Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA
Lundi 15 septembre près de la moitié des vols d’Air
France ont été annulés suite à la grève des pilotes de la compagnie. Les
syndicats s’opposent au plan de l’entreprise qui implique des baisses
de salaires et la dégradation des conditions de travail. Le préavis de
grève court jusqu’au 22 septembre et on estime le taux de participation
entre 60% et 75%.
Il s’agit de la
grève des pilotes Air France la plus importante depuis 1998, pendant la
Coupe du Monde de football organisée en France. On estime que mardi 60%
des vols seront annulés et mercredi il pourrait y avoir une paralysie
totale étant donné que les pilotes non-grévistes seront au repos.
D’autres villes du pays ont été fortement touchées : à Lyon il y a eu
71% de vols annulés ; à Toulouse 80% et à Marseille 60 vols sur 80
programmés ont aussi été annulés. Selon la direction, l’entreprise perd
entre 10 et 15 millions d’euros par jour de grève.
Une grève contre des conditions de travail « low cost »
Dans son plan stratégique « Perform 2020 », la
direction du groupe Air France-KLM prévoit de renforcer la flotte de sa
filiale à bas coût (low cost), Transavia. Celle-ci pourrait reprendre
plusieurs lignes aujourd’hui exploitées par Air France, ce qui
impliquerait un transfert d’activité de cette dernière vers Transavia.
Ainsi, une partie des pilotes d’Air France devra passer à Transavia mais
sous des conditions « adaptées à la réalité du marché low cost ».
Autrement dit, avec des salaires plus bas et des conditions de travail
dégradées. Selon l’entreprise, les pilotes qui passeraient d’Air France à
Transavia le feraient sous la base du « volontariat »… Et on imagine
très bien ce que ça voudrait dire dans la bouche de ces capitalistes :
soit le chômage, soit des conditions dégradées de travail !
Les syndicats de pilotes exigent la mise en place de
la notion de « pilote du groupe » qui regrouperait aussi bien les
pilotes d’Air France que ceux de Transavia qui pilotent des avions de
plus de 110 places sous les mêmes conditions de travail et de salaires.
Mais l’entreprise a refusé d’emblée cette idée : « Si l’on pouvait
faire du low cost avec les règles de fonctionnement d’une compagnie
traditionnelle, cela se saurait ! (…) pas possible d’aller travailler
chez Transavia aux conditions d’Air France sauf à tuer Transavia », déclarait le PDG du groupe Air France-KLM, Alexandre de Juniac.
Les négociations se trouvent dans une impasse et la
perspective d’une grève dure semblerait se confirmer. Les pilotes d’Air
France doivent se battre contre le chantage de la direction qui
conditionne la « survie de l’entreprise » à la précarisation des
salariés. Et c’est une idée qu’aussi bien le patronat que le
gouvernement, aidés par les bureaucraties syndicales, veulent banaliser en France. C’est là que réside un
élément fondamental pour l’ensemble de notre classe dans la grève des
pilotes d’Air France.
Cependant, si les syndicats n’offrent pas d’autres
perspectives qui rompent avec un certain corporatisme qui pourrait
exister chez les pilotes, qui remettent en question la notion même de
« low cost », tout en défendant des billets à des prix abordables pour
les classes populaires, tout en visant à se lier aux travailleurs
d’autres secteurs (bagagistes, stewards, hotesses de l’air, personnel au
sol, entreprises de nettoyage) et d’autres compagnies (notamment ceux
des compagnies low cost qui souffrent des cadences et du temps de vol
rallongé), il est probable que la grève s’essouffle.
Des bureaucrates syndicaux au secours du patronat
« La grève des pilotes d’Air France [est]
‘corporatiste’ et ‘indécente’. (…) Ca fait deux ans que cette compagnie
est en redressement, avec des efforts des uns et des autres, et que là
les pilotes ne veulent pas participer aux efforts ». Non, ce n’est
pas un haut dirigeant d’Air France qui parle, c’est Laurent Berger,
« patron » de la CFDT, syndicat dont le rôle devient de plus en plus
sinistre. Et au cas où on n’avait pas compris, il ajoute : « ce qui est sûr, c’est que là, il y a une grève corporatiste. La CFDT d’Air France ne la soutient pas et est en désaccord ».
Mais la CFDT n’est pas toute seule dans cette
bataille « anti-corporatisme ». Quelques jours avant le début de la
grève, Jean-François Blouzard, président du syndicat des pilotes de
l’aviation civile (Spac) d’une autre filiale low cost d’Air France,
déclarait dans un tract : « Nous vous demandons de briser ce
mouvement de grève à l’appel des syndicats de pilotes d’Air France (…)
Nous vous remercions de répondre à toutes les sollicitations (…) pour
remplacer un vol d’Air France impacté par la grève ». Le prétexte
invoqué est que les revendications des pilotes mettraient en danger les
postes de travail des pilotes des autres filiales low cost d’Air France
comme Hop !
La réalité c’est qu’aussi bien la direction d’Air
France que les bureaucrates syndicaux, voire le gouvernement, craignent
la grève des pilotes. Ils savent très bien que celle-ci pourrait donner
un « mauvais exemple » aux autres catégories du secteur de
l’aéronautique civile et même au-delà.
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