et [lui] ont dit : on va
vous soutenir ».
Nous sommes ici face à un cas où un propriétaire
décide non seulement de passer outre une décision de justice, mais en
plus s’en vante. Qui plus est, l’expulsion de la famille rrom (une
semaine seulement après le début de l’occupation) se fait avec
l’intervention de la police elle-même alors que, selon les mots du
propriétaire lui-même, celle-ci n’avait pas l’ordre d’évacuer les lieux.
Cet évènement a lieu au milieu d’une situation
particulière. Dans le contexte d’une montée du racisme en Europe, que la
crise migratoire ne fait qu’accentuer, mais également le jour même où
la France est épinglée par les Nations-Unies par sa politique
d’expulsion systématique des Rroms.
De plus, il s’agit d’un évènement qui légitime
l’action directe de « citoyens » contre l’un des secteurs les plus
opprimés de la société. Et c’est principalement depuis les institutions
de l’Etat que l’on crée le terrain propice pour que ce type d’action ait
lieu. Ainsi, le Canard Enchainé révélait il y a quelques jours
une initiative du maire Les Républicains de Marly (Moselle), Thierry
Hory, incitant les « citoyens » à alerter la police municipale dès
qu’ils voient une caravane « pour éviter qu’elles s’installent à Marly ».
Ce qui constitue clairement un appel à la délation, suivant une méthode
utilisée par les régimes les plus obscurs que le continent a connu.
Face à la crise du logement en France, et de la
misère dans laquelle une partie de la société est condamnée à vivre, les
occupations de logements et de bâtiments vides sont une réponse
d’urgence, bien que précaire. Dans ce cas précis, l’occupation fait
suite au démantèlement d’un bidonville sans aucune proposition de
relogement, comme c’est presque toujours le cas.
En ce sens, l’expulsion haineuse de cette famille
rrom par des riverains ne fait que renforcer le climat réactionnaire qui
a gagné une partie de la population française. Ces actions, qui
représentent une sorte de « pogrom sans violence physique », risquent de
préparer des agressions bien plus graves contre des secteurs opprimés
de la société. Face à cela, les actions de solidarité et la mobilisation
de milliers de personnes en soutien à nos frères et sœurs venus
d’ailleurs sont le meilleur remède.
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