Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA
La grève des salarié-e-s de l’administration de
l’université de Paris 8 pour une augmentation des salaires et
l’évolution des carrières continue et est rentrée dans la huitième
semaine. Et cela malgré les pressions et menaces de la part de la
direction de l’université. Avec une caisse de grève qui se rempli bien,
une pétition signée par plus de 3.000 personnes de l’université
notamment mais aussi d’ailleurs et une lettre de soutien signée par 118
enseignant-e-s adressée à la présidente de l’université, la grève montre
qu’elle compte avec la sympathie et le soutien parmi les autres
salariés de l’université et les étudiants.
L’université de
Paris 8 est une « fac de gauche » avec une longue tradition de luttes
étudiantes, de solidarité avec les luttes des travailleurs. Une fac
ouverte aux travailleurs et travailleuses. Mais beaucoup d’eau a coulé
sous le pont. Aujourd’hui c’est sur le pont qui mène de la bibliothèque
au bâtiment A que tous les matins on peut voir ce groupe de femmes
discuter entre elles et avec les passants, servir du café ou du thé,
quelque chose à manger. C’est la grève depuis huit semaines. Car c’est
la précarité depuis des années.
L’implicite devient explicite. Le personnel invisible
se rend visible dénonçant son exploitation, sa précarité à la base de
l’organisation de l’université de classe. Huit semaines de grève déjà
pour exiger une augmentation des salaires de 98 euros nets par mois et
la reconnaissance sur le papier de l’évolution effective des tâches. Une
autre revendication qui a gagné de la force parmi les grévistes c’est
la demande de transparence dans la gestion des ressources de
l’université. Le contrôle de la gestion du budget par les salariés de la
fac, les étudiants et les enseignants est fondamental pour poser les
bases de confiance pour la négociation des salaires et les ressources
alloués aux différents départements et services par l’équipe de
direction.
La présidence de « gauche » de Paris 8 répond comme
n’importe quelle présidence de droite : par la pression individuelle,
les représailles et les menaces. Un des acquis très importants pour les
salariés de l’université au fil des années de luttes était la non
retenue de salaires lors des mouvements de grève. C’est contre la grève
de l’un des secteurs les plus précaires de l’université que cette équipe
de direction de « gauche » a décidé de « rompre avec la tradition ».
Et la spécialiste des mouvements sociaux, la
présidente « gauchiste » de Paris 8 Danielle Tartakowski, s’est non
seulement montrée complètement intransigeante avec les grévistes et
fermé toutes les voies de négociation, mais elle explique également dans
un courrier adressé principalement aux enseignants solidaires de la
grève du personnel qu’elle est « pleinement consciente [que la retenue de salaires est] une décision grave » mais qu’elle a la « responsabilité de veiller à l’équilibre du budget de notre université et à la bonne marche du service public ». Mais surtout il ne faut pas oublier que « la grève est elle aussi une chose grave ». En ce sens, le retrait sur salaire ne serait pas « punitif parce qu’il participe de ce droit qui est un droit protecteur ». De gauche à droite, une page d’une histoire sur un mensonge est tournée.
Solidarité
Ces mots incroyables pour quelqu’un qui se prétend de
« gauche » et sensible aux mobilisations sociales viennent en réponse à
une lettre de solidarité signée par 118 enseignants en soutien à la
grève. Cette démonstration de solidarité représente un coup pour la
présidence qui prétend que la grève et les revendications du personnel
mettrait « en danger le service public ». Mais aussi cela a été un élan
d’enthousiasme et de moral pour les grévistes.
En ce même sens, les démonstrations de solidarité de
la part d’étudiants et des salariés des autres services se voient au
quotidien dans le piquet de grève/petit-déjeuner de la grève. Beaucoup
de personnes y passent pour discuter, s’informer sur la grève, pour
exprimer leur solidarité, pour apporter à la caisse de grève.
D’ailleurs, grâce aux dons individuels et des
organisations syndicales et politiques, la caisse de grève aujourd’hui
compte près de sept mille euros, ce qui est fondamental pour faire face à
la pression financière. A cet argent, il faut également rajouter autour
de 4.000 euros pour la CGT Ferc-Sup et 3.000 pour le Sansub-FSU que ces
organisations se sont engagées à verser dans la caisse de grève lors de
la dernière assemblée générale de l’université. Tout cela montre que la
grève compte avec une large sympathie parmi la « communauté
universitaire ».
Un autre élément important qui exprime la solidarité
c’est le fait que le journal de la grève écrit par le « Collectif des
bas salaires » a été largement vendu dans les différents services et
départements. A peine imprimé, en quelques heures une soixantaine de
journaux était vendue.
Pourquoi pas tous ensemble ?
La situation de précarité dans laquelle se trouve une
bonne partie du personnel de Paris 8 n’est pas un cas isolé dans les
universités françaises. C’est la réalité quotidienne d’autres salariés
administratifs mais aussi des étudiants, de doctorants, d’enseignants.
Les mouvements en cours comme à Paris 11 Orsay, avec qui les grévistes
de Paris 8 ont participé à une manifestation devant le ministère de
l’enseignement supérieur jeudi 5 mars, en est une preuve. Cela montre
l’importance de faire sortir de Paris 8 le conflit et de rencontrer les
salariés, étudiants et enseignants d’autres universités, actuellement en
lutte ou pas.
Au sein de Paris 8 elle-même la dégradation des
conditions d’étude et de travail s’accentue depuis des années. Des
suppressions de filières aux difficultés supplémentaires pour les
étudiants salariés en passant par les changements dans les conditions de
validation des cours, rendant l’université encore plus sélective, les
raisons sont nombreuses pour se révolter.
Mais plus globalement, ces attaques et cette
situation de plus en plus précaire pour les salariés et les étudiants
font partie d’une politique globale menée par les différents
gouvernements depuis quelques années, qu’ils soient PS ou UMP. Il s’agit
de couper dans le budget pour l’enseignement supérieur et dans
l’ensemble des services publics pour allouer ces fonds à l’aide pour les
multinationales françaises, pour les guerres impérialistes, pour sauver
les banques.
En ce sens, une victoire du personnel de Paris 8
serait un petit pas en avant pour l’ensemble des salariés et pour les
étudiants. Mais aujourd’hui avec la solidarité passive ne suffit plus.
Il faut que ce soutien se transforme de plus en plus en un soutien
actif, par des actions, par la participation active d’étudiants et
enseignants, avec leurs propres revendications, unissant les
revendications, unissant le mouvement avec les autres universités en
lutte. Les prochains jours seront fondamentaux pour le futur de la
grève. Une nouvelle soirée de soutien pour alimenter la caisse de grève
s’organise pour le jeudi 12 mars à 18h à l’université et d’autres
initiatives auront lieu pour construire la solidarité et aussi la
mobilisation qui sera nécessaire pour obtenir une victoire.
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