Philippe Alcoy
Source: CCR du NPA
La rentrée a été catastrophique pour Hollande et le
PS : des déclarations décalées de ministres qui touchent directement une
partie importante de son électorat ; les révélations de Valérie
Trierweiler qui ont fait chuter encore plus la popularité du président ;
de nouveaux scandales de corruption au sein du gouvernement…
Parallèlement, la formation d’un nouveau gouvernement de type
social-libéral fin août, qui était sensée mettre fin aux dissensions
internes, n’a fait que les approfondir. Le tout au milieu d’une
situation économique de plus en plus dégradée. C’est dans ce cadre que
Michel Sapin, ministre des finances, a annoncé une révision à la baisse
des prévisions de croissance, ce qui implique en quelque sorte une
« décélération » du rythme de l’austérité. On peut se demander : cela
sera-t-il suffisant pour stopper la crise politique ?
Les tendances de « gauche » et « centre-gauche » au sein du PS se renforcent-elles ?
Depuis plusieurs mois on peut observer une opposition
de plus en plus ouverte au sein du groupe parlementaire du PS. Mais,
comme on disait, cette situation s’est accélérée avec la constitution du
nouveau gouvernement et la mise à l’écart des ministres « critiques »
de l’orientation de Hollande, notamment Arnaud Montebourg et Benoît
Hamon. Ceux-ci, ainsi que les députés « frondeurs », se sont vus
renforcés au fur et à mesure que Hollande et ses alliés
s’affaiblissaient.
Il faudrait ajouter à tout cela le retour désormais
incontestable sur le devant de la scène politico-médiatique d’anciens
« poids lourds » du PS comme Martine Aubry, représentante plutôt de
l’aile « centre-gauche » du PS. En effet, depuis 2012 celle-ci s’est
maintenue en retrait (entre autres pour des affaires judiciaires qui la
touchaient directement). Ce « retour du secteur Aubry » pourrait
constituer en même temps une manœuvre de l’appareil du PS visant à
préparer une sorte d’option de rechange pour Hollande. Cela pourrait lui
permettre d’essayer de tenir au pouvoir jusqu’aux élections
présidentielles de 2017, et ainsi garder un semblant de « normalité »
pour le régime de la Ve République en décomposition.
Des doutes sur le « vote de confiance » au gouvernement
Mardi 16 septembre aura lieu le « vote de confiance »
au gouvernement à l’Assemblée nationale. La crainte de Hollande et de
Valls c’est que les « frondeurs » ressortent trop renforcés. Certains
analystes évoquent même le risque que ceux-ci puissent mettre en échec
le vote, ce qui semblerait peu probable.
Cependant, même si le vote passe à l’Assemblée, si
les abstentions et les voix contre sont suffisamment nombreuses, le
gouvernement pourrait se trouver dans des difficultés pour faire voter
le budget 2015 ainsi que d’autres lois et attaques contre les masses. Il
faudrait rappeler peut-être que tout cela arrive alors que le PS a
encore plus de deux ans pour finir son mandat !
Ainsi, on pourrait interpréter les déclarations de
Michel Sapin comme une tentative de calmer l’opposition interne au PS.
En effet, en annonçant un déficit plus important que prévu (4,4% du PIB
au lieu de 3,8%) et le report à 2017 de l’objectif de 3% de déficit
qu’ils s’étaient donné pour 2015, le gouvernement est en train de
déclarer une « décélération » du rythme de l’austérité. Il s’agit
précisément de ce que l’opposition interne demandait depuis des
semaines, voire des mois. Cependant, il est difficile de prévoir la
façon dont le gouvernement compte faire face au déficit puisque pour le
moment il ne prétend remettre en question aucune des mesures les plus
ouvertement pro-patronat. Quoi qu’il en soit, on commence déjà à
spéculer sur des probables coupes dans le budget de la sante. Autrement
dit, il pourrait s’agir d’une manœuvre du gouvernement pour gagner du
temps et pour essayer de remonter au moins partiellement dans les
sondages et continuer ensuite avec les attaques.
Le gouvernement cherche-t-il à gagner la confiance du parlement en dépit de celle du patronat ?
Celle-ci est l’une des questions qui se pose la
presse du capital financier français face à la crise politique qui
traverse le Hollande et les dernières déclarations du gouvernement. En
effet, refreiner le rythme de l’austérité pourrait avoir comme résultat
revenir sur certaines mesures favorables aux capitalistes, retarder leur
application ou simplement qu’on leur exige quelques contreparties
(création d’emplois, etc.). Mais la bourgeoisie française semble
« allergique » à ce type d’exigences, surtout en temps de crise et parce
qu’elle est en retard sur les réformes structurelles par rapport aux
bourgeoisies européennes concurrentes (notamment l’allemande). La
Commission Européennes a aussi fait savoir son mécontentement vis-à-vis
du gouvernement français.
Cependant, une décélération du rythme de l’austérité
ne veut pas dire l’arrêt des attaques contre les travailleurs et les
couches populaires. Une preuve de cela sont les négociations qui ont
lieu actuellement entre les organisations patronales et les directions
syndicales sur les « seuils sociaux ». ceux-ci touchent directement les
droits syndicaux des salariés que le patronat voudrait voir
« assouplis », « simplifiés », sous prétexte qu’ils seraient une
« entrave pour l’embauche ». Ce sujet pourrait en effet devenir un
déclencheur de luttes ouvrières et sociales.
Des brèches pour la résistance ouvrière
« Le président affirme en effet qu’il serait
contraint de rappeler les Français aux urnes si sa majorité « se
dérobe » au Parlement, ou si la rue se mobilisait massivement contre
l’exécutif : ‘‘Un genre de Mai 68 à rebours…’’ » (Le Monde, 10/9). Cette phrase laisse voir très clairement quelles sont les craintes du gouvernement (et de la bourgeoisie) en ce moment.
En effet, au-delà du fait qu’aucune des tendances du
PS ne représente une alternative progressiste pour les masses opprimées
et exploitées en France, la lutte à l’intérieur du PS de pair avec sa
faiblesse politique, peuvent devenir une opportunité pour les classes
populaires. Face à de nouvelles attaques ou même à la tentative
d’application de lois qui ont déjà été votées, la résistance des
travailleurs et des travailleuses, ainsi que de la jeunesse, pourrait se
révéler beaucoup plus puissante que dans cette dernière période. La
grève de presque 15 jours à la SNCF en juin dernier a sans doute
constitué une anticipation de cela.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire