Après
cinq jours de mobilisations les manifestants à travers le pays ne
veulent rien entendre des manœuvres du gouvernement et continuent à
exiger le départ d’une caste politicienne néolibérale.
Tout a commencé le 17 octobre dernier. Le déclencheur des
mobilisations a été l’annonce de l’imposition de nouvelles taxes
notamment sur les couches populaires de la société. Parmi ces taxes on
trouvait un impôt de 6 dollars par mois pour passer des appels via
WhatsApp. Dans un pays où les services de télécommunications sont parmi
les plus chers au monde et où les riches jouissent de larges
exonérations d’impôts, cela a constitué la goute d’eau qui a fait
déborder le vase.
Ainsi, des centaines de milliers de personnes ont rapidement pris les
rues de Beyrouth mais aussi de tout le pays. Du nord au sud. Parmi tous
les groupes confessionnels dans un pays où les classes dominantes
utilisent l’appartenance confessionnelle pour diviser la population.
Face à la massivité des manifestations, très rapidement le gouvernement a
fait marche-arrière et a annoncé l’annulation de l’imposition des
nouvelles taxes. Cependant, rien n’y a fait. C’était trop tard. Les
nouvelles taxes n’ont été qu’un déclencheur. Au moment où le
gouvernement reculait les manifestants étaient déjà en train de remettre
en cause l’ensemble du régime et de la « caste politique néolibérale ».
En effet, ce que les centaines de milliers de manifestants sont en
train de contester ce sont les politiciens et les politiques
néolibérales qu’ils appliquent depuis plus de 30 ans. Ils exigent le
départ de l’ensemble des politiciens du régime qui sont incapables
d’assurer des services publics essentiels comme l’eau potable et
l’électricité de qualité, sans coupures quotidiennes. On dénonce
également la corruption et le clientélisme. Ils dénoncent les politiques
d’austérité dans une société où il y a de plus en plus d’inégalités, de
misère et de chômage. Enfin, la population a trouvé intolérable la
gestion désastreuse des grands feux de forêt qui ont touché le pays
récemment.
C’est pour toutes ces raisons que depuis cinq jours les
manifestations massives, les blocages de routes tout au long du pays ne
cessent pas. Le premier ministre Saad Hariri a présenté une liste de
réformes accordées avec les autres partis du régime pour essayer de
calmer la situation. Parmi les mesures proposées on retrouve la baisse
des salaires de politiciens et d’anciens président et ministres, la
création d’une agence anti-corruption, mais aussi la privatisation du
secteur des télécommunications. Ces mesures ont été reçues avec beaucoup
d’hostilité de la part des manifestants qui déclaraient poursuivre leur
mouvement exigeant la démission d’Hariri et de tous les politiciens du
régime.
La mobilisation se poursuit donc. Il faut voir comment elle va
évoluer mais il y a déjà des analystes qui parlent d’une mobilisation
historique. Une mobilisation qui a réussi à rassembler des manifestants
de confessions différentes. Celle-ci rassemble également les
travailleurs, les chômeurs et les couches inférieurs de la société avec
des secteurs de classes moyennes inquiètes par la perte de pouvoir
d’achat avec la dévaluation de la monnaie nationale.
La mobilisation au Liban rentre tout à fait dans cette vague de lutte
de classes qui traverse le monde ces derniers jours. Cependant, il faut
que les travailleurs et les couches populaires s’organisent dans les
lieu de travail, dans les lieu d’étude, dans les quartiers populaires,
alliés aux mouvements des femmes et autour de revendications de classe,
progressistes. Car si ce sont les secteurs petit-bourgeois et classes
moyennes qui donnent la teneur politique à la mobilisation on ne peut
pas exclure que celle-ci soit déviée vers des revendications
réactionnaires comme commence déjà à s’entendre avec des manifestants
demandant la constitution d’un « gouvernement technique » ou encore
« l’intervention de l’armée ». Comme le démontre l’expérience notamment
dans la région, l’intervention de l’armée dans la politique ne
signifiera qu’un recul et un danger pour les travailleurs et les classes
populaires. Au contraire, la mobilisation au Liban pourrait devenir un
levier pour les opprimés et les exploités de la région contre les
régimes réactionnaires ; un levier pour la lutte du peuple kurde qui se
bat contre l’offensive turque au nord-est de la Syrie !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire