A
l’approche des élections générales en Grèce nous avons interviewé des
membres de NAR, qui participe au front anticapitaliste Antarsya, sur la
situation du pays, de la classe ouvrière et les défis de la gauche
anticapitaliste.
A l’approche des élections législatives en Grèce nous avons
interviewé des membres de NAR (Nouveau Courant de Gauche pour la
Libération Communiste), qui participe au front anticapitaliste Antarsya,
sur la situation du pays, de la classe ouvrière et les défis de la
gauche anticapitaliste.
Quatre ans, presque jour pour jour, après le tournant néolibéral de
Syriza en Grèce, le pays s’apprête à célébrer des élections générales
législatives anticipées. Révolution Permanente a interviewé Pavlos
Antonopoulos et Yorgos Michailidis, membres de la direction de NAR,
l’une des principales composantes du front anticapitaliste Antarsya.
Les désillusions créées par le tournant néolibéral de Syriza et la
baisse dans le niveau de lutte de classes ont ouvert une situation très
difficile pour l’intervention des forces anticapitalistes. A cela il
faut ajouter le discrédit qu’un gouvernement faussement libellé de
« gauche radicale » a pu jeter sur l’ensemble des courants se
revendiquant de la « gauche », y compris les courants anticapitalistes
qui se sont opposés à Syriza et sa politique dès le début. En ce sens,
il nous semble important pour les travailleurs et jeunes en France de
présenter le point de vue d’une organisation anticapitaliste grecque.
RP : Les récentes élections européennes et locales ont
signifié un important revers pour Syriza. Comment vous voyez la
situation actuelle en Grèce et quelles sont vos perspectives pour les
élections générales législatives du 7 juillet prochain ?
Il ne fait aucun doute que Syriza a essuyé une grande défaite lors
des dernières élections. En effet, la seule raison pour laquelle le
résultat de Syriza n’a pas été encore plus bas a été la peur d’une
grande partie de la société vis-à-vis du parti de droite, Nouvelle
Démocratie (ND), et son agenda réactionnaire. La Grèce traverse une
douloureuse période d’austérité et de restructuration néolibérale depuis
dix ans maintenant. Il s’agit d’une attaque permanente contre les
acquis que le peuple a obtenu dans le passé à travers l’activité et les
luttes du mouvement ouvrier et des partis d’avant-garde. Cette attaque
ne peut pas être arrêtée avec les structures existantes, avec les outils
et les méthodes habituelles, même si le peuple a lutté courageusement
pendant des années. Plusieurs gouvernements se sont succédés tout au
long de ces années de crise, mais aucun n’est allé au-delà du cadre
imposé par le FMI et l’Union Européenne.
L’application de cette politique, qui fait aussi appel au capital
grec, est le principal facteur qui explique la rapide décadence de tous
les pouvoirs politiques qui ont gouverné la Grèce depuis 2008. Le peuple
a été déçu par les partis traditionnels de la droite ou de la gauche
social-démocrate mais aussi, comme ces élections l’ont démontré, par les
nouveaux partis d’extrême-droite qui ont surgi durant la période de
crise économique. Cependant, ce que le gouvernement de Syriza a apporté
c’est premièrement la perte de l’avantage moral de la gauche en Grèce,
qui n’avait jamais gouverné auparavant et qui semblait à l’écart des
affaires de corruption et des stratégies anti-populaires, et
deuxièmement l’abaissement des attentes populaires.
Par conséquent, aujourd’hui, alors que l’on approche de la date des
élections nationales, nous notons que les gens votent par mécontentement
ou par peur, mais sans aucune perspective réelle de changement. Et ceci
est une des plus affreuses « réalisations » de ce premier gouvernement
de gauche en Grèce…
De notre côté, à travers notre participation dans la coalition
anticapitaliste Antarsya, nous essayons de briser ce climat de
soumission et de renoncement en affirmant que quel que soit le nouveau
gouvernement, c’est seulement la réaction du peuple et la réémergence
d’une politique de classe et de la lutte de classes qui peut améliorer
notre situation.
RP : Sous le gouvernement de Syriza, la Grèce a connu une
montée du nationalisme avec, notamment, des manifestations
réactionnaires contre l’accord sur le nom de la Macédoine, et la montée
d’un nouveau mouvement d’extrême-droite lors des élections. Comment
pouvez-vous expliquer ce phénomène ? Quelles sont ses perspectives ?
Pour nous ce n’est pas surprenant que la politique de Syriza ait fait
monter le nationalisme et le populisme. Le peuple grec, notamment dans
le nord du pays, a subi un lavage de cerveau systématique par l’Etat et
les institutions depuis le début de la Guerre Froide. Ce lavage de
cerveau est revenu en force au début des années 1990, et cela que ce
soit sous les gouvernements de droite ou sous ceux de la
social-démocratie. Ainsi, le terrain avait déjà été préparé et cela a
été relativement facile pour l’extrême-droite d’en tirer profit ou, pour
le dire d’une autre façon, de surfer sur la vague. Cependant, cela
n’est qu’une partie du tableau.
En effet, les principaux objectifs du gouvernement de Syriza, au
moins en ce qui concerne sa politique étrangère, se sont en grande
partie alignés derrière les priorités de la bourgeoisie et de l’Etat. Si
vous entendez les ministres de Syriza défendre le « Traité de Prespa »
sur les relations entre la Grèce et la Macédoine du Nord vous verrez que
leur principal argument a été de dire qu’ils ne sont pas allés au-delà
des « lignes rouges » établies au début des années 1990 par la politique
de l’Etat grec. Au contraire, ils ont déclaré qu’ils ont fait en sorte
de promouvoir les intérêts de l’Etat grec dans les Balkans en repoussant
la Turquie de la région et en plaçant la Grèce dans une position de
leader régional en accord avec les priorités de nos principaux alliés.
Et cela est vrai. Ce n’est pas un hasard que pendant les discussions
bilatérales sur la question du nom [de la Macédoine], Syriza ait
bénéficié du soutien d’un grand nombre de dirigeants de la droite,
d’universitaires conservateurs et d’importants hommes d’affaires en
Grèce mais aussi des Etats-Unis et de l’UE.
Donc, de notre point de vue, cette année nous avons vu la montée d’un
nationalisme à double visage. L’un, plus traditionnel, brutal, raciste,
un nationalisme conservateur qui s’est exprimé dans les mobilisations
nationalistes au sujet de la Macédoine. L’autre, un nationalisme masqué,
cosmopolite qui a réussi à promouvoir les intérêts de l’Etat et du
capital grec dans la région.
Cependant, les résultats des élections mais aussi certains sondages
montrent que Syriza n’a pas perdu une partie importante de ses voix à
cause de sa position vis-à-vis de la question de la Macédoine. Même dans
le Nord du pays, où les citoyens sont de loin plus sensibles à cette
question, c’est sa politique économique et le non respect de ses
promesses qui ont rendu Syriza impopulaire. Aussi, la montée de
l’extrême-droite est un phénomène qui trouve sa source non dans la
politique nationale de Syriza mais dans son total alignement derrière
l’UE et le FMI et sa capitulation par rapport à ses promesses et
objectifs du début.
Malheureusement, la plupart de la gauche en Grèce s’est trouvée plus
ou moins alignée derrière l’une ou l’autre forme de nationalisme : soit
en dénonçant l’Accord de Prespa comme dicté par l’OTAN, mais sans
mentionner les intérêts spécifiques et les avantages de l’Etat et du
capital grec ou le droit de nos voisins de choisir le nom de leur Etat,
de leur langue et de leur nation ; soit en soutenant l’Accord de Prespa
comme un coup décisif contre le nationalisme grec tout en ignorant qu’il
s’agissait d’un premier pas pour l’application de l’agenda impérialiste
dans notre région et l’imposition des intérêts de l’Etat et du capital
grecs sur nos voisins les plus faibles.
Ici aussi nous, le NAR et Antarsya, aux côtés d’autres forces
d’extrême-gauche, avons essayé d’exprimer une ligne différente, qui,
tout en s’opposant à l’intervention de l’OTAN et de l’UE dans la région,
s’opposait également au nationalisme grec et aux plans de l’Etat et des
capitalistes grecs (ou, pour utiliser la terminologie de Syriza : la
« re-balkanisation » des affaires grecques après huit ans de crise).
Bien sûr nous avons dénoncé les mobilisations nationalistes et avons
participé aux manifestations antifascistes. En plus de cela, nous avons
essayé de donner un exemple différent en organisant des débats publics
sur la Macédoine, parfois avec la participation de camarades venus de la
République de Macédoine.
RP : NAR fait partie d’Antarsya, un front anticapitaliste qui
existe depuis 2009. Comment vous expliquez qu’Antarsya n’ait pas réussi
à capitaliser la déception vis-à-vis de Syriza et ses politiques
néolibérales ? Quelle est la situation à l’intérieur d’Antarsya et dans
la gauche anticapitaliste en Grèce ?
Syriza est passé de 3% de voix à 36% en trois ans, en se présentant
comme une force de la gauche radicale avec un programme contre les
mémorandums, en promettant d’appliquer des mesures pour soulager le
peuple face à des mesures d’austérité permanentes et face au chômage.
Syriza apparaissait aussi comme une force pouvant défier la Troïka et en
profitant de leur présence au parlement, ils ont gagné la majorité dans
les élections parlementaires de 2015 (une différence importante avec
Antarsya qui a très peu de chances de s’adresser aux larges masses
malgré le fait de participer à chaque lutte sociale ou ouvrière).
Une fois au gouvernement, Syriza a appliqué toutes les politiques qui
dérivaient des mémorandums et en a signé un troisième au nom de la
gauche radicale. Ils sont passés outre le résultat du référendum [de
juillet 2015] et ont passé un accord avec l’UE et le FMI en appliquant
des coupures budgétaires encore une fois sur les retraites et salaires,
notamment parmi les jeunes. La déception du peuple vis-à-vis de la
politique néolibérale de Syriza a laissé son empreinte sur toute la
gauche et a ainsi renforcé la désillusion et le conservatisme.
Un autre point central est l’arrêt du mouvement ouvrier qui s’était
développé jusqu’à l’arrivée de Syriza au pouvoir. Tout d’abord, les
syndicalistes de Syriza mais aussi ceux du Parti Communiste (KKE) ont
montré une grande réticence pour construire un mouvement ouvrier et
populaire par en bas tant que Syriza était au pouvoir. C’était le
« gouvernement de gauche » qui allait résoudre tous les problèmes et il
ne devait pas être perturbé. Cela a amené à une paralysie du mouvement
ouvrier et des mouvements sociaux.
En ce qui concerne la situation à l’intérieur d’Antarsya,
malheureusement elle n’est pas bonne. Les tentatives d’intervenir et de
changer la situation dans les difficiles conditions actuelles ont
conduit à offrir des réponses différentes. Cela est dû en partie aux
différentes histoires des organisations qui composent Antarsya mais
aussi aux cultures qu’elles ont développées pendant la période
précédente. Des questions centrales concernant notre politique de front
restent ouvertes, même si le programme d’Antarsya a été voté par 90% des
délégués lors de notre conférence nationale l’année dernière. Juste
après cela, de nouvelles approches et tactiques ont commencé à être
testées par des partis de l’intérieur de la coalition et cela malgré le
fait qu’elles aillent à l’encontre de nos décisions et notre programme.
Cependant, Antarsya a décidé de participer aux élections parlementaires
du 7 juillet prochain car nous considérons que la présence d’une liste
du front anticapitaliste est d’une grande importance.
RP : Quelles relations entretenez-vous avec l’ancienne
plateforme de gauche de Syriza, désormais Unité Populaire ? Quelle est
sa politique dans la situation actuelle ?
L’ancienne plateforme de gauche de Syriza a pris une bonne décision
lorsqu’elle a quitté le parti et le gouvernement Syriza mais elle aurait
dû partir avant, et pas deux mois après la trahison du référendum par
le gouvernement de Tsipras. Malgré tout, ce qu’il est important de noter
c’est qu’ils ne sont pas allés au bout de cette rupture avec Syriza.
Même si l’ancienne Plateforme de gauche a uni ses forces à d’autres
organisations anticapitalistes et communistes, sa logique reste la même,
à savoir la logique qui a mené à l’échec de Syriza. Quatre ans plus
tard, ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un programme clair
pour faire face à l’Union Européenne et au système capitaliste. Pour
l’essentiel, leur bilan consiste à affirmer que le combat que menait
Syriza était juste mais a été trahi par certaines personnes. Ils ne
croient pas qu’il en aurait été de même pour tout autre projet
réformiste ou social-démocrate qui essaie de changer les choses sans
toucher au cœur du problème que sont l’UE, l’Etat et les rapports de
production. Ils continuent d’entretenir le mythe de la possibilité d’un
changement par la mise en place d’un bon gouvernement, vraiment à
gauche, qui réussirait à répondre aux intérêts nationaux par une
politique étrangère plurielle avec des partenaires divers. En même temps
ils reproduisent toujours les mêmes méthodes de travail désuètes dans
le mouvement ouvrier, les conseils municipaux, etc.
Selon eux, il faut aujourd’hui construire une gauche large à partir
d’un mouvement patriotique et démocratique, et non un pôle
anticapitaliste comme nous le défendons. En outre, l’année dernière
Unité Populaire a eu une position très floue à l’égard les
manifestations et les discours nationalistes [autour de l’opposition à
l’accord sur la Macédoine]. Pour être plus précis, l’ancienne Plateforme
de gauche a salué les participants à ces rassemblements, et certains de
ses membres ont même pris part à ces évènements et largement repris les
principaux concepts nationalistes sur leur site internet : le nom de
« Macédoine » appartient à la Grèce, il n’y pas de nation Macédonienne,
pas de langue macédonienne, pas de minorité ethnique macédonienne en
Grèce, tout en ne voyant dans cette question que de l’irrédentisme
Macédonien contre la Grèce.
Pour nous, il était clair qu’après tout cela il n’y avait pas de
place pour un rapprochement avec l’Unité Populaire, même si une partie
de ses forces à rejoint Antarsya dans son action contre les
nationalistes. Après son importante défaite aux élections européennes,
Unité Populaire a conservé une politique ambiguë. D’un côté ils
cherchent à coopérer avec Antarsya mais, dans le même temps, ils vont
chercher du côté de ce qu’on appelle les forces patriotiques qui n’ont
pas de positions claires sur différents problèmes sociaux et
maintiennent des positions nationalistes sur la question macédonienne et
l’antagonisme gréco-turc.
RP : L’ancien ministre des finances d’Alexis Tsipras : Yannis
Varoufakis a repris sa carrière politique et son parti a eu un score
relativement bon aux dernières élections. Certaines personnes de la
gauche modérée et même radicale en Grèce et en Europe tendent à voir
Varoufakis comme un « résistant » du tournant néolibéral du gouvernement
Syriza. Qui est Varoufakis et qu’a-t-il réellement fait durant son
mandat de ministre et de négociateur principal avec la Troïka ?
Yanis Varoufakis se présente comme un européiste radical et présente
son mouvement : DiEM25, comme le front patriotique des européistes
« désobéissants raisonnables ». Ce qui est central dans sa position
c’est qu’il considère que s’il met une pression sur l’Europe par une
« désobéissance raisonnable » à ses directives, il mènera l’Europe vers
un chemin différent, répondant aux aspirations des masses populaires. En
ce sens, il prétend qu’il est prêt à risquer une possible sortie de
l’espace Schengen et de la devise européenne. Il a présenté un programme
composé de sept mesures majeures pour la politique économique qui est
opposé à l’actuelle politique suivie par l’Europe. Son projet est de
construire un front de tous les européens sur cette base.
Cependant, l’idée d’une « version honnête de Syriza » sonne comme une
blague en Grèce. L’expérience de Syriza, comme nous l’avons décrite
plus haut, ressemble de très près aux alternatives actuelles des
programmes de gauche en Europe, comme ceux de Corbyn et Mélenchon ou
celui de Sanders aux Etats-Unis. De notre point de vue, nous avons
besoin d’être clairs là-dessus : la gauche du XXIème siècle, et en
particulier dans les pays centraux du capitalisme mondialisé actuel, ne
peut être construite à l’intérieur des vieilles organisations
réformistes qui ont toujours servi à canaliser la colère des
travailleurs (comme le Parti Démocrate aux Etats-Unis et le Labour en
Grande-Bretagne), ni en imitant leur projet. Il s’agit de se confronter à
leurs politiques et à leurs programmes, pour leur disputer les
travailleurs radicaux qui pourraient les suivre.
Dans ce cadre, la première priorité devrait être l’autonomie et
l’indépendance de la gauche anticapitaliste afin d’être capable de
diffuser largement le discours anti-UE, anti-système et
anti-capitaliste. Ainsi, Varoufakis se présente, après Tsipras, comme le
nouveau messie qui aurait la recette du succès entre ses mains. Il y a
comme un goût de déjà-vu. Pour les forces de gauche qui ne souhaitent
pas, ou sont incapables, de construire un mouvement populaire et un
nouveau parti des travailleurs ; mais aussi pour les masses qui
cherchent encore un moyen de sortir facilement du capitalisme
totalitaire dans lequel nous vivons, par une révolution sans effort,
Varoufakis est une nouvelle carte à jouer. Mais pas pour nous. Nous le
voyons comme une nouvelle recette pour l’échec, un autre messie qui
décevra ceux qui croient encore en la gauche.
RP : Pour les élections législatives prochaines, une victoire
des conservateurs du parti Nouvelle Démocratie est fort possible,
quelles pourraient être les conséquences du retour de Syriza à
l’opposition, politiquement et pour la lutte des classes ?
Pendant son mandat Syriza a joué un rôle décisif, en coopération avec
le parti Nouvelle Démocratie qui était dans l’opposition, dans la
destruction du mouvement ouvrier qui s’était développé dans la
précédente période. Avec un usage judicieux de la bureaucratie
syndicale, le gouvernement a réussi à empêcher le mouvement ouvrier de
continuer la lutte des années 2010-2014. Durant les quatre dernières
années, il a entretenu la déception et le désespoir des masses
travailleuses et ainsi pu voter toutes les réformes réactionnaires et
néolibérales du troisième mémorandum ainsi que les mesures contre le
droit à la sécurité sociale sans provoquer une réaction forte d’en bas.
Désormais, la volonté des cadres du pouvoir est de reconstituer un
système d’alternance où les deux pôles (ND et Syriza, peu importe qui
gouverne et qui est dans l’opposition) se mettront d’accord, en
substance, sur les politiques fondamentales qui seront suivies tout en
détruisant la résistance du peuple. C’est ici que la gauche
anticapitaliste et communiste, et plus particulièrement Antarsya, doit
jouer un rôle décisif. Nous devons aller de l’avant et commencer à
reconstruire, presque à partir de zéro. Nous devons contribuer à la
réorganisation du mouvement populaire, en brisant les illusions
réformistes et électoralistes qui ont prévalu jusqu’ici à gauche. Notre
première priorité doit être l’unité de la classe ouvrière et de
l’ensemble des classes populaires et leur ralliement autour d’une
logique et d’un programme anticapitaliste. Nous estimons que Syriza ne
jouera pas un rôle favorable dans cette perspective, étant donné qu’il
s’agit d’une force déshonorée, qui n’est plus respectée par
l’avant-garde de la classe ouvrière.
RP : Quels seront les principaux défis du NAR dans la période qui vient ? Quelles sont vos perspectives au sein d’Antarsya ?
Si on regarde de près les derniers évènements, Antarsya doit jouer un
rôle décisif et d’avant-garde. Ce front doit se tourner vers le pôle
anticapitaliste qui attirera les gens, étant donné que toutes les autres
possibilités pour une politique alternative ont été détruites par
l’échec de Syriza.
Pour y arriver, nous devons dépasser certains éléments du passé et
élargir notre front pour inclure les nouveaux éléments et militants
internationalistes, anticapitalistes et communistes de la gauche. Nous
avons besoin de tracer la route de la rupture et de la libération de
notre pays de l’Union Européenne, mais avec une vision
internationaliste. De la même façon, nous devons construire un fort
mouvement antimilitariste et anti-impérialiste dans le but de pousser le
désengagement de la Grèce de l’Otan et faire évoluer nos relations avec
les pays voisins afin de faire gagner la paix et la solidarité dans la
région et de créer une coordination des travailleurs dans les Balkans.
En outre, Antarsya doit continuer à se lier à la cause antifasciste,
pour faire obstacle à Aube Doré et au danger fasciste qui est le
résultat des politiques réactionnaires des partis bourgeois et des
institutions internationales. L’absence d’un front révolutionnaire, qui
incarnerait, à travers son activité et son programme, une politique
différente, doit être comblée le plus vite possible, étant donné que
c’est le seul moyen d’empêcher le virage à droite que l’on peut observer
en Grèce et dans toute l’Europe.
Aujourd’hui, le moment est venu pour Antarsya. Ce front
anticapitaliste doit réussir à attirer tous les courants politiques, les
organisations et même les militants indépendants de gauche. Il y a des
milliers de militants qui comprennent la nécessité de créer une
alternative anticapitaliste. Mais Antarsya doit aussi améliorer son
fonctionnement démocratique, c’est le seul moyen de proposer une autre
voie, qui ne rejoue pas les anciens modes d’organisation des masses.
L’avant-garde de notre société est à la recherche d’une organisation qui
fonctionne de façon ouverte et démocratique, et à laquelle elle pourra
contribuer de manière essentielle. Voilà un autre défi pour Antarsya.
RP : Comment concevez vous l’articulation entre votre programme communiste et la politique à l’intérieur d’Antarsya ?
Le NAR et NKA [NdT : l’organisation de jeunesse du NAR] contribueront
aux tâches mentionnées plus haut avec tous leurs alliés. Or, nous
pensons que l’ouverture de la discussion pour un programme et un parti
communiste contemporain jouera un rôle décisif pour la refondation
d’Antarsya et de la gauche anticapitaliste en Grèce. Cette nécessité
dérive de notre expérience d’une décennie de fortes luttes sociales et
politiques. Alors qu’il y avait assez de conflits dans les rues, dans
les entreprises, etc.lI manquait une proposition stratégique nouvelle
contre le mémorandum et la politique du capital. Nous avons également
senti l’absence d’une organisation qui serait, de même que le
communisme, un outil matériel et subversif entre les mains des masses.
Les nombreuses élections n’ont pas permis au NAR de dérouler toutes les
mesures nécessaires que nous avons édictées dans notre Conférence
Programmatique de décembre 2018. Après les élections, alors que la
discussion sur le futur de la gauche anticapitaliste devrait devenir
brûlante, nous aspirons à intervenir dans ce sens. Dans cette
perspective, votre visite au festival Anaireseis cette année était
également fructueuse et constructive.
Propos recueillis par Pablo Morao et Philippe Alcoy
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