Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA
Mercredi 4 février la Banque Centrale Européenne
(BCE) a décidé de mettre la pression sur le gouvernement grec dirigé par
Syriza : elle a décidé de ne plus accepter les obligations émises par
la Grèce comme garantie pour offrir de la liquidité aux banques grecques
tant que le pays ne serait pas arrivé à conclure un accord avec ses
« partenaires » européens sur sa dette. Une action scandaleuse qui vise à
obliger le gouvernement de Tsipras à continuer à appliquer des mesures
d’austérité contre les classes populaires et les masses du pays.
En effet, le
nouveau gouvernement grec à peine installé déclarait par la voix de son
ministre des finances, Yanis Varoufakis, qu’il ne reconnaitrait pas la
Troïka (BCE, Commission Européenne et FMI) comme interlocuteur
concernant le problème de la dette du pays. Il a même refusé d’accepter
la dernière tranche de 7 milliards d’euros du second plan de sauvetage
de la Grèce lancé en 2012.
Pour financer les activités de l’Etat, Tsipras
comptait en finir avec la tutelle de la Troïka et des plans d’austérité
et avoir recours à la possibilité d’émettre des obligations de l’Etat
grec à court terme. Cela aurait permis à la Grèce de se financer pendant
quelques mois, le temps d’arriver à un accord avec ses créanciers de
l’UE.
En effet, malgré le fait que les titres grecs soient
considérés comme « spéculatifs », dans le cadre du plan de sauvetage mis
en place par la Troïka, la BCE offrait la possibilité aux banques
grecques de se procurer de l’argent frais auprès d’elle en présentant
comme garantie les titres de l’Etat grec. Ainsi, la Grèce pouvait
émettre des obligations à court terme, qui étaient rachetées par ces
banques nationales, et trouver de cette façon des sources de
financement.
La décision prise par la BCE de vient mettre fin à
cette situation. Etant donné que le gouvernement grec refuse de mener
jusqu’au bout les accords passés avec la Troïka, la BCE n’acceptera plus
à partir du 11 février les titres émis par la Grèce comme garantie pour
les banques grecques.
Cependant, cette décision ne veut pas dire que les
banques grecques sont coupées de tout financement possible. Elles
peuvent encore avoir recours au programme de crédit d’urgence (Emergency Liquidity Assistance
– ELA) mis en place aussi dans le cadre des accords avec la Troïka et
qui permet à la Banque Centrale de Grèce de prêter aux banques
nationales. L’inconvénient pour le gouvernement grec c’est que ces prêts
sont plus chers (des intérêts de 1,55% alors que ceux de la BCE sont de
0,05%) et qu’en même temps ce mécanisme est aussi contrôlé par la BCE.
Une décision politique de la BCE qui comporte des risques
Cette décision de la BCE est clairement un message
politique. C’est un alignement direct sur le positionnement dur de
Berlin face au nouveau gouvernement grec. En effet, on cherche à ce que
celui-ci accepte le cadre du plan de sauvetage et la tutelle de la
Troïka qui impose des mesures d’austérité contre les masses. Cette
technique de pression a déjà été utilisée contre l’Irlande et Chypre
dans le passé récent.
L’objectif principal de cette position dure de la
part de l’Allemagne, c’est d’éviter que d’autres pays endettés ne soient
encouragés à restructurer leur dette à l’image de ce qu’essaye de faire
le nouveau gouvernement grec. Et cela vise principalement des
formations politiques telles que Podemos dans l’Etat Espagnol. C’est
pour cela que parmi les alliés de l’Allemagne on ne trouve pas seulement
des pays dits « du Nord » mais aussi des gouvernements de pays très
endettés comme celui de Mariano Rajoy qui sait très bien que le succès
de Syriza pourrait marquer la fin de son gouvernement lors des élections
de cette année.
Mais cette politique de la BCE comporte des risques. Comme l’affirme Les Echos : « La
mise en quarantaine des banques grecques risque aussi d’interrompre le
mouvement de recentrage qu’avaient commencé à opérer Alexis Tsipras et
son ministre des Finances Varoufakis. "Il est clair que l’Europe fait
pression sur le gouvernement grec pour qu’il négocie avec la troïka et
reprenne le programme d’austérité là où le précédent gouvernement l’a
laissé", notait, jeudi, le journal grec ?« ?To Vima ? » ». La
réalité c’est que la Grèce est bel est bien isolée, mais la manière
forte employée risque de mener tout droit à la confrontation.
A moins que l’Allemagne ne réussisse à faire
capituler sur toute la ligne le gouvernement de Syriza, les risques sont
importants pour elle. D’après des analystes de Stratfor, « l’Allemagne
se trouve face à deux mauvaises options : soit ouvrir la porte à ce que
des pays quittent la zone euro, soit ouvrir la porte à ce que des pays
renégocient leurs dettes ».
En effet, cette pression sur le gouvernement de
Tsipras pourrait pousser la Grèce vers la porte de sortie de la zone
euro car, même si l’on ne peut pas exclure un accord in extremis, pour
Syriza accepter de continuer sous la tutelle de la Troïka pourrait se
révéler politiquement très coûteux. Puis, même si l’on arrive à un
accord, la position actuelle de la BCE pourrait avoir comme conséquence
une accélération de la fuite de capitaux que la Grèce connait depuis
décembre : on estime à 14 milliards d’euros les capitaux ayant été
retirés des banques du pays.
Cette perspective pourrait avoir des conséquences
pour l’ensemble de l’UE et rouvrir une crise de la zone euro, ce qui
n’est pas du tout une bonne nouvelle pour l’Allemagne dont les
exportations dépendent en grande partie de la bonne santé financière et
économique de ses « partenaires » européens.
L’attitude conciliatrice du « gouvernement anti-austérité »
Si, comme on l’a dit plus haut, les premières
déclarations de Tsipras ont été « incendiaires » contre la Troïka,
allant jusqu’à prendre la décision de refuser la dernière tranche du
plan d’aide internationale, ces derniers jours on a pu noter un
changement d’attitude. En effet, en « tournée européenne » avec son
ministre des finances Yanis Varoufakis pour trouver des partenaires et
des soutiens pour sa politique, Alexis Tsipras s’est montré très
conciliateur avec les créanciers du pays.
Très vite la revendication d’une annulation partielle
de la dette grecque a été abandonnée pour ne pas heurter la sensibilité
de l’Allemagne et substituée par une demande de restructuration de
celle-ci. Autrement dit, la Grèce devra rembourser la totalité de sa
dette de plus de 320 milliards d’euros (177% du PIB), ; il n’y aura, en
principe, pas d’effacement même partiel de la dette.
Le gouvernement de Tsipras propose une
restructuration de la dette à travers deux mécanismes : d’une part
l‘indexation du taux d’intérêt à la croissance du PIB d’une partie de la
dette ; et d’autre part la création d’obligations perpétuelles, ce qui
signifie qu’Athènes ne remboursera plus le capital prêté, mais
uniquement les taux d’intérêt sans aucune date d’échéance. Des mesures
qui permettraient au gouvernement grec de gagner du temps mais
aucunement de résoudre les problèmes de fond des travailleurs et des
masses du pays. Ce n’est pas un hasard si les premiers signes des
marchés financiers face à ces propositions ont été bons.
Même si dans les premières heures de cette
« tournée » de Tsipras, certains articles de presse parlaient du
« changement de rapport de force », d’autres du « chantage » de Syriza,
la décision de la BCE a révélé la vraie puissance des impérialistes et
le caractère utopique de la politique de Syriza. En effet, il est tout à
fait illusoire de prôner la « rupture » avec la Troïka tout en
continuant à payer la dette, même avec des nouvelles modalités.
D’ailleurs, alors qu’ils avaient déclaréne pas
reconnaitre la Troïka dans leur « tournée européenne » Tsipras et
Varoufakis ont rencontré, certes séparément, les responsables du FMI, de
la BCE, François Hollande, le ministre des finances allemand, Wolfgang
Schaeuble, le premier ministre italien Mateo Renzi, entre autres. Bref,
la Troïka…
Solidarité internationaliste avec le peuple grec ! Pour l’annulation de la dette !
Face au chantage et aux pressions des impérialistes
pour que le gouvernement grec continue à mener une politique criminelle à
l’égard des classes populaires, nous exprimons toute notre solidarité
internationaliste et affirmons que le peuple grec ne doit rien ! Ce sont
les banquiers et les capitalistes qui se sont enrichis avec leurs
affaires spéculatives sur le dos des travailleurs qui doivent maintenant
payer la crise.
Les Etats européens, la France et l’Allemagne en
tête, ont investi des milliards d’euros dans le fond de « sauvetage » de
la Grèce pour permettre à ce pays de solder sa dette avec les banques
privées européennes. Maintenant que la part de la dette détenue par des
créanciers privés est de moins de 20% de la dette totale, ce sont les
Etats de l’UE qui exigent l’application des mesures d’austérité en
Grèce.
La France détient 40 milliards d’euros de la dette
grecque (qui s’élève à 320 milliards). Il s’agit d’une tache
fondamentale pour le mouvement ouvrier en France de se mobiliser pour
exiger du gouvernement français l’annulation de la partie de la dette
grecque détenue par la France ! Ce serait un pas important vers
l’annulation de l’ensemble de la dette grecque. Les responsables des
soi-disant problèmes financiers de l’Etat français ou d’autres pays
impérialistes ne sont pas les travailleurs et les masses de Grèce, ou
encore les dépenses sociales, mais bien les banquiers et les riches qui
ont été sauvés avec l’argent public. C’est donc à eux d’assumer les
frais de la crise de leur système.
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