Philippe Alcoy
Source: Révolution Permanente
Scène « surréaliste » lundi au palais de l’Elysée :
les chefs de la « gauche de la gauche » viennent demander à François
Hollande de se mettre « du côté du peuple grec » plutôt que de celui des
créanciers. Et Pierre Laurent (PCF), Eric Coquerel (PG), Clémentine
Autain (Ensemble-Front de Gauche) et le porte-parole d’EELV Julien
Bayou, en sortent satisfaits.
« Le président de la République nous a exprimé la
volonté d’obtenir un accord qui respecte le gouvernement grec actuel »,
déclarait Pierre Laurent. Clémentine Autain se félicitait du fait que
Hollande prévienne que « la sortie de la Grèce de la zone euro aurait un
coût pour le contribuable ». Dans une interview au Journal du Dimanche,
P. Laurent insistait sur la bonne volonté du président français
vis-à-vis du gouvernement grec. Quand on lui posait la question sur la
position d’Hollande sur les exigences sur une augmentation de la TVA ou
des coupes dans les retraites, Laurent affirmait que « François Hollande
ne juge pas raisonnable d’imposer des réformes de ce type. Il souhaite
une négociation qui porte sur les propositions grecques visant à trouver
de nouvelles recettes fiscales » Et qu’il « a également insisté sur une
demande du gouvernement d’Alexis Tsipras : celle d’aboutir à un accord
durable ».
On croirait revoir un porte-parole d’un gouvernement
« d’union de la gauche » exposant et défendant les positions de « son »
président.
La France ne peut pas se « désolidariser » des créanciers car… elle en est l’un des principaux !
Ces
mêmes dirigeants ainsi que des personnalités politiques et de la
« société civile » avaient écrit une tribune ouverte publiée le 18 juin
dans les pages de Libération dont le titre était « La place de la France est aux côtés du peuple grec ».
Dans celle-ci on lançait un « appel solennel » incroyable à François
Hollande : « la France ne peut, dans un tel moment, apparaître inerte
sinon suiviste des puissants ».
Un déni de réalité total. Non seulement la France est
l’une des cinq principales puissances économiques mondiales mais dans
le cas précis de la dette grecque la France avec l’Allemagne est l’un
des principaux créanciers. Elle détient plus de 42 milliards d’euros en
titre de la dette grecque sur un total de 320 milliards.
François Hollande et le PS n’ont pas seulement adopté
une ligne de suivisme total de la politique hostile des créanciers de
la Grèce visant à humilier sur toute la ligne le gouvernement d’Alexis
Tsipras, ils ont une participation active dans cette campagne
impérialiste. Pierre Moscovici, commissaire européen à l’économie et
dirigeant du PS, a ainsi été l’un des politiciens les plus hostiles à
Syriza pendant la campagne présidentielle grecque.
Et si tout ceci n’était pas suffisant pour
ridiculiser leur démarche, alors que dans ce même appel ils se
félicitaient de la volonté de « compromis » démontrée par le
gouvernement grec, qu’une « solution à la fois digne et réaliste [soit]
donc à portée de la main », ils demandaient à Hollande de se
« désolidariser » des « exigences insoutenables de l’"Eurogroup" en
matière de dérégulation du marché du travail, de révision du système des
retraites ou de privatisations ». Sauf que le soir même on apprenait
que Tsipras s’inclinait face aux exigences des créanciers, prenant en contrepieds ses soi-disant suppôts hexagonaux.
Roue de secours du PS
Mais
cette démarche n’est pas simplement ridicule et en dehors de toute
réalité. Elle a potentiellement un impact politique très nuisible pour
les travailleurs et les jeunes qui sont encore influencés par ces
organisations. En effet, elle contribue à semer des illusions vis-à-vis
du PS et de la politique du gouvernement de Hollande qui pourrait se
positionner « du côté du peuple ».
Pour Hollande cette rencontre est bénéfique pour sa
course pour l’élection présidentielle de 2017. Etant présenté par les
représentants de « la gauche de la gauche » comme un potentiel allié du
gouvernement grec, tout en évitant de tomber dans « un populisme de
gauche sans fondement », comme affirme son entourage, Hollande pourrait
avancer dans la tentative de créer un certain « rassemblement à gauche »
face à la droite et au FN. Cette initiative permet aussi de créer
l’illusion d’une différence « fondamentale » entre Hollande et Merkel,
qui pour des raisons de politique interne doit mettre en avant un
discours plus « dur » vis-à-vis de la Grèce.
Cependant, pour les travailleurs, les jeunes et les
migrants qui subissent les mesures d’austérité, les coupes budgétaires
dans les services publics essentiels comme l’éducation ou la santé et
même la répression de la police aux ordres de ce gouvernement, ce
camouflet « de gauche » ne saura pas les tromper sur le vrai caractère
du PS : un appareil au service des banquiers et des patrons français.
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