Essayant
de gagner du temps Bouteflika propose, en cas de victoire, d’appeler à
des élections anticipées auxquelles il ne se présentera pas. Une
manœuvre trop grosse qui ne semble convaincre personne.
Alors que depuis plus de dix jours l’Algérie est secouée par la vague
de protestation populaire la plus importante depuis 30 ans contre le
cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, le porte-parole de
sa campagne Abdelghani Zaalane a annoncé qu’il a déposé, samedi dernier,
la candidature de Bouteflika devant le Conseil Constitutionnel. La
première chose qui a été remarquée c’est que cette action était
complètement illégale car d’après la constitution algérienne les
candidats doivent déposer en personne leur candidature. Or, Bouteflika
se trouvant actuellement à Genève supposément pour suivre des
« contrôles médicaux » en était empêché. Mais à ce stade cela ne devient
qu’un pur détail, une démonstration supplémentaire de l’arrogance et de
l’arbitraire du pouvoir algérien.
Cependant, bien que le régime se soit montré décidé (pour le moment) à
présenter la candidature de Bouteflika à sa propre réélection, il a dû
feindre de faire quelques « concessions » aux manifestants. Ainsi, le
porte-parole de la campagne de Bouteflika a lu une lettre soi-disant
écrite par le candidat « fantôme ». Dans celle-ci il promet : « Je
suis déterminé, si j’obtiens la confiance du peuple algérien, d’assumer
la responsabilité historique, et de répondre à sa principale
revendication de changer le régime » et d’organiser une « conférence nationale inclusive qui se chargera de l’élaboration des réformes politiques, économiques et sociales ».
Mais l’engagement le plus important, sensé calmer le mécontentement populaire, qu’a pris le candidat est d’organiser « une élection présidentielle anticipée dont la date de la tenue sera fixée par la conférence nationale ». Il promet de ne pas s’y représenter et ainsi « garantir une succession dans le calme et dans un climat de liberté et de transparence ».
Gagner du temps
Ces promesses sont en réalité une manœuvre de la part du régime pour
essayer de gagner du temps, en espérant que les manifestations perdent
en intensité. A travers des promesses incertaines sur un soi-disant
« changement politique » et un « mini-mandat » de Bouteflika, l’équipe
autour du président cherche désespérément à calmer la situation pour
pouvoir mettre en place une succession la plus contrôlée possible pour
éviter que les factions des classes dominantes ne sombrent dans une
lutte pour le pouvoir qui déstabilise encore plus une situation
politique, économique et sociale fragile.
Comme l’explique le journal algérien El-Watan : « Cette
candidature est visiblement problématique pour le pouvoir lui-même qui
est dans une course contre la montre. L’option d’un 5e mandat se veut
manifestement comme un ultime acte pour prolonger un régime politique
finissant. Abdelaziz Bouteflika est devenu aujourd’hui la caricature
d’un système agonisant ».
Et cette situation a cour au moins depuis 2014. La figure de
Bouteflika semble apparaitre comme un compromis entre différentes
fractions de la bourgeoisie algérienne ; même si maintenir formellement à
la tête de l’Etat un président malade peut paraitre surréaliste, en
réalité cela répond aux difficultés posées par sa succession et les
luttes pour le pouvoir que cela ouvre. Cependant, ces différents
secteurs des classes dominantes ne semblaient pas s’attendre à
l’irruption des masses qui est venue compliquer leurs calculs.
Quelle sera la réponse populaire ?
La réponse populaire face à cette manœuvre provocatrice du régime a
été immédiate, notamment parmi les jeunes. Dans plusieurs villes du pays
se sont déroulées des manifestations nocturnes dimanche, fait très rare
dans le pays. Même si ces manifestations spontanées n’ont pas été de
l’ampleur de celles de vendredi dernier, elles sont une nouvelle expression du fort rejet des classes populaires et de la jeunesse du du régime dans son ensemble et non seulement du cinquième mandat de Bouteflika.
Il reste à voir si ces annonces sont suffisantes pour diviser le
mouvement et en détacher une partie, plus encline à un compromis. En ce
sens, les manifestations appelées pour vendredi prochain seront un test
central, même si des manifestations partielles commencent déjà à avoir
lieu, notamment parmi les étudiants.
La manifestation de vendredi prochain coïncide avec le 8 mars, la
journée internationale de lutte pour les droits des femmes, et on
s’attend à ce que la participation des femmes soit encore plus
importante. Avec la force des travailleurs, de la jeunesse et des
femmes, la contestation pourrait dépasser un cap et mettre en échec un
pouvoir réactionnaire et profondément antipopulaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire