Le
régime théocratique iranien ne promeut aucunement une politique
favorable aux classes populaires. La répression que ses alliés mènent au
Liban et notamment en Irak contre les manifestants n’en est qu’une
preuve supplémentaire.
Cela fait deux semaines que le Liban connaît des mobilisations
historiques ; des mobilisations qui dépassent les divisions
confessionnelles et réunissent la jeunesse précaire, les travailleurs,
les classes populaires des villes et même certains secteurs des classes
moyennes inférieures. En Irak le mois d’octobre a été traversé par des
manifestations massives, brutalement réprimées faisant plus de 200 morts
et des milliers de blessés. Ces deux mouvements de contestation ont
beaucoup de points en commun, notamment qu’ils remettent en cause des
régimes politiques corrompus, des politiciens incapables de répondre aux
besoins des classes populaires, et un fort contenu « dégagiste ». Cependant, il y a un autre point en commun très important : dans les
deux pays des alliés politiques et militaires de l’Iran ont gagné un
poids déterminant dans l’appareil et dans les institutions d’Etat.
En effet, le Hezbollah au Liban et les différentes milices et partis
politiques chiites en Irak sont des éléments-clefs dans la politique
régionale iranienne, aux côtés du gouvernement syrien de Bachar al-Assad
et des rebelles Houthis au Yémen. Après l’échec de l’invasion
nord-américaine en Irak et la guerre civile syrienne Téhéran a élargi
son influence et renforcé ses positions dans la région.
Or, les mobilisations massives au Liban et en Irak sont en train de
poser défi à la politique régionale iranienne. Car en remettant en cause
l’ensemble de la « classe politique » cette contestation remet en cause
aussi les alliés de l’Iran, qui désormais ont intérêt à préserver les
régimes en place. En effet, la stratégie iranienne dans ces pays n’a pas
été de provoquer un renversement des régimes mais de s’y infiltrer et
gagner de l’influence depuis l’intérieur. En Irak, après la chute de
Saddam Hussein en 2003, l’Iran a collaboré étroitement avec
l’impérialisme nord-américain pour « stabiliser » la situation,
profitant du « vide de pouvoir ». Ses milices ont ensuite gagné une
grande légitimité en combattant Daesh. Au Liban, le Hezbollah a su
gagner une grande popularité parmi les classes populaires chiites en
résistant contre les offensives israéliennes, notamment lors de la
guerre de 2006 où Tsahal a dû repartir vaincu.
Cependant, la situation sociale et économique des classes populaires
dans ces pays et dans la région, notamment parmi les jeunes, est devenue
désastreuse avec des taux de chômage et de pauvreté très élevés,
beaucoup de travail informel, des services publics désastreux, des
niveaux de corruption aberrants. C’est-à-dire que l’Iran et ses alliés,
au-delà d’une rhétorique pseudo anti-impérialiste, gouvernent en réalité
pour des secteurs de la bourgeoisie chiite ou alliés. Comme on peut le
lire dans un article de Foreign Policy : « Pour
les communautés chiites d’Irak et du Liban, Téhéran et ses alliés n’ont
pas réussi à traduire les victoires militaires et politiques en une
vision socio-économique. Autrement dit, le récit de la résistance
iranienne n’a pas ramené le pain sur la table ».
Le Hezbollah, un force contre-révolutionnaire
Alors que jusqu’à présent le Hezbollah était épargné par les
mobilisations populaires dénonçant la corruption de la « classe
politique » libanaise, cette fois ce n’est pas le cas. Tout le pays est
ébranlé par des mobilisations, y compris les régions chiites où le
Hezbollah reste fort. Ces manifestants veulent le départ « de tous les
politiciens » ; ils scandent explicitement « tous c’est tous » en
s’adressant directement au Hezbollah.
En effet, cela est lié en partie à la politique du parti qui, suite
aux coûts de la guerre en Syrie et aux sanctions nord-américaine contre
l’Iran, a dû imposer des mesures d’austérité sur les salaires, les
services publics, etc. En outre, bien que le Hezbollah ne soit pas vu
(totalement) comme un parti corrompu en général, il se trouve en
alliance avec des politiciens très contestés par les manifestants. A
tout cela, il faut ajouter le rôle néfaste des combattants du Hezbollah
en Syrie qui y ont été responsables d’atrocités, le fait que des
milliers de combattants recrutés dans les quartiers populaires y sont
morts tandis que des chefs de guerre s’enrichissaient.
Dans ce contexte, et voyant le danger que les mobilisations actuelles
constituent pour son propre pouvoir, le chef du Hezbollah, Hassan
Nasrallah, a appelé ses partisans à quitter le mouvement, se plaçant
clairement du côté du régime tant décrié. Des militants du Hezbollah et
d’autres forces chiites se sont même attaqués aux manifestants. En
effet, à la différence de l’Irak la répression policière et des milices
chiites est beaucoup moins forte au Liban, le régime essaye (pour le
moment) de ne pas provoquer une réaction encore plus forte des
manifestants. Cependant, Nasrallah a mobilisé des brigades de choc
entraînées spécifiquement pour faire face à la contestation interne.
Hezbollah
attacking protestors in riyad el solh square & burning their
tents ... https://t.co/KDfZffGU2k
—
Larissa Aoun (@LarissaAounSky) October
29, 2019
Face à la poursuite du mouvement on ne peut pas écarter la
possibilité d’une accentuation de la répression. Mais nous ne pouvons
pas non plus exclure que l’image et l’influence du Hezbollah se dégrade
davantage notamment parmi les travailleurs et classes populaires
chiites, et avec, l’image de l’Iran.
En Irak les manifestants crient leur rage contre l’Iran
Mais c’est en Irak que les manifestants défient le plus fortement et
le plus profondément la politique iranienne dans leur pays. Cela est
accentué par le fait qu’à la différence du Liban, où les manifestants
appartiennent vraiment à toutes les confessions, en Irak le mouvement
est composé majoritairement par les chiites. Dès le début de la
contestation, la réponse gouvernementale a été brutale : des centaines
de morts et des milliers de blessés en quelques jours seulement. Les
forces spéciales de la police et les milices pro-iraniennes ont tiré à
balles réelles sur la foule ; des snipers visaient les manifestants à la
tête ; des scènes de répression littéralement sauvage ont été
enregistrées.
Ainsi, très rapidement le mouvement s’est dirigé contre ces milices
pro-iraniennes et même contre la présence de l’Iran dans le pays. Les
manifestants ont brûlé les sièges des partis et milices pro-iraniennes,
des drapeaux iraniens et ont même manifesté devant un consulat iranien
dans le sud du pays où ils ont accroché un drapeau irakien. Pour autant,
contrairement, à ce que la propagande réactionnaire iranienne peut
affirmer, le mouvement des jeunes précaires, des jeunes scolarisés et
des travailleurs irakiens n’est nullement teinté de nationalisme
xénophobe anti-iranien.
En réalité les manifestations en Irak ont largement commencé contre
le régime hérité de l’invasion impérialiste, contre une caste
politicienne corrompue ; elles ont pris un tournant de dénonciation de
l’Iran dans le sens que les alliés iraniens dans le pays sont embourbés
dans une corruption endémique et les chefs miliciens se sont enrichis
sur le dos des classes populaires d’un des plus importants exportateurs
de pétrole au monde. Et, cerise sur le gâteau, ces mêmes milices tuent
impunément les manifestants qui ne font que réclamer ce à quoi ils ont
droit : une vie digne !
#Iranian
consulate in Basra was attacked and set on fire by the Iraqi
protestors.
Following the burning of the Consulate, Iran
closed the Shalamjah border crossing with Iraq and called on its
citizens to leave Basra, according to Iraqi sources.
AP Photo /
Nabil al-Jurani pic.twitter.com/bfH4a64efl
—
Iran International English (@IranIntl_En) September
7, 2018
Le régime théologique iranien et ses alliés sont en effet en train de
dévoiler leur vrai visage contre-révolutionnaire. Le régime iranien est
tout aussi réactionnaire que ses rivaux régionaux tels que l’Arabie
Saoudite et les pétromonarchies du Golfe. Ces puissances régionales se
trouvent dans une lutte réactionnaire pour l’hégémonie de la région.
Hégémonie qui ne signifie rien d’autre que devenir le principal
interlocuteur des puissances impérialistes. En ce sens, comme l’accord
sur le nucléaire l’a démontré, le régime iranien n’a rien
d’anti-impérialiste, ni de favorable aux travailleurs et aux classes
populaires.
Hier encore les combattants iraniens aux côtés de l’armée syrienne et
des milices du Hezbollah menaient (en réalité mènent encore) des crimes
atroces contre les populations civiles. La jeunesse, les travailleurs,
les femmes qui se mobilisent aujourd’hui en Irak et au Liban contre
leurs dirigeants corrompus, capitalistes, trouveront leurs alliés du
côté des opprimés et des exploités en Syrie, en Jordanie, en Egypte, en
Palestine, au Yémen mais aussi en Arabie Saoudite et en Israël. C’est
cette alliance internationale de classe qui pourra exploser les plans
réactionnaires des dirigeants iraniens et des différents régimes
réactionnaires de la région mais aussi et surtout des puissances
impérialistes.
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