Joe
Biden a gagné 9 des 14 Etats en jeu lors de ce « super mardi » dans la
primaire démocrate. Le vote des Afro-américains a été déterminant. Une
première analyse après cette offensive de l'establishment contre
Sanders.
L’establishment politique et économique sort clairement
vainqueur de ce « Super Mardi » avec une performance électorale qui
ressuscite la campagne de l’ex-vice-président Joe Biden, qui était
jusque là très médiocre. Il gagne 9 des 14 Etats en jeu. Les marchés
sont rassurés même s’ils savent que ce n’est pas fini.
Une démonstration claire du caractère complètement antidémocratique
du fonctionnement de cette grande organisation impérialiste qu’est le
Parti Démocrate, où il ne suffit pas d’obtenir la majorité de voix pour
gagner la primaire, puisqu’il faut encore réussir à avoir la majorité de
délégués, qui ont le dernier mot et peuvent se retourner à tout moment,
issus des élections dans chaque Etat. Les primaires démocrates
constituent ainsi une réplique en miniature du système électoral
états-unien et démontrent à quel point la « grande démocratie mondiale »
a mis en place l’un des systèmes électoraux les plus antidémocratiques
des pays impérialistes.
Le résultat de Biden est directement lié à une manœuvre de
l’establishment pour contrer la montée de Bernie Sanders, candidat
autoproclamé « socialiste démocratique ». En effet, ces derniers jours,
des candidats dits « modérés » comme Pete Buttigieg et Amy Klobucharn
aux maigres résultats se sont retirés afin de concentrer les voix de
l’establishment derrière un seul candidat. Il s’agit d’une sorte de
« coup » à l’intérieur du parti pour empêcher que Bernie Sanders ne
devienne le prochain candidat démocrate - même si cette possibilité
reste de toute façon difficilement probable à cause du caractère
antidémocratique du fonctionnement interne du parti. On doit ajouter à
cela l’échec de la candidature du milliardaire Michael Bloomberg qui
pourrait se retirer et ainsi favoriser la campagne de Biden, sans
compter que ses délégués, lors de la convention qui désignera le
candidat démocrate, apporteraient leur soutien à Biden. Quant à
Elizabeth Warren, le maintien de sa candidature représente, en principe,
un obstacle pour Sanders.
Cependant, malgré ces manœuvres Sanders a toujours des chances de
l’emporter : il a gagné l’Etat de Californie, le « gros lot » de ce
Super Mardi avec 415 délégués en jeu. Cela montre que la crise du Parti
Démocrate reste plus qu’ouverte et exprime à sa manière la polarisation
sociale et politique que traversent les Etats Unis.
Le vote de la population afro-américaine mérite des explications
spécifiques. Celle-ci s’est tournée « massivement » en faveur de Biden
qui est perçu pour une grande partie de cette frange de la population
comme le plus à même de battre Trump. Guidés plutôt par une logique
pragmatique que par une sympathie profonde envers Biden, les
afro-américains ont exprimé leur méfiance à l’égard de Sanders qui
n’apparait pas à leurs yeux comme capable de rassembler suffisamment
d’électeurs - notamment les secteurs les plus « modérés » - pour battre
l’actuel président. Il s’agit d’une logique politique dont l’objectif
principal se limite à remplacer Trump. Or, son défaut réside dans le
fait que, même si le président actuel est néfaste, il ne faut pas
oublier que sous la présidence de Barak Obama, dont Biden a été le
vice-président pendant 8 ans, les assassinats de Noirs ont continué, les
politiques contre les travailleurs et les classes populaires, dont les
Noirs sont une partie très importante, n’ont pas cessé et même les
quelques promesses comme la santé gratuite pour tout le monde n’ont pas
été adoptées.
Mais Sanders est aussi responsable de cette situation car lui-même se
présente comme le seul capable de battre Trump ; alimentant ainsi cette
logique du « moindre mal » et en faisant un « argument » de campagne.
Il est ainsi logique que certains électeurs et électrices voulant avant
tout faire partir Trump se tournent vers des candidats qui leur semblent
plus capables d’atteindre cet objectif. Le marketing de campagne de
Biden a compris cela et tente de le présenter comme un « rassembleur »
de tous les secteurs démocrates : les plus modérés, l’establishment, le
grand capital et finalement les plus « radicaux », étant donné que
Sanders appellera sans aucun doute à le soutenir face à Trump en cas de
défaite, comme il l’a déjà fait avec Hillary Clinton en 2016. Sanders
est ainsi devenu victime de sa propre logique « possibiliste » et de son
respect du cadre antidémocratique du régime politique nord-américain.
Tout cela montre que tenter de réformer depuis l’intérieur le Parti
Démocrate, l’un des partis impérialistes les plus importants au monde,
relève au mieux d’une illusion, au pire d’une tromperie pour des
millions de travailleurs et de jeunes qui veulent un changement radical
par rapport à la « vieille politique » pour les riches. Or, cette
stratégie de Sanders correspond à ses conceptions politiques profondes.
Le candidat s’affirme en effet « socialiste démocratique », par
opposition aux « révolutionnaires », et prétend réformer le capitalisme,
gérer de façon « plus juste » les Etats Unis, ni plus ni moins que la
principale puissance impérialiste. Son « modèle » ? La social-démocratie
scandinave. Ainsi, le « socialiste », s’oppose aux expropriations des
capitalistes et se contente de défendre quelques mesures comme la
gratuité de la santé pour tout le monde, des taxes sur le capital
financier et quelques mesures écologiques. Comme dit Paul Krugman, prix
Nobel d’économie qui n’est nullement hostile à Sanders, l’un des
problèmes de celui-ci pour capter un électorat plus large c’est qu’il se
prétend socialiste alors qu’il ne l’est pas vraiment... ce que Krugman,
qui souhaiterait précisément que Sanders abandonner cette rhétorique
« socialiste », regrette.
Dès lors, dans ce grand pays impérialiste où le régime est totalement
antidémocratique, où les campagnes électorales impliquent de dépenser
des millions et des millions de dollars pour être audible à une échelle
de masses, les travailleurs n’ont ni un candidat et encore moins un
parti qui défendent leurs intérêts. Et cela à une échelle national comme
internationale, car dans la puissance impérialiste la plus importante
au monde un parti représentant les intérêts de la classe ouvrière et des
opprimés ne peut être que profondément internationaliste et
anti-impérialiste. En ce sens, l’énergie et l’enthousiasme de millions
de travailleurs et de jeunes à travers les Etats Unis pourrait être
utilisée pour construire un parti de ce type, vraiment socialiste,
anticapitaliste et révolutionnaire, défendant l’ensemble des
travailleurs et des opprimés, au lieu de continuer à légitimer ce parti
réactionnaire qu’est le Parti Démocrate. Cependant, cela n’est nullement
la politique de Sanders.
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