Le
milliardaire et ex maire de New York et la sénatrice ratent leur pari
et décident de se retirer. Bloomberg soutient ouvertement Biden, Warren
annonce ne pas vouloir se prononcer pour l’instant. Joe Biden reste le
principal candidat à l’investiture démocrate.
Alors que l’ex vice-président de Barak Obama, Joe Biden, et
actuel favori de l’establishment démocrate et des milieux d’affaires
proches est sorti grand vainqueur du « super mardi »,
le milliardaire Michael Bloomberg annonçait son retrait de la lutte
pour l’investiture démocrate et son soutien à Biden. Cela a constitué
une bonne nouvelle pour Biden qui voyait disparaître son dernier rival
modéré, dont l’électorat lui était favorable. 24h plus tard, cela a été
le tour de la sénatrice du Massachusetts, Elizabeth Warren, d’annoncer
son retrait. Bien que celle-ci ne se soit pas encore prononcée sur qui
elle soutiendra, tout semble indiquer qu’une partie importante de son
électorat pourrait se tourner vers Sanders. Ainsi, la course à
l’investiture démocrate devient un duel tête-à-tête entre Biden et
Sanders.
Une réussite de l’establishment
En effet, l’establishment démocrate se trouvait dans une situation de profonde division avec nuée de candidats dits « modérés »
face à un Bernie Sanders qui menaçait de devenir inarrêtable. Mike
Bloomberg, milliardaire et ancien maire de New York, est entré dans la
course à l’investiture démocrate en novembre dernier, en dépensant la
modique somme de 500 millions de dollars, et en prétendant disputer
précisément cette place de « favori de l’establishment » à un
Biden très mal en point. La pression de l’establishment sur les autres
candidats modérés les a poussés à se désister avant le « super mardi ». Les seuls restés en lice à côté de Sanders et Biden étaient Bloomberg et Warren.
Les dépenses scandaleuses du milliardaire n’ont pas été suffisantes
pour le propulser comme principal candidat démocrate, et sa campagne a
très rapidement tourné à l’échec, ne réussissant à s’imposer dans aucun
État. « Il y a trois mois, je me suis lancé dans la course à la
présidence pour vaincre Donald Trump. Aujourd’hui, je quitte la course
pour la même raison : vaincre Donald Trump - car il est clair pour moi
que rester dans la course rendrait la réalisation de cet objectif plus
difficile (…) J’ai toujours pensé que pour vaincre Donald Trump, il
fallait d’abord s’unir derrière le candidat le plus apte à le faire.
Après le vote d’hier, il est clair que le candidat est mon ami et un
grand Américain, Joe Biden » ; c’est avec ces mots qu’il a reconnu sa déroute et apporté son soutien à Biden.
Le lendemain, c’est au tour d’Elizabeth Warren de jeter l’éponge,
bien que l’establishment aurait sans doute préféré que celle-ci reste en
lice, étant donné qu’elle dispute essentiellement le même secteur de
l’électorat que Sanders. En effet, Warren, bien qu’à la gauche de
celui-ci, fait partie de l’establishment. En 2016, elle avait soutenu
Hillary Clinton contre Sanders ; mais lors de cette campagne, elle avait
adopté certains points programmatiques communs à Sanders, comme la
gratuité des soins pour tous. Beaucoup voyaient dans la candidature de
Warren une façon de diviser l’électorat potentiellement pro-Sanders.
Mais la réalité, c’est que sa base sociale est beaucoup plus hétérogène
que cela.
En termes de délégués, qui désignent en fin de comptes le candidat,
pour le moment, Biden en obtient 453 et Sanders 382. Mais quoi qu’il en
soit, la plus grande victoire pour l’establishment a été de réussir à
concentrer toutes les voix potentielles derrière une seule candidature,
ce qui devenait urgent notamment après les premiers succès de Sanders.
Le désistement de Bloomberg en faveur de Biden va sans doute lui
apporter un soutien financier supplémentaire, incomparablement supérieur
aux relativement maigres moyens économiques dont dispose la campagne de
Sanders, basée essentiellement sur les dons de ses sympathisants.
Sanders ne parvient pas à convaincre les Afro-américains
Nonobstant, la poussée de Biden de cette semaine n’est pas seulement
due aux manœuvres de l’establishment, même si cela a été déterminant. Il
y a un autre facteur important : Sanders n’a pas réussi à attirer le
vote des Afro-américains, ni à massivement mobiliser les nouveaux
électeurs et la jeunesse.
Concernant le vote de la population noire des États du Sud en faveur
de Biden, certains voudraient y voir une forme de « résilience » du
centre politique, voire démontrer que les secteurs les plus opprimés de
la société ne veulent pas toujours des « changements radicaux ». « Maintenant
que les électeurs noirs et ruraux ont contribué à sauver la peau de
M. Biden, j’espère que nous pourrons nous débarrasser de l’idée que la
modération est uniquement un goût d’élite », écrit un éditorialiste du Financial Times.
Cependant, ce vote est loin d’être un vote d’adhésion profonde au
programme de Biden. Il s’agit plutôt d’un soutien pragmatique, car ce
dernier est perçu comme celui qui peut rassembler le plus d’opposants
face à Trump. En effet, pour beaucoup, le principal critère pour choisir
leur candidat est cette supposée capacité à vaincre Trump.
Biden bénéficie également de ce que certains appellent « l’effet Obama ».
Beaucoup d’électeurs, notamment parmi les Afro-américains, voient dans
la figure de Joe Biden un retour aux années Obama qui, comparées à
celles de Trump, apparaissent presque comme un « âge d’or ». « Selon
les sondages à la sortie des bureaux de vote, les électeurs des
primaires des Démocrates du Sud ont clairement exprimé leur préférence
pour un retour aux politiques de l’ère Barack Obama. Seuls deux États du
Nord-Est - le Vermont, l’État d’origine de Sanders, et le Maine voisin -
ont exprimé une forte préférence pour des politiques plus progressistes
que celles d’Obama. Dans les autres États où la question a été posée,
il y a eu une répartition à peu près égale entre les électeurs qui
voulaient des politiques de l’ère Obama et ceux qui voulaient des
politiques plus progressistes », remarquait un éditeur dans le New York Times.
Rompre avec l’establishment et les institutions impérialistes
Bien que mieux positionné, Biden n’a pas encore gagné, et la course
est loin d’être finie. En ce sens, l’establishment est en train de tout
faire pour empêcher une nomination de Sanders, ce qui serait
catastrophique de leur point de vue. Comme l’écrivent nos camarades
nord-américains de Left Voice qui fait partie du même réseaux international que Révolution Permanente : « cette
organisation autour de Biden est particulièrement flagrante étant donné
qu’il est un si mauvais candidat face à Trump. Biden a un dossier pour
le moins problématique et est souvent incapable de faire un discours
cohérent (y compris la nuit du Super Mardi, où il a confondu sa femme et
sa sœur, semblait oublier les noms des États et promettait de guérir le
cancer). Il représente aussi la même aile et essentiellement la même
stratégie qu’Hillary Clinton en 2016, une stratégie qui n’a notamment
pas réussi à empêcher Trump de gagner l’élection. En outre, comme si
tout cela ne suffisait pas, il est actuellement impliqué dans un
scandale de corruption qui concerne le comportement de son fils
lorsqu’il était vice-président - un scandale que Trump exploitera
certainement tout au long des élections présidentielles. Cela signifie
que la direction du Parti démocrate préfère s’aligner sur un moins bon
candidat - du point de vue de l’éligibilité - plutôt que de permettre à
Sanders de remporter l’investiture. Ils affirment, presque
explicitement, qu’il s’agit toujours de leur parti, et ils préfèrent
risquer de perdre contre Trump avec Biden plutôt que d’avoir un
président qui promet la gratuité des soins pour tous ».
Cependant, tout cela ne peut pas nous faire oublier les faiblesses et
les contradictions mêmes de la stratégie de Sanders. Le fait de ne pas
avoir pu mobiliser les nouveaux électeurs et notamment les jeunes est
une faiblesse propre. Mais la plus importante faiblesse et contradiction
de Sanders, c’est sa participation même à la primaire d’un parti
profondément bourgeois, impérialiste et réactionnaire ; en acceptant ce
cadre, toute sa politique est conditionnée au bon-vouloir des vrais
« propriétaires » du parti : l’establishment et les grands capitalistes
« démocrates ». Et cela, même en cas de victoire à la primaire.
Sanders n’est clairement pas un socialiste ni un anticapitaliste. Il
se réfère à la social-démocratie ; il reste en outre fidèle à un parti
bourgeois-impérialiste comme le Parti Démocrate. Les réformes qu’il
promet de mettre en place, et qui constitueraient un acquis pour des
millions de travailleurs et de pauvres à travers le pays, comme la
gratuité intégrale des soins, ne pourront être obtenues dans ce cadre.
Cependant, si Sanders et ses partenaires appellaient leurs partisans à
se mobiliser dans les rues, à travers la mobilisation et la grève, ils
seraient à même d’obtenir la gratuité d’un service aussi essentiel que
la santé. Une telle mobilisation pourrait être le premier pas pour la
construction d’un parti défendant les intérêts des travailleurs et des
opprimés, indépendant de la bourgeoisie et du Parti Démocrate, vraiment
socialiste, anticapitaliste et révolutionnaire, ce dont les masses
exploitées ont besoin. Mais pour cela, il est nécessaire de rompre avec
la stratégie défendue par Sanders aujourd’hui.
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