Des
bombardements nord-américains ont visé une milice irakienne pro-Iran en
réponse à une attaque contre une base alliée en Irak. Risque d’escalade
?
Dimanche dernier, les États-Unis ont annoncé avoir lancé une
série d’attaques contre cinq sites militaires de la milice pro-iranienne
Kataib Hezbollah (organisation distincte du Hezbollah libanais même si
proche politiquement) en Irak et en Syrie. Lors des bombardements, on
estime que 25 combattants irakiens sont morts, dont un chef militaire,
et que 55 ont été blessés. Cette attaque se produit en représailles au
lancement de roquettes sur une base militaire irakienne hébergeant de
nombreux militaires et civils américains ainsi que des forces alliées,
laquelle a coûté la vie à un civil américain, a blessé quatre militaires
étasuniens et deux Irakiens.
Cette nouvelle action militaire des États-Unis montre que
l’impérialisme nord-américain, malgré un retrait très partiel de la
région, continue à garder une force de frappe très importante – mais
aussi une totale impunité. Cette attaque prend une tournure
particulière. Comme on peut le lire dans le New York Times : « une
réponse des États-Unis à une attaque qui tue ou blesse des Américains
n’est pas inhabituelle. Mais les représailles de dimanche ont impliqué
des frappes directes sur des alliés iraniens, ce qui en fait un terrain
particulièrement dangereux ».
En effet, depuis quelques mois les milices pro-iraniennes en Irak et
les troupes nord-américaines se trouvent dans une situation « d’escalade
de basse intensité ». Des rapports de responsables militaires
étasuniens indiquent que depuis fin octobre les milices pro-iraniennes
ont lancé 11 attaques contre des installations militaires américaines ou
de leurs alliés. A cela, il faut ajouter les frictions dans le Golfe
Persique où les États-Unis ont accusé l’Iran de mener des attaques
contre des pétroliers, le fait que Téhéran ait détruit un drone
étasunien et, plus grave, que des installations pétrolières saoudiennes
importantes ont été attaquées, et que l’implication de l’Iran soit
presque certaine.
Dans ce contexte, des analystes estiment que les représailles
nord-américaines contre l’attaque de vendredi, dont l’accusé principal
est la milice pro-iranienne Kataib Hezbollah, pourraient mettre fin à
ces frictions car elles mettent des limites aux offensives iraniennes.
Cependant, d’autres analystes craignent au contraire que les
bombardements contre les alliés iraniens en Syrie et en Irak ne poussent
Téhéran à répondre aussi fortement contre les États-Unis et leurs
alliés.
Cela est le cas notamment des autorités irakiennes qui voient d’un
très mauvais œil que les nord-américains et les iraniens essayent de
régler leurs comptes sur le sol irakien. Et cela d’autant plus que
depuis fin octobre, le pays est secoué par une contestation sociale et
politique d’ampleur notamment de la part de la jeunesse précarisée
chiite qui exige « la chute du régime ». Lors de cette contestation les
manifestants se sont attaqués à des symboles de la présence et de
l’influence de l’Iran en Irak. En effet, Téhéran non seulement contrôle
pratiquement l’ensemble de la vie politique du pays mais elle y finance
et arme des milices qui lors des mobilisations ont ouvert le feu sur les
manifestants faisant plusieurs centaines de morts et des milliers de
blessés et de mutilés.
De ce point de vue, les déclarations des responsables iraniens
exigeant que les États-Unis « respectent la souveraineté irakienne »
relèvent d’une énorme hypocrisie. Mais la position des États-Unis est
encore plus nocive et néfaste. En effet, après la chute de Saddam
Hussein en 2003, les nord-américains ont eu besoin de l’aide de Téhéran
pour réussir à créer un semblant de stabilité dans le pays. Le résultat a
été l’accentuation de l’influence iranienne en Irak et le déplacement
des élites sunnites des postes de pouvoir à la faveur des élites
chiites, ouvrant ainsi la voie à une guerre civile réactionnaire dans le
pays. Autrement dit, la domination iranienne actuelle sur la vie
politique et économique en Irak est le résultat direct de l’invasion
impérialiste de 2003.
Dans ce même contexte, le déplacement des élites sunnites des
instances du pouvoir étatique irakien a favorisé le surgissement de
Daesh en Irak et en Syrie. D’ailleurs, nord-américains, iraniens et
leurs alliés ont su très bien collaborer dans la lutte contre Daesh. Ce
que l’on voit aujourd’hui, c’est la fin de cette alliance tactique et la
tentative des deux côtés de miner l’influence des uns et des autres en
Irak et dans la région. L’Iran sait que Trump est dans une situation
politique délicate aux États-Unis, avec la période électorale et
l’ouverture du processus d’impeachment à son encontre. Ainsi, Téhéran
essaye de maintenir un certain niveau d’hostilité à l’égard des
positions nord-américaines et de leurs alliés. Le gouvernement de Trump
de son côté mène une politique dite de « pression totale » sur l’Iran
pour faire reculer son influence dans la région. Pour ce faire, les
États-Unis comptent non seulement sur des moyens militaires mais aussi
économiques et politiques : la sortie de l’accord nucléaire iranien de
la part de Washington et le retour des sanctions vont en ce sens.
Les impérialistes ont fait de l’Irak et de la région leur « terrain
de jeu » pour atteindre leurs objectifs économiques et géopolitiques sur
le dos de la vie et la souffrance de dizaines de millions de personnes.
Cependant, le régime réactionnaire iranien n’est nullement une
alternative pour les travailleurs et les masses de la région. En ce
sens, la révolte actuelle de la jeunesse irakienne peut devenir un point
d’appui pour mettre fin à cette course de vitesse réactionnaire au
Moyen-Orient.
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