Trump
interdit de façon démagogique les vols depuis l’Europe, mesure
incapable de freiner une épidémie qui s’est déjà propagée dans le pays.
Les marchés en panique font craindre une double crise.
Mercredi soir le président des États-Unis s’est adressé au pays
pour tenter de rassurer la population. L’effet a été tout le contraire.
Le discours du président nord-américain n’a fait qu’accentuer son
manque de crédibilité face à l’une des crises sanitaires les plus
importantes des dernières décennies non seulement aux États-Unis mais au
niveau international. En effet, alors que pendant deux mois Trump a
observé une attitude « négationniste » vis-à-vis du nouveau virus,
parlant d’un « complot » des démocrates ou en sous-estimant son
importance, mercredi soir il a réalisé un tournant à 180 degrés. Ainsi,
son discours, à la tonalité grave, a surtout annoncé des mesures
drastiques. Parmi elles, l’interdiction d’entrer sur le territoire
nord-américain pour tout étranger ayant séjourné les deux semaines
précédentes dans les pays européens de l’espace Schengen, à partir de
vendredi soir.
En effet, le président Trump estime que l’Europe n’a pas pris les
mesures nécessaires pour contrôler les personnes voyageant depuis les
zones à risque, principalement la Chine, et est devenue elle-même une
source de contagion, « en conséquence, un grand nombre de nouveaux clusters aux États-Unis ont été créés par des voyageurs venus d’Europe ». L’Europe serait ainsi devenue un danger équivalent à la Chine : « nous
avons pris des mesures pour sauver des vies en agissant rapidement sur
la Chine, mais nous devons maintenant faire de même avec l’Europe ».
Cette rhétorique nationaliste permet à Trump de faire un parallèle
entre la propagation du virus et une sorte « d’invasion » étrangère tout
en alimentant son discours « America First » et l’imaginaire d’une
Amérique subissant l’hostilité de la Chine et de l’UE. Une logique mise
en évidence par le fait que ces restrictions de voyages épargnent la
Grande-Bretagne et l’Irlande, vues par Trump comme des alliées. Cette
rhétorique est fondamentale pour Trump car c’est elle qui lui a permis
de conquérir un électorat important lui permettant de remporter les
élections présidentielles. La crise actuelle représente précisément un
danger pour sa réélection lors du scrutin présidentiel qui aura lieu en
octobre prochain.
Cependant, d’un point de vue sanitaire, cette mesure est complètement arbitraire, incohérente et réactionnaire. Comme le dit Edward Alden,
expert des relations internationales et commerciales, ainsi que de la
politique migratoire des États-Unis, ces mesures relèvent d’une « démarche irréfléchie et ignorante » étant donné que le coronavirus « est
déjà largement présent aux États-Unis (…) Les États-Unis devraient
travailler en étroite collaboration avec leurs partenaires du monde
entier pour ralentir la propagation (…) Cela ne fera que déclencher des
mesures de rétorsion [de la part des Européens]... et cela fera
comprendre que, même en cas de crise grave, nous sommes devenus un allié
très peu fiable ».
Parallèlement à cette mesure Trump a annoncé des aides pour le
patronat. En effet, sous prétexte de lutte contre l’épidémie de
coronavirus, le gouvernement nord-américain profite de la situation
(tout comme Macron en France) pour faire quelques cadeaux aux
entreprises. Ainsi, celles qui seraient touchées par le Covid-19 seront
autorisées à payer leurs impôts plus tard que la date limite du 15
avril, et cela sans aucune pénalisation ; des prêts pour les petites
entreprises seront également mis en place, de quoi réconforter une
partie importante de la base sociale de Trump. Cette mesure aura un coût
de 200 milliards de dollars.
Cependant, tout cela n’a pas suffit pour rassurer les marchés qui
craignent que cette politique ait pour effet d’aggraver la baisse du
commerce international déjà affaibli par le coronavirus. Ainsi, les
bourses se sont effondrées à travers le monde, notamment en Europe où
les principales places ont connu des pertes historiques, à l’image du
CAC40 qui a eu la plus forte perte de son histoire.
Mais ceux qui sont déjà en train de subir les pires conséquences de
l’épidémie ce sont les travailleurs et les couches populaires. En effet,
ils ne sont pas seulement plus exposés aux dangers du virus mais à ses
conséquences économiques. Étant donné qu’aux États-Unis le congé maladie
est très limité, voire inexistant pour une grande partie des salariés,
et que les coûts d’accès aux soins sont énormes, notamment pour ceux et
celles qui n’ont pas une assurance privée, beaucoup de travailleurs
contaminés sont en train de cacher leurs symptômes pour ne pas être
pénalisés économiquement voire perdre leur emploi. Cette situation est
évidement une source de contamination et de propagation du virus énorme.
Mais à cela il faut ajouter une gestion catastrophique de la part des
autorités : dans la principale économie mondiale, il y a une pénurie de
kits de test, ce qui rend pratiquement impossible de connaître le
véritable nombre de cas dans le pays. Certaines estimations sérieuses
tablent sur la possibilité, dans le pire des scénarios, de voir un
million de personnes mourir des suites du Covid-19 aux États-Unis.
C’est en ce sens que cette épidémie pourrait coûter très cher
économiquement, socialement mais aussi politiquement à Trump. Comme
l’affirme un analyste du Washington Post : « La
pandémie constitue une menace physique et financière pour le bien-être
de millions d’Américains. Elle est également devenue une menace
politique pour les espoirs du président pour un second mandat ».
C’est pour cela que Trump tente de consolider sa base autour du discours
et de la posture qui lui semble la plus favorable. Et c’est pour cela
aussi que la tentative de Macron de trouver un terrain d’entente avec
lui a de fortes possibilités d’échouer.
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