Au
Brésil existe une « période de transition » de deux mois entre
l’élection et la prise de fonctions du président élu. Profitant de ce
dispositif anti-démocratique, le président sortant Michel Temer propose à
Bolsonaro de voter une violente réforme des retraites, ce qui pourrait
attiser la résistance populaire.
L’ultraréactionnaire Jair Bolsonaro a finalement été élu
président du Brésil ce dimanche. Cependant, il n’assumera la présidence
effective que le 1er janvier 2019. Un dispositif complètement
antidémocratique du régime politique brésilien qui permet au président
sortant d’appliquer tout type de mesure antipopulaire impunément pendant
la période dite de « transition ».
C’est précisément cela que le président putschiste Michel Temer a
proposé à Bolsonaro dans son « adresse à la nation » à propos des
résultats du second tour de l’élection présidentielle. Il a commencé son
discours avec la phrase cynique « la première idée que je veux lancer c’est précisément qu’aujourd’hui le peuple a exercé son pouvoir ». Ni plus ni moins !
Alors que nous avons vécu le processus électoral le plus
antidémocratique et le plus manipulé de l’histoire récente brésilienne,
et que Michel Temer lui-même est arrivé au pouvoir à travers un coup
d’Etat institutionnel, il prétend faire croire que l’élection de
dimanche a été un exemple de « démocratie ».
« Et cela [l’élection] a eu lieu en toute sérénité et harmonie, en toute souveraineté que le peuple a su exercer »,
il renchérit. Mais de quelle « sérénité et harmonie » parle-t-il ? Il
s’agit en effet d’une fantaisie qui ne peut exister que dans la tête
d’un politicien profondément corrompu et servile aux intérêts des
capitalistes nationaux et impérialistes. L’entre deux tours a été marqué
par nombreuses agressions, dont des assassinats politiques comme celui
du maître de capoeira Moa do Katendê ou encore samedi, à la veille de
l’élection, celle d’un militant pro-PT dans l’Etat du Ceará lors d’une
caravane pour Haddad.
Et de quelle souveraineté nous parle-t-on ? Le candidat le plus
populaire, Lula da Silva du PT, a été incarcéré arbitrairement et
maintenu dans des conditions de détensions ahurissantes, empêchant des
millions de brésiliens de voter pour le candidat qu’ils préféraient. Et
cela sans parler de l’énorme quantité de manœuvres anti-démocratiques
qui ont eu lieu tout au long de la campagne.
Le discours de Temer a aussi été rempli de références à la soi-disant
« volonté de pacification » que le gouvernement de Bolsonaro devrait
avoir. A travers lui ce sont les intérêts des capitalistes locaux et
internationaux qui s’exprimaient. Car justement après une telle
polarisation politique et sociale, les classes dominantes espèrent que
Bolsonaro se concentrera sur les contre-réformes antipopulaires et
limitera au maximum ses « provocations » et ainsi limiter au maximum les
risques de contestation sociale.
C’est dans ce cadre que l’on peut comprendre la proposition la plus
parlante et la plus claire de Temer à l’égard du nouveau président :
faire voter d’ici sa prise de fonctions, en janvier 2019, la réforme des
retraites qui va pratiquement éliminer le droit à la retraite pour des
millions de travailleurs. Ainsi, il a déclaré : « évidemment, à peine
nous pourrons discuter, je lui proposerai l’idée d’éventuellement faire
voter la réforme des retraites étant donné qu’elle est, disons, prête à
être votée au Parlement et au Sénat fédéraux. Mais je dois aussi
clarifier que ce sera ainsi si évidemment elle a le soutien du président
récemment élu et de son équipe. Si c’est le cas, je pense que c’est
possible de le faire cette année, c’est-à-dire, la voie sera dégagée
pour le prochain gouvernement ».
Vidéo de la déclaration de Temer :
L’intention est très claire : Michel Temer et ses « sponsors » du
patronat cherchent à faire « le sale boulot » à la place du nouveau
gouvernement en profitant de cette brèche totalement anti-démocratique
et ainsi aller vite dans les attaques tout en épargnant au nouveau
gouvernement de se retrouver avec une forte contestation sociale dès les
premiers jours.
En effet, il ne faut pas oublier que beaucoup des votants de
Bolsonaro ne sont pas pleinement conscients de son programme économique.
Ainsi, seulement 37% de ses électeurs sont favorables à une réforme des
retraites. On ne peut pas oublier non plus que la grève générale la
plus importante que le Brésil a connue depuis la fin de la dictature a
eu lieu en avril 2017, avec des millions de travailleurs en grève,
précisément contre le plan du gouvernement Temer de faire appliquer
cette réforme des retraites. Finalement, Temer et son gouvernement
putschistes se sont vus obligés de reculer et le coup n’a pas été plus
dur car les bureaucraties syndicales liées au PT ont tout fait pour
freiner le mouvement ouvrier.
Dans ce cadre, si finalement Bolsonaro décidait de donner le feu vert
à Temer sur ce dossier, on ne peut pas exclure une vague de
contestation de la part de la jeunesse et des travailleurs. Ce serait un
pari risqué car le prochain gouvernement pourrait commencer à
s’affaiblir même avant d’assumer car Temer déclare clairement qu’il
s’agirait d’une action concertée avec Bolsonaro et son équipe.
Dès dimanche soir on a vu des manifestations spontanées contre
Bolsonaro avoir lieu dans plusieurs villes du Brésil. Aux cris de « on
va résister ! » la jeunesse précarisée, les travailleurs, les Noirs, les
LGBT, les femmes, les peuples originaires commencent à dire qu’ils ne
se laisseront pas faire. Il est effectivement urgent de s’organiser dans
les lieux de travail et d’étude, dans les quartiers populaires, pour
résister contre les attaques des réactionnaires et du patronat.
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