Philippe Alcoy
Source: Révolution Permanente
Jeudi, dans la soirée, le Premier ministre grec Alexis Tsipras a
annoncé sa démission et l’organisation d’élections générales anticipées
qui se tiendront probablement le 20 septembre prochain. Cette démission
n’est pas tout à fait surprenante. En effet, depuis plusieurs semaines
des bruits sur une possible démission du gouvernement grec couraient
après que la coalition au pouvoir (Syriza-Anel) a perdu la majorité au
Parlement lors du vote du troisième plan d’austérité négocié avec la
Troïka.
En effet, après que 43 des 149 députés que détient Syriza au
Parlement ont voté contre l’accord ou se sont abstenus, c’est grâce aux
voix de l’opposition de droite (Nouvelle Démocratie –ND), de la
social-démocratie (PASOK) et du parti centriste To Potami que Tsipras a
réussi à faire passer son plan.
Ainsi, avec ces élections anticipées Tsipras et ses proches visent
plusieurs objectifs. D’une part ils cherchent à se débarrasser des
députés « contestataires » et de l’aile gauche du parti. Il est très
probable que les listes de Syriza soient « épurées » des éléments les
moins « fidèles » à la ligne de Tsipras.
Il reste cependant à voir si un tel scénario va pousser la Plateforme
de Gauche, dirigée par l’ex-ministre Panagiotis Lafazanis, à rompre
avec Syriza et former un nouveau parti ou coalition anti-euro ou si elle
sera condamnée à une sorte de marginalisation au sein du parti. Bien
que cette dernière alternative semble peu probable on ne peut pas
l’écarter car
tout au long de ces derniers mois la Plateforme de gauche a démontré
son impuissance pour stopper la moindre capitulation de Tsipras.
Plus encore, elle a été incapable de mobiliser des secteurs populaires
ou de la classe ouvrière pour s’opposer à la politique de capitulation
du gouvernement grec. Une autre option pourrait être que Tsipras décide
d’exclure son aile gauche d’une façon ou d’une autre, comme il l’a fait
avec les ministres qui n’avaient pas voté l’accord avec la Troïka.
D’autre part, Tsipras cherche à retrouver une nouvelle majorité au
Parlement qui lui permette de dépendre moins des voix des partis
d’opposition pour faire adopter ses lois. D’ailleurs, même si ces partis
avaient voté pour l’accord avec le FMI et l’UE, leurs chefs avaient en
même temps déclaré que cela ne signifiait pas qu’ils voteraient la
confiance au gouvernement Syriza-Anel. Ainsi, convoquer des élections
anticipées apparaît comme une option beaucoup moins risquée pour Tsipras
que de demander la confiance du Parlement.
Il est évident que Tsipras considère qu’il emportera les élections. Pour cela il se base sur les derniers sondages qui indiquent qu’il profite encore d’une popularité assez élevé (61%).
pour les classes populaires, cela est pour partie le résultat d’un
manque d’alternatives crédibles à gauche du gouvernement, ce qui les
conduit à une sorte de résignation.
Le timing pour convoquer de nouvelles élections n’est pas anodin non
plus. Comme explique Georges Contogeorgis, professeur de sciences
politiques à l’université Panteion, à Athènes, « le premier ministre
choisit de convoquer des élections dans l’immédiat, car il sait que dans
six mois, il ne bénéficiera pas forcément d’une grande cote de
popularité ». On fait référence au fait que d’ici quelques mois les
couches populaires pourront sentir plus clairement les effets des
mesures d’austérité qui viennent d’être adoptées et la popularité de
Tsipras baisser fortement.
Mais il nous faut aussi noter que Tsipras convoque les nouvelles
élections en disant que son mandat du 25 janvier est épuisé... mais
après avoir fait adopter au parlement l’accord avec la Troïka, d’avoir
reçu la première tranche du nouveau prêt et d’avoir payé les créanciers.
Certains analystes tablent déjà sur une campagne de Tsipras axée sur
un discours qui présentera l’accord avec la Troïka comme le moins
mauvais des accords possibles, sur la nécessité de renforcer le
gouvernement pour faire payer des taxes aux oligarques, pour défendre
les droits des immigrés, des LGBT, etc. Cela lui fera sans doute perdre
certaines voix à gauche mais en gagner parmi l’électorat le plus modéré.
Reste à voir si ND, le parti d’opposition le plus important, réussira
à augmenter en nombre de voix ou au moins à maintenir son score. Il en
va de même pour les autres formations d’opposition comme le PASOK et To
Potami, bien que l’on ne puisse exclure que Syriza tente de s’allier à
l’une de ces deux dernières formations. Une alliance avec ND (comme cela
avait été le cas du PASOK) semble cependant peu probable car cela
limiterait les possibilités de la bourgeoisie de régénérer un semblant
de bipartisme et laisserait libre un espace politique à droite qui
pourrait être occupé par des partis comme Aube Dorée ou autres.
Reste à savoir également si, à gauche, des formations peuvent capter
les déçus de Syriza. Cela pourrait être le cas du Parti Communiste grec
(KKE). Mais sa politique sectaire, de division du mouvement ouvrier et,
en même temps, de conciliation de classes a démontré tout au long de ces
dernières années que le KKE n’est aucune alternative pour les
travailleurs et les classes populaires.
Une éventuelle rupture à gauche de Syriza qui formerait une sorte de
front anti-austérité et/ou anti-UE pourrait aussi capitaliser une partie
de cet électorat de déçus. Mais tout au long de ces derniers mois
l’aile gauche de Syriza s’est montrée complètement inoffensive pour le
gouvernement ainsi que pour les intérêts des capitalistes locaux et de
la Troïka. En outre, la formation d’une sorte de « Syriza-Bis » dont
l’axe central serait la rupture avec l’euro et l’UE, sans aucune
délimitation de classe, d’une part pourrait avoir comme résultat
d’augmenter la confusion parmi les masses et d’autre part, serait la
démonstration que les initiateurs d’une telle formation n’ont rien
appris de la capitulation de Tsipras.
On ne peut exclure, non plus, un regain des luttes ouvrières ou de la
jeunesse et des secteurs populaires contre l’austérité et les
licenciements. Ce serait le meilleur scénario pour les exploités pour
commencer à construire un mouvement de résistance contre les attaques de
la Troïka et du gouvernement qui sera issu des élections.
Publié le 21 août 2015
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