Philippe Alcoy
Source: Révolution Permanente
Ce matin le journal de la City de Londres, le Financial Times,
révélait la lettre que le premier ministre grec Alexis Tsipras a envoyé
hier aux créanciers du pays. Dans celle-ci Tsipras propose d’accepter
les impositions du plan d’austérité présenté par la Troïka la semaine
dernière à condition d’y inclure quelques amendements à la marge.
Les modifications au plan de la Troïka présentées par
le gouvernement grec s’inscrivent dans la même dynamique de la
proposition faite hier par ce dernier d’un troisième plan de
« sauvetage » du pays. Celui-ci s’étalerait sur deux ans et demanderait
quelques 29,1 milliards d’euros pour le pays.
Dans sa lettre de deux pages Tsipras demande à
maintenir une réduction de 30% de la TVA imposée aux îles grecques dont
l’accès est difficile. Cette doléance est l’une des exigences du
partenaire de Syriza dans la coalition au pouvoir, le parti de droite
souverainiste Grecs Indépendants (Anel). Une revendication tactique pour
maintenir la cohésion du gouvernement grecque.
Une autre proposition est de réduire de 200 millions d’euros en 2016 et de 400 millions d’euros en 2017 le budget de la défense.
Quant aux retraites, Tsipras accepte honteusement
d’éliminer le complément pour les pensions les plus faibles (l’EKAS)
d’ici fin 2019. La seule différence se situerait dans la manière de
faire passer cette attaque, graduellement et non frontalement comme le
réclame la Troïka (pour celle-ci il fallait éliminer ce complément pour
20% des bénéficiaires dès cette année). La même logique de procéder
graduellement est demandée pour les réformes du marché de l’emploi.
Il propose également la libéralisation de toute une
série de secteurs de l’économie encore protégé, notamment ceux des
professions libérales.
Enfin, même si au milieu d’une situation aussi
vertigineuse cela semble passer comme un « détail » : hier pour la
première fois dans l’histoire un pays capitaliste développé n’a pas payé
une échéance de sa dette au FMI. Encore une démonstration de la gravité
de la situation.
La proposition de Tsipras renforce la position de la Troïka
Cette tentative d’arriver à un accord de dernière
minute de la part de Tsipras, où il se dit prêt a accepter tout ce que
la Troïka demande (dans une attitude pas très différente de celle qu’il
avait la semaine dernière), additionné au fait que sa lettre a « fuité »
dans la presse, ne fait que renforcer la position des créanciers.
En effet, Tsipras est en train d’avouer publiquement
que son intention avec l’annonce du référendum était de faire pression
sur ses « partenaires » pour améliorer sa position et que, en ce sens,
même dans l’éventualité d’une victoire du « Non » il ne serait pas dans
une situation très confortable.
Au cours de la journée plusieurs sources affirmaient
que le gouvernement grec aurait proposé d’annuler le référendum si ses
propositions étaient acceptées par ses créanciers. Cependant, dans une
allocution télévisée Tsipras vient de ratifier la tenue du référendum
dimanche. Sans doute c’est le résultat du refus de Merkel et de son
parti d’accepter une telle proposition mais aussi des pressions
internes. Mais ces hésitations ne font que renforcer la position des
créanciers et affaiblir le camp du « Non » pour lequel le gouvernement
appelle à voter.
En effet, les dirigeants impérialistes semblent
vouloir se saisir cette expression de faiblesse de Tsipras pour aller
jusqu’au bout de leurs objectifs. Cette après midi se réunira
l’Eurogroupe qui discutera des propositions du gouvernement grec. Alors
que Merkel dit vouloir attendre le résultat du référendum avant de
prendre une décision, les dirigeants français sont quant à eux plutôt
favorables à un accord rapide.
Plusieurs dirigeants du parti de Merkel, la CDU, ont
déclaré à la presse qu’ils ne voteraient aucun compromis avec le
gouvernement grec avant que Varoufakis et Tsipras lui-même ne
démissionnent. Pour eux il n’y a plus de cadre de confiance entre eux et
ces deux dirigeants de Syriza.
Instabilité politique en vue
Quel que soit le résultat du référendum le plus
probable c’est qu’on soit en train d’assister aux derniers jours du
gouvernement grec tel qu’il existe aujourd’hui. Tout type de spéculation
est en train de circuler : depuis la formation d’un gouvernement
d’unité nationale jusqu’à la formation d’un « gouvernement technique »
où des membres « modérés » de Syriza pourraient participer ; le scénario
d’élections anticipés restant le moins envisageable par la Troïka.
Renforcer la mobilisation, renforcer la solidarité internationaliste !
La polarisation de la société grecque ne fait que
s’accentuer depuis plusieurs semaines. L’annonce du référendum contribue
à distinguer plus clairement deux camps. Lundi soir des milliers de
personnes se sont manifestées pour le « Non ». Hier soir presque autant
se sont mobilisées pour le « Oui ». On ne sait pas comment peut évoluer
la situation, mais aucun scénario ne peut être exclu. Même les plus
inhabituels pour des pays développés comme des affrontements violents
non seulement avec les forces de répression mais au sein de la
population elle-même.
La mobilisation indépendante du gouvernement, celle
de la classe ouvrière pour ses intérêts peut être un élément déterminant
dans la situation. Le mouvement ouvrier, la jeunesse et les exploités
pourraient devenir un acteur central, pour le moment absent dans cette
dispute.
En ce sens la solidarité internationale, à commencer
par celle des exploités et opprimés d’Europe, avec les travailleurs de
Grèce, est fondamentale. A Paris, jeudi 2 juillet à 18h30 des
organisations syndicats et politiques organisent un rassemblement de
soutien au peuple grec à Bastille. Il est important de nous mobiliser
par milliers pour démontrer à la Troïka et aux capitalistes que les
masses en Grèce ne sont pas seules et qu’ici aussi nous comptons nous
battre contre leurs attaques et pour nos droits.
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