Le
mouvement a été lancé par les jeunes précaires et les travailleurs
pauvres des villes. Maintenant, c’est la jeunesse scolarisée qui a
rejoint le mouvement et entrainé avec elle les enseignants. Malgré la
répression la mobilisation s’approfondit.
Les manifestations populaires contre la corruption, le chômage
et pour des services publics de qualité avaient commencé le 1er octobre
dernier. Mais entre-temps elles s’étaient calmées. Vendredi dernier
cependant la contestation en Irak a repris avec beaucoup de force. Et la
répression tout autant. On estime que depuis le début des
mobilisations, plus de 200 personnes ont été tués dont 70 depuis
vendredi dernier. On compte plus de 8000 blessés. Les forces de sécurité
irakiennes tirent à balles réelles sur les manifestants, ils les
frappent et mutilent avec des méthodes barbares. Certains manifestants
ont été tués à la suite de tirs de projectiles de gaz lacrymogènes
directement au visage ou sir la tête à bout portant. Des scènes
littéralement de guerre avec l’armée, la police et les milices soutenues
par l’Iran tirant à balles réelles sur la foule circulent sur les
réseaux sociaux.
Cependant, malgré cette féroce répression les manifestants tiennent
héroïquement. Ils font face aux gaz et aux balles car ils n’ont plus
rien à perdre. C’est en effet surtout la jeunesse précaire ou au chômage
qui est le moteur de la contestation, dans un pays où 60% de la
population a moins de 25 ans. Ces jeunes dénoncent une classe politique,
installée au pouvoir à la suite de l’invasion nord-américaine,
totalement corrompue et incapable d’assurer du travail et des services
publics de qualité à ses habitants.
La nouveauté de ces derniers jours c’est que les jeunes chômeurs et
les travailleurs pauvres des villes ont été rejoints dans les rues
depuis dimanche par la jeunesse scolarisée : des images montrent de très
jeunes écoliers, des lycéens et lycéennes ainsi que des étudiants
manifester et défier un pouvoir brutal. Ces jeunes scolarisés ont
entrainé avec eux leurs enseignants et les fonctionnaires. Des
enseignants incitent même leurs élèves à manifester, mettant parfois
leur propre vie et emploi en danger. C’est le cas d’une enseignante que
l’on voit sur la vidéo ci-dessous se faire réprimer par un policier
quand elle invitait ses élèves à manifester :
.
A
Teacher in #Baghdad
was assaulted by a policeman because she was calling students to strike
& support the demonstrations
-----
تعرضت
مديرة مدرسة في بغداد الى الاعتداء من قبل شرطي لأنها كانت تدعو الطلاب
للإضراب والاعتصام#IraqiRevolution
#iraqProtests
pic.twitter.com/0SBGygXWS8
—
IraqiRevolution (@IRaqiRev) October
27, 2019
Conscients du danger que représente le fait que des jeunes scolarisés
et des secteurs de la classe ouvrière plus organisés rejoignent le
mouvement, le pouvoir a menacé les étudiants et les fonctionnaires qui
seraient absents des cours et du travail. L’armée a également décrété un
couvre-feu de minuit à six heures du matin jusqu’à nouvel ordre. Le
pouvoir irakien, et ses maîtres étrangers, notamment les Etats Unis et
l’Iran, commencent à avoir peur.
Contre l’ingérence étrangère en Irak
Depuis vendredi les manifestations ont pris une tournure de plus en
plus explicite de dénonciation de l’ingérence étrangère. Beaucoup de
manifestants scandaient « l’Iran dehors ». En effet, Téhéran à la suite
de l’échec de l’invasion de l’impérialisme nord-américain a profité pour
renforcer ses positions en Irak, s’appuyant notamment sur la population
chiite. De fait, les Etats Unis et l’Iran ont collaboré étroitement
pour créer un semblant de « stabilité », toujours sur le dos des
travailleurs et les classes populaires irakiennes.
C’est ainsi que des milices pro-iraniennes ont ouvert le feu sur les
manifestants vendredi dernier. Cela a provoqué une réaction immédiate.
Des manifestants ont brûlé des sièges de partis pro-iraniens, des
drapeaux iraniens, mais aussi des sièges d’institutions
gouvernementales. Des informations circulent sur les réseaux sociaux
affirmant que des manifestants auraient tué quatre miliciens
pro-iraniens.
Mais l’Iran n’est pas le seul pays étranger visé par les
manifestants. Comme nous disions plus haut, la contestation revendique
« la chute du régime ». Or, le régime politique irakien actuel n’est
autre chose que celui imposé par les américains en collaboration avec
Téhéran après la chute de Saddam Hussein en 2003. Un régime qui se base
sur un partage réactionnaire confessionnel de postes du pouvoir et qui
génère et alimente un clientélisme et une corruption, intrinsèques au
système. Autrement dit, les jeunes irakiens et les travailleurs sont en
train de remettre en cause cette soi-disant « démocratie » apporté par
l’impérialisme nord-américain et ses alliés.
Comme au Liban en ce moment, la mobilisation irakienne revêt en ce
sens un caractère « national », dépassant les divisions
confessionnelles, une lutte pour des revendications sociales et
politiques mais aussi en fin de comptes de libération nationale face à
l’emprise de l’impérialisme mais aussi d’une puissance régionale comme
l’Iran. L’Iran et ses alliés qui sont d’ailleurs en train de révéler
leur caractère réactionnaire aussi bien en Irak qu’au Liban où le
Hezbollah se présente comme un rempart pour la défense du régime face
aux manifestants.
Les lycéennes défient le régime
L’Irak est un pays où à la différence par exemple du Liban il est
très rare de voir les femmes prendre part aux manifestations. Cependant,
lors de ces mobilisations nous sommes en train de voir de plus en plus
d’images de très jeunes femmes, notamment des lycéennes, descendre dans
la rue, scander des slogans contre le gouvernement et le régime, défier
des normes rétrogrades et faire face à la répression aussi.
Beating up
unarmed highschool students who went out to protest peacefully will
ensure the rest of them that the government has lost complete touch with
the young protesters. #Baghdad
#Iraq
pic.twitter.com/VojXWDUky3
—
Steven nabil (@thestevennabil) October
28, 2019
#Baghdad
|| Students Strike
"Ali Rehani" Headmaster
of Rehani private school assaulting students due their participation in
the strike
-------
بغداد || اعتصام
الطلبة
علي ريحاني مدير ثانوية الريحاني يعتدي على الطالبات
لمشاركتهن في الاعتصامات#IraqiRevolution
pic.twitter.com/taWnFZQB1q
—
IraqiRevolution (@IRaqiRev) October
28, 2019
Ces images parlent de la profondeur du mécontentement, de la
contestation. Dans un pays où le peuple a été martyrisé par des années
de bombardements et invasion impérialiste, ravagé par une guerre civile
réactionnaire, par le surgissement de Daesh, on voit la jeunesse
précaire, les femmes, les travailleurs faire face à la répression. Des
jeunes hommes manifestent et font face à la répression ; des jeunes
femmes aussi. Ils sont bordés par des « tuk-tuk » qui servent à
l’occasion pour transporter les blessés. Il y a un vrai élan populaire
en Irak actuellement, qui pourrait entrainer des secteurs de la classe
ouvrière avec une capacité d’organisation plus grande.
Dans un contexte de mobilisations massives au niveau international,
l’Irak a déjà inscrit son histoire sur la liste. Evidemment, ce
mouvement n’est pas à l’abri de la déviation et la manipulation par des
forces bourgeoises démagogiques. Dans ce contexte, le soutien au
soulèvement populaire au Liban, ou encore contre l’agression des kurdes
par la Turquie en Syrie sont fondamentaux pour lutter contre les
tentatives de récupération nationalistes et réactionnaires. Cette
jeunesse courageuse est en train de montrer que malgré la répression et
des années de réaction, la lutte de classes peut retourner une situation
et même poser les bases pour l’ouverture d’une crise révolutionnaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire