Philippe Alcoy
Dimanche 20 septembre aura lieu la troisième élection en dix mois
en Grèce. Cette fois il s’agit des élections générales anticipées.
Celles-ci ont lieu après la capitulation totale du gouvernement
Syriza-Anel dirigé par Aléxis Tsípras face aux créanciers du pays et la
signature du troisième mémorandum depuis le début de la crise en 2010.
Avec cette élection, Tsípras cherchait à consolider le
nouveau Syriza. D’une part, il s’est débarrassé de l’aile gauche du
parti qui a décidé, après avoir laissé Tsípras capituler en ne s’y
opposant que formellement et avoir été expulsée du gouvernement par
celui-ci, de rompre avec Syriza et de fonder un nouveau parti, l’Unité
Populaire. D’autre part, la direction de Syriza voyait ces élections
comme une opportunité de former un nouveau groupe parlementaire plus
stable et fidèle. Une telle configuration lui permettrait également de
s’ouvrir aux formations politiques du centre de l’échiquier politique.
Un résultat serré ?
Quand Tsípras annonçait sa démission et l’organisation de nouvelles élections le 20 août dernier,
il jouissait d’une popularité de 61% qu’il comptait bien utiliser pour
faire de bons résultats à l’élection. Cependant, selon les derniers
sondages, l’écart entre Syriza et Nouvelle Démocratie (principal parti
d’opposition – droite – ND) s’est largement rétréci. Ils seraient au
coude à coude avec entre 26% et 30% chacun. Selon deux sondages de cette
semaine, ND aurait même dépassé Syriza de 0,5%. Autrement dit, personne
ne peut prédire ce qui se passera dimanche.
Mais n’oublions pas que ce sont ces mêmes instituts de sondages qui
affirmaient la veille du référendum sur l’accord avec la Troïka le 5
juillet dernier que le score serait serré, alors que le résultat final a
vu une victoire écrasante du « Non » avec 20 points de différence sur
le « Oui ».
Tranquillité chez les dirigeants de l’UE
À la différence des dernières élections en Grèce où les dirigeants
des puissances impérialistes de l’UE multipliaient les déclarations sur
l’importance pour le peuple grec de « bien voter », cette élection
contraste par leur calme. Les journaux occidentaux n’en parlent presque
pas pour le moment et la situation en Grèce est loin de faire la Une.
En effet, pour la première fois depuis longtemps en Grèce les deux
partis qui risquent d’arriver en tête se sont déjà engagés à appliquer
les mesures d’austérité exigées par les créanciers du pays.
En effet, l’objectif principal des impérialistes européens est de
trouver une période de stabilité politique. Deux ou trois ans sans trop
de convulsions sociales ni politiques qui permettent d’appliquer les
réformes néolibérales du mémorandum, cela en vue maintenir l’accès aux
nouveaux marchés ouverts par les privatisations en cours et futures et
de garantir les flux de remboursements aux créanciers.
Plusieurs scénarios
Les sondages parlent d’un résultat serré. Si cette prévision s’avère
réelle, quel que soit le parti gagnant il devra chercher des partenaires
pour former un gouvernement car aucun ne semble en mesure d’atteindre
les 39% nécessaires pour avoir la majorité absolue au parlement (en
Grèce le parti arrivé en tête obtient un « bonus » de 50 députés).
Si Syriza gagne et qu’Anel réussi à rentrer au parlement, il est très
probable qu’ils essayent de refaire la coalition qu’il avait formée en
janvier dernier. Cependant, si Anel ne réussit pas à rentrer dans le
parlement, Syriza devrait chercher des alliés parmi les partis du centre
de l’échiquier politique. Cela pourrait se révéler très coûteux
politiquement pour la formation de Tsípras. Le parti pourrait encore
perdre des soutiens dans les mois suivants.
En cas de victoire de ND les conséquences pourraient être très dures
pour Syriza mais aussi pour les partis de « la gauche de la gauche » au
niveau européen, à commencer par Podemos dans l’État Espagnol mais aussi
pour le Front de Gauche en France. Et cela malgré les différences de
points de vue et reconfigurations qu’il y a eu ces derniers temps, comme le projet de somme du « Plan B » lancé par Mélenchon.
Mais une victoire de ND pourrait aussi rendre les choses plus
simples, avec la formation d’une coalition de gouvernement large avec
le Pasok, To Potami et peut-être avec une nouvelle formation centriste,
l’Union des Centristes. Cependant, cela pourrait ouvrir un nouveau tour
de négociations avec les créanciers du pays et, plus encore, pousser
Syriza à adopter une posture « critique » vis à vis de certaines mesures
d’austérité. En termes de stabilité politique une telle situation
pourrait avoir de mauvaises conséquences.
Par ailleurs, on ne peut pas écarter non plus, bien que cela semble
très peu probable, qu’une victoire de ND pousse Syriza à accepter la
proposition que la droite ne cesse de lui adresser de former un
gouvernement commun. Mais cette option n’est pas non plus vue d’un bon
œil par les dirigeants impérialistes de l’UE car elle pourrait laisser
la voie libre à des partis comme Aube Dorée, qui se développeraient
alors comme les seuls opposants à l’austérité et aux partis dominants.
C’est en ce sens que les impérialistes européens sembleraient plus
enclins à souhaiter une victoire de Syriza. Ainsi, Tsípras serait chargé
de mettre en place les mesures les plus dures du troisième mémorandum
tout en maintenant un bloc pro-austérité dominant au parlement étant
donné que la droite dans l’opposition soutiendrait aussi ces mesures.
À la gauche de Syriza
Quant aux partis à la gauche de Syriza, le Parti Communiste (KKE) se
présente seul et il obtiendrait autour de 5% des voix. Depuis que Syriza
est arrivé au pouvoir le KKE s’est positionné à sa gauche mais sa
politique n’a pas changé et continue à constituer un obstacle à l’unité
des exploités.
Du côté de l’Unité Populaire, issue de Syriza, les derniers sondages
estiment qu’elle obtiendra entre 3% et 4%. Dans son programme ses
dirigeants défendent la reconstruction de l’économie du pays sur la base
de la rupture avec l’euro mais dans le cadre de l’économie capitaliste
et des institutions actuelles. Une politique qui aurait des conséquences
terribles sur les conditions de vie des travailleurs et des couches
populaires et qui ne garantit en rien la fin des politiques d’austérité.
Tout cela sans dire que l’Unité Populaire partage une grande partie de
son programme avec celui de Syriza.
Lors de la fondation de l’Unité Populaire une partie de la coalition
Antarsya est partie pour y prendre part. À ces élections, Antarsya a
décidé de former une coalition avec un parti trotskyste, l’EEK (Parti
Révolutionnaire des Travailleurs).
Il reste à voir si des partis à la gauche de Syriza pourraient
profiter électoralement de l’échec du gouvernement de Tsípras face à la
pression de la Troïka. Cependant, la clé reste la réaction du mouvement ouvrier
face aux nouvelles attaques et mesures d’austérité. La bourgeoisie et
les impérialistes sont conscients de cela et c’est pour cette raison
qu’ils ne voient pas d’un mauvais œil la victoire de Tsípras, surtout si
celui-ci arrive à coopter un secteur de la bureaucratie syndicale.
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