Nous avons interviewé la musicienne et activiste palestinienne Mariam Afifi, habitante de Jérusalem, qui nous parle de la résistance à Cheikh Jarrah et de la signification de la résistance actuelle.
Révolution Permanente : Lors d’une manifestation à Cheikh Jarrah vous avez subi une agression de la part des forces de sécurité israéliennes. Pouvez-vous nous dire ce qu’il s’est passé et quelle est la situation à Cheikh Jarrah ?
Samedi 8 mai, je manifestais à Sheikh Jarrah. Ce qui se passe à Sheikh Jarrah, c’est que les Palestiniens qui y vivent subissent un nettoyage ethnique. Le tribunal israélien et les forces israéliennes ont décidé de déplacer les Palestiniens vivant à Sheikh Jarrah et de faire venir des colons israéliens - dont la plupart viennent d’Europe, et surtout des États-Unis - pour « remplacer » les Palestiniens.
Nous manifestons donc à Sheikh Jarrah depuis plus d’un mois maintenant, et depuis deux semaines, les forces israéliennes ont fermé Sheikh Jarrah, elles en ont fait une zone militaire. À l’entrée de Sheikh Jarrah, ils ont mis une base militaire, pour ne pas laisser entrer les manifestants. Donc depuis deux semaines, nous manifestons à l’entrée de Sheikh Jarrah. Nous sommes des manifestants pacifiques d’Israël et du monde entier, nous protestons contre le nettoyage ethnique qui a lieu à Sheikh Jarrah. Mais les forces israéliennes nous traitent de manière très agressive et brutale. Elles nous tirent dessus avec des balles en caoutchouc, nous lancent des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes.
En fait, ceux qui sont autorisés à entrer dans le quartier de Sheikh Jarrah sont uniquement les résidents, donc ceux qui vivent à l’intérieur de Sheikh Jarrah. Samedi 8 mai, ce qui s’est passé, c’est qu’une mère et son fils de 16 ans, qui vivent dans le quartier de Sheikh Jarrah, ont essayé d’entrer dans le quartier. Mais les soldats ont repoussé la mère et arrêté le garçon. Une fille, manifestante activiste, qui essayait de défendre la mère, a été poussée par les soldats israéliens. Elle est tombée au sol, s’y est évanouie. Alors j’ai essayé de traverser la rue - j’étais du côté opposé - et ai essayé d’aller aider la fille, à la soulever du sol. Mais un soldat « s’occupait » de moi, la première chose qu’il a faite a été de me pousser, et il a commencé à me crier dessus et à me dire « bouge d’ici, va-t-en », alors je lui ai dit « Vous, sortez d’ici, je dois aider la fille ». J’ai essayé de partir, j’ai essayé de m’occuper de [la] tête [de la fille], de partir de ses pieds pour m’éloigner du soldat. Mais alors que j’essayais de l’aider à se relever, j’ai soudainement senti que le même soldat me frappait par derrière. Il a tiré non seulement le hidjab mais aussi mes cheveux, à partir des racines sous le hijab, et il a commencé à me traîner dans la rue.
Les rues étaient pleines de skunk,
parce qu’ils en utilisent sur nous. Le sol était donc plein de skunk,
j’étais traînée sur le sol, il me frappait tout en me traînant, j’ai
perdu ma chaussure droite en étant traînée. Il a tapé sur mon pied
droit. C’était il y a 10 jours, jusqu’à aujourd’hui j’ai des bleus sur
mon pied droit, il est blessé. Donc il m’a traîné, m’a emmenée, et m’a
mise au milieu de la base militaire. C’est à l’entrée de Sheikh Jarrah
(entre le quartier de Sheikh Jarrah et l’endroit où nous manifestons, il
y a [la] base militaire).
Il m’a mise là et a commencé à me crier au visage. Il était tellement
content qu’il m’a arrêté et, sans mon consentement, a mis sa main autour
de mon épaule et a pris un selfie avec moi. Il a pris une photo sans
mon consentement avec son propre téléphone. Imaginez un soldat utilisant
son propre téléphone, avec une victime, prenant une photo [avec elle]
sans [son] consentement.
Un officier de police m’a alors vu interagir avec les médias, alors il m’a pris et m’a mise dans un endroit plus caché, derrière le tribunal de police. Mes jambes et mes mains étaient liées. Puis ils m’ont emmené au poste d’arrestation de police. J’ai été emprisonnée à partir de cette nuit-là. Selon la loi israélienne, toute personne arrêtée doit passer devant un tribunal le lendemain matin. Mon procès aurait dû avoir lieu à 9 heures le matin, mais la police israélienne a refusé de le faire et a voulu le reporter au mercredi, soit cinq jours après mon arrestation (même si cela n’est pas conforme à la loi israélienne).
Avec la couverture médiatique que j’ai eue - je ne savais pas que j’avais cette couverture médiatique, une couverture locale et internationale - il y avait vraiment énormément d’avocats internationaux qui appelaient et parlaient de mon problème. Cela a aidé mon avocat à faire en sorte que mon procès ait lieu à 16 heures le dimanche et non le mercredi. Je pense que je ne suis pas unique, je ne suis pas un héros ou quoi que ce soit. J’ai eu beaucoup de chance que mon arrestation soit couverte par les médias et devienne virale sur les réseaux sociaux. Si je n’avais pas eu la chance que mon arrestation devienne virale sur les réseaux sociaux, je pense que je serais encore emprisonnée, car ils avaient 8 accusations contre moi. Mais ils n’ont rien pu prouver.
J’ai été arrêtée avec 8 autres personnes le même jour. Un avait 16 ans, un autre 14 ans et encore un autre 11 ans. Celui qui avait 11 ans, était à vélo et il allait voir son frère. Il avait décidé de prendre le chemin le plus facile, et le chemin le plus facile était de passer par les soldats israéliens, qui l’ont attrapé. Ils lui ont donné des coups de pied, sa poitrine était pleine de bleus et de blessures et ils l’ont amené au centre d’interrogation, à la prison. C’était si triste pour moi de voir un jeune enfant, de 11 ans, être traité aussi mal. C’est vraiment triste. Et il ne s’inquiétait pas d’être arrêté. La seule chose dont il parlait et à laquelle il portait de l’attention c’était son vélo. Et il n’arrêtait pas de dire : « Oh, j’ai perdu mon vélo, où est mon vélo, ils l’ont abîmé ! ». Donc, comme je l’ai dit, la seule chose pour laquelle j’ai eu de la chance, c’est la couverture médiatique. Mais les histoires des autres personnes qui ont été arrêtées avec moi sont vraiment pires. Vous savez, je ne suis rien comparée à eux.
Révolution Permanente : Dans les pays occidentaux et dans les médias on dépeint Israël souvent comme « la seule démocratie du Moyen-Orient », comme un pays amical à l’égard de la communauté LGBT, aux femmes. Or, les images de votre arrestation montrent des soldats hommes en train de frapper des femmes. Que pouvez-vous dire sur cette image « démocratique », « gay friendly » et « féministe » d’Israël à l’internationale ?
Fondamentalement, vous n’êtes pas démocratique lorsque vous choisissez quels droits de l’homme sont les plus importants. Si vous pensez que le féminisme est plus important que la cause palestinienne, alors vous n’êtes pas démocratique. Si vous pensez que la cause LGBT est plus importante que la cause palestinienne, alors vous n’êtes pas démocratique. Je pense qu’utiliser le prétexte « nous soutenons la communauté LGBT, nous soutenons le féminisme » est totalement faux parce qu’Israël n’est pas un pays féministe. C’est une propagande qu’Israël utilise pour attirer l’attention. C’est faire du pinkwashing avec l’esprit des gens, faire du pinkwashing avec ce concept de « quelle est la chose dont les gens se soucient le plus aujourd’hui ? Les droits LGBT et la cause LGBT, eh bien utilisons-le pour dire que nous sommes le seul pays démocratique du Moyen-Orient ». Ok, si vous vous souciez des droits de la communauté LGBT, pourquoi traitez-vous la communauté LGBT palestinienne aussi mal que vous traitez les anciens Palestiniens ? N’êtes-vous pas un pays qui soutient la communauté LGBT ? Alors que vous traitez la communauté LGBT palestinienne comme les autres Palestiniens.
Dans le monde, les droits de l’homme ne sont pas divisés. Les droits de l’homme devraient être égaux pour chaque être humain dans le monde et les droits de l’homme palestiniens sont aussi importants que les droits LGBT, que les droits féministes. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut choisir, on ne peut pas être un pays démocratique quand on est un colonisateur, un oppresseur, un occupant. De quelle démocratie parlez-vous ? Lorsque vous traitez les citoyens israéliens en fonction de leur religion - s’ils sont juifs, ils sont de première classe, s’ils sont arabes, chrétiens, musulmans, ils sont des citoyens de seconde classe - quelle démocratie est-ce là ? Quelle démocratie est-ce pour que, étant Palestinienne de Jérusalem - ma famille est originaire de Jérusalem - je ne puisse pas avoir la citoyenneté ni rester à Jérusalem ? La carte d’identité que je possède indique que je ne suis pas une citoyenne mais une résidente permanente. Parce que je suis palestinienne, ma carte d’identité a une date limite. Si tous les cinq ans, je ne fournis pas de papiers, je serais expulsée de Jérusalem. Quelle démocratie est-ce là ? Si un type qui vient de Mars ou de Jupiter fournit des papiers attestant que son grand-père ou son arrière-arrière-grand-mère est juif, ils lui donneront un passeport, ils lui donneront la citoyenneté israélienne. C’est cela la démocratie ?
Est-ce que c’est démocratique d’être le seul pays au monde basé sur la religion ? Si vous venez en Israël et que vous dites « Je suis juif » ou « Mon arrière-arrière-grand-père était juif, donnez-moi un passeport israélien », vous obtiendrez un passeport israélien. C’est le seul État, le seul pays au monde qui est basé sur la religion, qui traite ses citoyens selon la religion. Alors oui, c’est quoi cette démocratie ?
Révolution Permanente : nous avons vu ces derniers jours des mobilisations des Palestiniens d’Israël. Comment sont les rapports entre Palestiniens d’Israël et la population Juive ?
Nous, les Palestiniens, surtout de Jérusalem et de ce qu’on appelle Israël, sommes confrontés à une situation vraiment particulière. Les colons israéliens parcourent les rues de Haïfa, de Jérusalem, de Lod, de Jaffa, d’Akka, en criant « Mort aux Arabes, mort aux Arabes » en attaquant chaque personne arabe ou palestinienne qu’ils rencontrent. Avant, nous n’étions attaqués que par des soldats. Mais maintenant, nous avons même peur des locaux, parce dernièrement tous les Palestiniens qui ont été tués en Israël l’ont été par des colons israéliens et non par des soldats, et c’est très effrayant. C’est plus effrayant pour nous que d’être tués par des soldats parce qu’on s’attend à ce qu’un soldat tue, mais on ne s’attend pas à ce qu’un local, une personne, tue. On ne s’attend pas à ce qu’une personne soit armée.
Avant nous pensions que les colons errant dans ces villes agissaient de manière indépendante ; maintenant nous savons que le gouvernement israélien et les forces israéliennes utilisent ces colons comme un de leurs moyens d’opprimer et de tuer les Palestiniens. À Lod, les colons et les soldats marchaient ensemble, littéralement ensemble. À Jaffa, à Jérusalem et dans d’autres villes, la police et les soldats protégeaient les colons. Je prie Dieu chaque nuit pour qu’ils ne viennent pas dans notre quartier. Parce que chaque nuit, les colons errent dans les rues en essayant d’attaquer les maisons arabes, les maisons et magasins palestiniens. Ça s’est produit pendant une semaine, et la police était là, protégeant les colons. Je pense que la situation dans laquelle nous nous trouvons est vraiment effrayante. Cette fois, Israël utilise ses habitants, et non pas ses soldats ou son armée. C’est oppression, occupation, meurtre de Palestiniens.
Révolution Permanente : mais les Palestiniens ne restent pas passifs…
C’est le seul choix que nous ayons. Parce que vous savez, si quelqu’un vient chez-vous et vous dit « sortez de chez-vous », ne résisteriez-vous pas ? Bien sûr que vous résisteriez. L’acte normal, le plus basique, est de résister et de dire « Non, sortez de chez moi ». C’est le seul choix possible, vous n’en avez pas d’autre. Quel autre choix pouvons-nous avoir, dites-moi ?
Depuis 1948, lorsqu’Israël a été créé, la première tactique qu’Israël a utilisée a été de diviser les Palestiniens afin de gouverner, afin de nous affaiblir. Nous, en tant que Palestiniens aujourd’hui dans la Palestine historique, sommes tellement divisés, tellement divisés dans les réalités, tellement divisés dans la vie quotidienne, tellement divisés dans tant de choses. Ils nous ont divisés des gens de Gaza, qui ont leurs propres réalités, de ceux de Jérusalem, qui ont leurs propres réalités, de ceux de ce qu’ils appellent Israël, qui ont leurs propres réalités, de ceux de la Cisjordanie, qui ont leurs propres réalités. Nous sommes tellement divisés.
Mais de 1948 à aujourd’hui, nous trouvons une union parmi le peuple palestinien d’une manière que nous n’aurions jamais pensé qu’elle aurait pu se produire, d’une manière qui est vraiment unique. C’est la première fois que nous trouvons cette union, que nous sentons que les Palestiniens sont unis, et pas seulement les Palestiniens : je dis toujours que notre cause, en tant que Palestiniens, n’est pas une cause palestinienne. Notre cause est celle des droits de l’homme. Ce n’est pas une cause arabe, ce n’est pas une cause islamique, c’est une cause des droits de l’homme.
En tant que Palestiniens, nous ne sommes pas unis isolement, [d’autres personnes] sont également unis avec nous. De nombreuses personnes dans le monde ont commencé à voir qu’Israël est une colonie. C’est un État colonial. Ils ont commencé à s’en rendre compte. Ils ont commencé à voir l’oppression à travers nos yeux, à travers nos producteurs, de nos vidéastes. Nous prenons nos histoires, nous les partageons. C’est pourquoi nos voix et nos messages atteignent aujourd’hui davantage de personnes dans le monde. Et cela nous a permis d’unir de nombreuses personnes à travers le monde dans ce combat pour la liberté.
Beaucoup de gens dans le monde ont été colonisés. Ils portent le sentiment de la colonisation au plus profond de leur cœur. Ils le portent, ce sentiment de colonisation. C’est pourquoi, même s’ils n’ont pas été colonisés, ils savent et ressentent que ce qui se passe en Palestine est la colonisation.
C’est pourquoi la grève de demain [de mardi 18 mai] s’appelle « Du fleuve à la mer », parce que c’est la première fois que des Palestiniens et des non-Palestiniens sont unis au nom de cette cause. Nous avons mis de côté nos différences dans la vie de tous les jours et nous nous sommes unis pour cette cause parce que nous savions que beaucoup de Palestiniens vivant sous l’autorité israélienne penseraient « Ok, nous avons quelques droits mais ceux de Cisjordanie ? ». Mais après ce qu’il s’est passé la semaine dernière, ils savaient que la réalité est qu’ils sont des citoyens de seconde classe, qu’ils ne seront jamais sur un pied d’égalité avec les Israéliens juifs parce que c’est un pays raciste qui construit son récit sur le racisme et la religion. Cette grève montre l’union et l’unification de notre peuple.
Révolution Permanente : justement, comment s’organise la grève ?
La grève a été organisée via les plateformes et les réseaux sociaux. Nous n’avons pas de représentants des Palestiniens, c’est ce qu’ils voulaient. Si nous avions de vrais représentants Palestiniens, ils seraient soit assassinés par Israël, soit emprisonnés. Si nous avions des représentants, ils voudraient être en vie et ils voudraient être libres, mais ils seraient emprisonnés. Tout ce qui se passe aujourd’hui est fait de façon individuelle, nous nous unissons en tant qu’individus sur les réseaux sociaux. Et vous savez beaucoup sous-estiment les médias sociaux. Si ma vidéo n’était pas devenue virale sur les réseaux sociaux, je serais toujours emprisonnée aujourd’hui. Si les réseaux sociaux n’étaient pas si puissants, Instagram, Facebook et Twitter ne supprimeraient pas nos posts et nos hashtags. Le ministre de la Défense israélien, Gantz, a participé à une réunion avec les responsables de ces plateformes de médias sociaux. Il a réalisé, ainsi que le gouvernement israélien, à quel point les réseaux sociaux deviennent dangereux, [alors que] la propagande et les informations israéliennes sont [extrêmement] puissantes dans le monde. C’est la première fois dans l’histoire que nous, Palestiniens, pouvons élever notre voix et la diffuser dans le monde. Ils ont essayé de nous faire taire, ils nous ont fait taire pendant 73 ans. Pendant 73 ans, nos voix ont été réduites au silence, mises dans une boîte et repoussées. Mais aujourd’hui, pour la première fois, ils ne peuvent pas nous faire taire. C’est pour ça que c’est dangereux [pour eux].
Révolution Permanente : Israël craint cette unité et la diffusion de la réalité de ce qu’il se passe en Palestine ?
Oui, l’État d’Israël est [aujourd’hui] dans un état de faiblesse. Israël a perduré pendant 73 ans sur la propagande et les informations du type : « Nous sommes le seul pays démocratique du Moyen-Orient ». Il a perduré par cela. Cette propagande a été si puissante pour maintenir Israël en vie jusqu’à aujourd’hui. C’est pourquoi la situation est « dangereuse » pour eux, même s’il est le seul pays a posséder la bombe nucléaire de la région, et qu’il est le plus puissant militairement dans la région. Mais comme je l’ai dit, les réseaux sociaux sont une arme puissante.
Mais cela ne signifie pas que nous sommes en sécurité. Nous ne sommes pas en sécurité. Cela ne veut pas dire que ce qui se passe à Gaza est acceptable. Ce qui se passe à Gaza est déchirant, c’est quelque chose qu’aucun mot ne peut décrire. Gaza assiégée depuis 50 ans. Les habitants de Gaza ont vécu et sont morts sous ce siège. Nous ne pouvons pas entrer dans Gaza, même si c’est à une heure de chez nous. Les photos et les vidéos qui nous parviennent de Gaza nous tuent de l’intérieur. Elles sont si tristes… Je viens de voir la vidéo d’un petit enfant de trois ans qui est choqué, vraiment choqué. [Il y aussi] l’histoire d’un adolescent hier, 14 ans, qui s’est suicidé parce que toute sa famille est morte dans cette guerre. Notre chemin est encore long mais je pense que nous sommes sur le bon chemin maintenant.
Révolution Permanente : que pouvez-vous dire sur l’attitude des puissances étrangères vis-à-vis de la Palestine ?
Je pense que la résistance est notre seul choix pour obtenir la liberté. Nous ne connaissons pas la liberté, la plupart des Palestiniens ne la connaissent pas mais savent ce qu’elle signifie. Notre principal objectif est la liberté. La liberté devrait être la question et devrait être la réponse. De 1994 à aujourd’hui, ils font de la manipulation avec le mot « paix ». Ils utilisaient le mot « paix » surtout dans les organisations, [notamment] européennes. Ils venaient voir les Palestiniens et leur demandaient : « Mais pourquoi ne faites-vous pas la paix avec Israël ? ». Mais ce n’est pas à nous de demander ça. Comment pouvez-vous faire la paix quand vous êtes opprimés, quand vous êtes occupés, quand vous n’avez pas de liberté ? Nous ne sommes pas libres de faire la paix. Commençons par cela.
Beaucoup d’organisations nous blâment, même les organisations israéliennes, américaines, européennes, elles nous blâment pour la paix ici. Je suis désolée mais je pense que le mot « paix » est devenu vraiment dégoûtant, sa manipulation. Parce que ce n’est pas une question de paix, ce n’est pas une question d’égalité, c’est une question de liberté. Vous ne pouvez pas demander à quelqu’un qui est opprimé « Pourquoi ne pas faire la paix avec votre oppresseur ? ». C’est quoi ce bordel. Dans les rues - je proteste depuis un mois maintenant - c’est devenu violent, ils ont commencé à nous tirer dessus depuis peut-être 3 ou 4 semaines maintenant. Et c’est dangereux, je ne dis pas que ça ne l’est pas. C’est vraiment dangereux, à chaque fois que j’étais là, j’étais en danger, les gens nous cachaient dans leurs maisons pour ne pas nous faire tirer dessus, pour ne pas être blessés, pour ne pas être tués, pour ne pas être arrêtés. De nombreux Palestiniens de Jérusalem ont perdu leurs yeux à cause des balles recouvertes de caoutchouc au cours du mois dernier. Je pense que 15 personnes ont perdu leurs yeux, ou au moins un œil. Mais oui, je leur [aux Palestiens] dis toujours que si nous ne protestons pas, si nous le faisons pour que les autres aussi protestent, qu’ils descendent dans la rue, qui le ferait ? Tout le monde aurait peur, tout le monde a des enfants, tout le monde a une famille, et moi aussi.
En tant que Palestinienne, je ne m’attends pas à ce que la plupart des pays et des gouvernements soutiennent notre cause, parce que la plupart des pays sont intrinsèquement coloniaux comme Israël. Donc s’ils veulent remettre en question Israël, ils devraient remettre en question leur propre existence, leurs propres racines et leur propre histoire. Nous ne nous attendons pas à ce que la plupart des gouvernements nous soutiennent, je ne m’y attends pas parce qu’ils ont d’abord été eux-mêmes colonisateurs. C’est pourquoi nous voulons que nos voix atteignent les peuples libres du monde entier, par tous les moyens possibles. Nos cris sont dirigés vers les gens libres du monde entier.
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