Le
Parti Démocrate lance un impeachment contre Donald Trump en pleine
campagne pour les présidentielles de 2020. Cependant, beaucoup craignent
que cette situation se retourne contre les démocrates.
Cette semaine, Nancy Pelosi, présidente démocrate de la chambre
des représentants, a ouvert une procédure de destitution à l’encontre
de du président Donald Trump. Trump est accusé d’avoir sollicité et fait
pression sur le président ukrainien récemment élu, Volodymyr Zelensky,
pour qu’il enquête sur le fils du principal concurrent à la
présidentielle de l’année prochaine, l’ex vice-président de Barak Obama,
Joe Biden.
Lors d’un appel entre les deux présidents le 25 juillet dernier, dont
un compte-rendu a été publié par la Maison-Blanche mercredi, Trump a
demandé à son homologue de lui « rendre un service » en enquêtant sur le
fils de son principal rival du Parti Démocrate. En échange, le
gouvernement des États-Unis débloqueraient l’aide militaire destinée à
l’Ukraine. Dans le compte-rendu ce « chantage » ne transparaît pas
clairement mais ce qui semble indiquer cela c’est le fait que l’aide
militaire pour l’Ukraine avait été mystérieusement gelée peu de temps
avant cet appel.
En effet, l’un des fils de Joe Biden, Hunter Biden, travaillait dans
une entreprise ukrainienne du secteur de l’énergie, Burisma, qui a fait
l’objet d’une enquête pour corruption. Celle-ci finalement aurait été
abandonnée suite à des pressions de Joe Biden. Trump a donc demandé au
président Zelensky de rouvrir cette enquête pour essayer de trouver
quelque chose pour entacher le candidat démocrate qui aujourd’hui a le
plus de chances d’emporter les primaires de son parti pour l’élection
présidentielle.
L’annonce de l’ouverture de la procédure d’impeachment contre Trump
soulève cependant beaucoup d’interrogations. Une première question se
pose sur sa temporalité, pourquoi maintenant ? En effet, tout au long du
mandat de Trump ses déclarations racistes contre des députées
d’opposition, les camps de détention pour les sans-papiers, le
népotisme, entre autres auraient pu constituer un « prétexte » pour le
lancement d’un impeachment à son encontre.
Nous pourrions évoquer une première raison : la nécessité de répondre
à une attaque directe contre le candidat choisi par l’establishment,
combinée à la faiblesse du Parti Démocrate traversé par des luttes
internes. Comme l’expliqué le d’information nord-américain Left Voice, qui fait partie du même réseau international que Révolution Permanente : « Le
Parti Démocrate traverse une crise avec son aile gauche – représentée
par Bernie Sanders, Alexendria Occasio-Cortez et leurs alliés – qui est
en train de percer. L’aile de l’establishment […] a choisi Joe Biden
pour 2020. Même si Biden trébuche dans les débats et baisse dans les
sondages, la plus grande partie de l’establishment est toujours alignée
derrière lui. Ce n’est donc pas un hasard si cette escalade contre Trump
est liée aux attaques contre Biden ».
Cependant, pour certains analystes, il n’est pas sûr que cette
offensive contre Trump favorise Biden ; c’est peut-être d’autres
candidats à la primaire démocrate qui pourraient en tirer profit. Car
cette affaire met sur le devant de la scène Joe Biden dans une posture
qui pourrait être rejetée par les électeurs, comme celle d’un
représentant d’une sorte de « népotisme soft ». Ainsi un analyste du Financial Times écrit : « il
cest difficile de croire que le jeune Biden se serait vu offrir un
siège au conseil d’administration de la plus grande société gazière
d’Ukraine si son père et n’avait pas été le vice-président américain. Il
est également difficile d’accepter que Biden Junior serait devenu
vice-président exécutif de la banque MBNA, basée dans le Delaware, si
son père n’avait pas été sénateur du même État. […] C’est comme ainsi
que marchent les affaires dans la capitale américaine. Le népotisme soft
est la façon dont les choses fonctionnent ».
Mais le risque de cette manœuvre du Parti Démocrate n’est pas
seulement que ce ne soit pas le candidat de l’establishment qui en sorte
vainqueur, mais que ce soit Trump lui-même qui en tire profit. Ce n’est
pas un hasard que plusieurs éditorialistes expriment leur crainte
là-dessus. Ainsi, dans le New York Times on lit : « tous
les scénarios sont possibles, y compris celui où l’impeachment profite à
Trump et augmente les chances de sa réélection, en se présentant comme
un martyr, échappant à la condamnation au Sénat, arborant cela comme une
absolution et profitant de la mobilisation de ses soutiens, qui lui
permettrait de se relever comme jamais ».
Ce risque est d’autant fort que les enquêtes révèlent que pour le
moment 57% de la population est contre l’impeachment. Autrement dit,
même si les situations politiques et les pays sont très différents,
contrairement au Brésil où le coup d’État institutionnel contre Dilma
Rousseff avait une base sociale importante, cela ne semble pas être le
cas du processus d’impeachment des démocrates. Un autre élément très
important est le fait qu’aucun candidat démocrate n’apparaît comme
capable de rassembler derrière lui une partie des électeurs de Trump ou
du moins de gagner leur bienveillance et créer une base sociale plus
stable pour un éventuel gouvernement. Au contraire, un secteur de la
bourgeoisie craint un scénario de polarisation du pays.
En réalité cette nouvelle crise est une expression supplémentaire de
la difficulté de l’establishment nord-américain à imposer ses
« candidats naturels » pour diriger la principale puissance impérialiste
mondiale. Le Parti Démocrate, ou tout du moins son aile
pro-establishment, qui est fortement impacté par cette crise et se
déchire entre différents ailes, utilise cet instrument complètement
anti-démocratique qu’est la procédure d’impeachment pour positionner son
« favori » comme principal opposant de Trump, et seul capable de le
faire partir de la Maison-Blanche. Mais aucune confiance ne peut être
faite à ce parti qui gère, en alternance avec le Parti Républicain, les
intérêts de l’impérialisme nord-américain depuis des années.
Pour les travailleurs, la jeunesse, les classes populaires, les
femmes et les mouvements pour les droits des minorités raciales et LGBT,
l’alternative qui reste pour se débarrasser de Trump et sa politique
c’est la lutte et la mobilisation. Ce serait une illusion de penser que
les démocrates mèneraient une politique moins réactionnaire et
répressive que Trump. Le capitalisme en crise ne laisse plus d’espace
pour l’illusion du « néolibéralisme heureux » des années 1990-2000.
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