La
lutte contre le terrorisme est le meilleur prétexte pour légitimer les
opérations militaires visant à protéger les intérêts économiques des
multinationales françaises.
Lundi soir, treize soldats français sont morts dans le crash de
deux hélicoptères au Mali, dans le cadre de l’opération Barkhane.
Emmanuel Macron a ainsi rendu ses hommages en saluant l’intervention des
troupes françaises au Sahel engagées dans un supposé « combat contre
des terroristes ». Pourtant, loin des discours sur la « lutte contre le
terrorisme », la présence des troupes françaises dans le Nord du pays a
pour objectif principal de protéger les intérêts économiques des
entreprises françaises et de maintenir domination impérialiste de la
France dans la région.
Evidemment, Macron et son gouvernement tenteront de tirer profit de
cet accident et de rallier derrière un discours « d’unité nationale »
l’ensemble de la population française, en mémoire de ces soldats morts
soi-disant pour « nous protéger ». Mais loin d’être utile à la lutte
contre le terrorisme, Barkhane est un élément clé de l’impérialisme
français en Afrique et en particulier au Sahel, lui permettant de garder
une influence dans la région, et d’assurer le maintien de gisements
d’uranium utiles à son industrie nucléaire.
L’opération Barkhane a en effet pris la suite de l’opération Serval
lancée en janvier 2013 par François Hollande. A l’époque, face à la
poussée d’une rébellion des populations touarègues au Nord du Mali, le
gouvernement français a profité pour, sous prétexte de lutte contre le
terrorisme, déclencher un plan d’intervention militaire qui en fin de
compte visait à installer des bases militaires française permanentes
dans cette région stratégique. Par la suite, les groupes djihadistes ont
profité de l’affaiblissement des groupes militaires touareg.
Aujourd’hui Barkhane est l’intervention militaire extérieure
française la plus importante, déployant 4500 militaires dans la région,
concentrés autour des bases de Gao au Mali, Niamey au Niger ainsi que
N’Djamena au Tchad. Alors que l’opération avait été célébrée par toute
la presse, par l’ensemble des partis politiques français et leurs
clients africains, ainsi que par une partie de la population malienne du
sud, tout le monde tablait sur une victoire rapide. Or, cela ne semble
pas être le cas actuellement où l’on parle plutôt d’un bourbier.
Mais nous pouvons aussi nous poser la question si l’armée française
se trouve dans un vrai bourbier ou si la nature même de l’opération lui
donne cet aspect. En effet, comme dit plus haut, l’intervention
française au Sahel vise des intérêts économiques et géopolitiques à long
terme pour l’impérialisme français, donc elle revêt un caractère
« permanent ». C’est en ce sens que vont les déclarations du chef des
Etats-majors (CEMA), François Lecointre : « Si je pensais cette
mission impossible il y a longtemps que j’aurais changé de métier. Je
crois que nous n’atteindrons jamais une victoire définitive, il sera
toujours très compliqué de voir le moment où la guerre est enfin gagnée.
Et contrairement à ce qu’on imaginait dans les grands conflits du XXe
siècle, jamais les armées françaises n’iront défiler en vainqueur en
passant sous l’arc de Triomphe ».
François
Lecointre, chef d'État-major des armées : “Je crois que nous
n’atteindrons jamais une victoire définitive, jamais les armées
françaises ne défileront en vainqueur sous l’Arc de Triomphe” #le79Inter
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—
France Inter (@franceinter) November
27, 2019
Autrement dit, l’intervention militaire française dans le Sahel
s’achèvera quand les stratèges français l’auront décrété car les
objectifs publics de l’opération sont suffisamment flous pour justifier
une présence militaire éternelle dans la région. A moins qu’un mouvement
d’ampleur des travailleurs, de la jeunesse et des différents secteurs
exploités de la société française, alliés aux populations locales
forcent le départ prématuré des militaires français de la région.
La France demande de l’aide à l’UE pour protéger ses intérêts
La région a été particulièrement déstabilisée par les opérations
catastrophiques en Libye en 2011. La décomposition de la Lybie de
Kadhafi, suite à l’intervention armée occidentale sous prétexte
« humanitaire », a notamment permis à des groupes armés de récupérer du
matériel militaire assurant leur progression dans la région, à l’image
de Boko Haram. D’où la nécessité pour la France de réaffirmer d’une part
son contrôle dans la région face aux velléités des groupes islamistes,
mais aussi, de maintenir l’assujettissement des gouvernements et armées
du G5 Sahel engagées dans la lutte contre le terrorisme (Burkina Faso,
Mali, Mauritanie, Niger et Tchad).
Barkhane permet en effet de donner corps à l’emprise fusionnelle de
l’armée française sur celle du Tchad, où la situation sociale est
explosive, mais où le dictateur Idriss Déby, installé par la France en
1991 après deux décennies de guerre, dispose du principal appareil
militaire de la région et constitue un appui de choix pour le contrôle
de la Centrafrique. En ce qui concerne le Mali, le pays connaît une
situation instable : si l’élection d’Ibrahim Boubakar Keita a permis de
faire taire la contestation sociale qui s’était développée tout au long
de l’année 2012 dans le Sud, au Nord, les populations sont prises en
tenailles entre les groupes djihadistes et l’armée française et ses
alliés, qui se livrent aussi à des exactions contre les civils. A cela
s’ajoute les rébellions Touareg au Niger en lien avec le Nord-Mali, le
principal fournisseur d’uranium du nucléaire français.
Cette situation est en train de rendre plus compliquée l’intervention
de l’armée française et de ses alliés et de plus en plus les
populations locales voient avec hostilité la présence de l’impérialisme
dans la région. C’est dans ce cadre que la France entend faire pression
pour que les pays de l’UE s’engagent plus dans le conflit. Dans une
interview récente au Financial Times,
la ministre de la Défense, Florence Parly, a déclaré que les pays
européens devraient plus s’investir dans le Sahel car après le défaite
de Daesh en Syrie il fallait empêcher que cette région devienne un
refuge pour les terroristes qui menacent l’Europe.
Protéger les entreprises françaises
En réalité la France essaye d’embarquer d’autres puissances
impérialistes dans une intervention qui sert principalement ses propres
intérêts. En effet, présent au Niger depuis un demi-siècle, le groupe
Orano (anciennement Areva) tire un tiers de sa production totale de
l’uranium nigérien. Le groupe y exploite deux sites miniers dans
l’Arlit, au Nord-Ouest du pays, Somair et Cominak, ainsi qu’un troisième
à Imouraren, mais dont le chantier est à l’arrêt depuis 2015.
La France dispose également de nombreuses entreprises au Mali, telles
que BNP Paribas, présente depuis une dizaine d’années dans le pays au
travers de la filiale BICIM. Orange est par ailleurs le premier
opérateur sur le marché malien, avec 60% de la part du marché de la
téléphonie. L’entreprise avait vu une partie de son matériel endommagé
par les affrontements des groupes armés dans le Nord du pays.
Avec Barkhane, avec la dette – qui siphonne les budgets des pays
africains et sert de levier pour leur imposer des politiques promues par
les impérialistes – et les millions des aides au « développement »,
Macron entend donc jouer un rôle dans la reconstruction d’un Sahel allié
de la France, en consolidant ses régimes et l’implantation française
dans la zone, et se doter ainsi d’une carte de poids dans les
concurrences entre grandes puissances européennes et au-delà.
C’est en ce sens que malgré certaines critiques tactiques par-ci ou
par-là, notamment après la mort de soldats français (on entend beaucoup
moins ces critiques quand les morts ce sont les civils maliens), au fond
aucun parti du régime, ni les grands médias, ne remettent en cause
l’importance stratégique des interventions militaires françaises en
Afrique et dans cette région en particulier. Le discours sur « l’intérêt
national » et la « lutte contre le terrorisme » ne sont que des
mensonges qui ne servent qu’à masquer les vrais intérêts qui se cachent
derrière le militarisme de l’impérialisme français. Aucun ouvrier, aucun
jeune en France, aucun travailleur, aucun paysan ou jeune au Mali et
dans toute la région n’a intérêt à soutenir l’intervention l’armée
française. Cela ne peut signifier que le renforcement des capitalistes
français et son militarisme principal soutien des dictatures militaires
africaines.
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