La
sortie des États-Unis du traité nucléaire iranien apparaît pour ce
qu'il est en réalité : une mesure supplémentaire de la guerre
commerciale que Washington a décidé de mener contre ses concurrents. Les
entreprises françaises sont parmi les principales affectées.
« La plupart des entreprises françaises ne pourra pas rester en Iran ».
C’est avec ces mots que Bruno Le Maire, ministre de l’économie, avouait
l’échec cuisant du gouvernement français et de Bruxelles dans leur
tentative d’épargner certaines multinationales européennes le fait
d’être affectées par la réintroduction des sanctions nord-américaines
contre l’Iran.
En effet, début mai Trump retirait les États-Unis de l’accord
nucléaire iranien signé par son prédécesseur, Barack Obama, en 2015 et
parallèlement il réintroduisait des sanctions économiques contre
Téhéran. Ainsi, les entreprises ayant des affaires aux États-Unis ou
commercialisant avec le dollar courent des risques de subir lourdes
amendes en cas de négocier avec des entreprises iraniennes.
Depuis la levée des sanctions ce sont surtout les entreprises
européennes qui en ont profité pour faire le plus d’investissements dans
le pays. Parmi ces entreprises, les multinationales françaises étaient
les plus favorisées par l’accord et donc les plus affectées par sa fin.
Plusieurs « champions industriels français » ont sauté sur l’occasion
de l’ouverture du marché iranien. L’un d’eux est évidemment Total. Le
géant du pétrole français avait passé un accord d’environ de 2 milliards de dollars pour l’exploration du champ gazier South Pars.
La multinationale de l’automobile PSA, qui détient 30 % du marché
iranien, y a vendu près de 445 000 voitures en 2017. Renault en a vendu
162 000, une progression de 49 %, et prévoyait une augmentation des
investissements. Airbus quant à lui avait signé un contrat de 17
milliards d’euros pour 98 avions pour Air Iran.
Comme on peut lire dans l’analyse du site Usine Nouvelle : « Au
total, les importations françaises de biens iraniens sont passées de 66
millions en 2015 à 2,3 milliards d’euros en 2017 (dont 96 %
d’hydrocarbures naturels), tirées par les achats de pétrole brut par
Total. Les exportations vers l’Iran sont passées de 652 millions en 2015
à 1,5 milliard d’euros en 2017. Les investissements français en Iran
ont triplé pour atteindre 1,7 milliard d’euros l’année dernière ».
On comprend donc l’énorme perte pour le capital hexagonal que
signifie le retrait des États-Unis de l’accord nucléaire (qui n’avait
rien de « nucléaire » et beaucoup de « commercial ») et la
réintroduction des sanctions contre l’Iran. On comprend aussi l’aveu
d’échec du gouvernement français quand Bruno Le Maire déclare amèrement
que « [les entreprises françaises] ne pourront pas rester, car elles
ont besoin d’être payées pour les produits qu’elles livrent et
fabriquent en Iran et elles ne peuvent pas être payées, car il n’y a pas
d’institution européenne financière souveraine et autonome ».
Macron avait tout fait pourtant, avec des scènes insupportablement
pathétiques, pour « séduire » son homologue nord-américain et le
persuader de ne pas dénoncer l’accord nucléaire. Le président français
avait même fait des concessions sur toute la ligne afin d’au moins
préserver le cadre. Quand l’accord a été dénoncé, les dirigeants
français et européens avaient dit qu’ils allaient tout faire pour que
les entreprises européennes voient des conditions spéciales leur être
accordées par les États-Unis. Mais rien n’y a fait. Malgré les
déclarations « remontées » du ministre de l’économie français, l’échec
est total pour le gouvernement.
En effet, malgré le fait que beaucoup de ces grands groupes français
n’agissent pas sur le marché nord-américain, ils sont dépendants du
financement en dollars pour mener leurs investissements. C’est en ce
sens que Bruno Le Mais déclare que la priorité du gouvernement et de
Bruxelles est de « bâtir des institutions financières européennes
indépendantes souveraines qui permettent des canaux de financement entre
des entreprises françaises, italiennes, allemandes, espagnoles et
n’importe quel autre pays de la planète car c’est à nous européens de
choisir librement et souverainement avec qui nous voulons faire du
commerce ».
Cependant, pour le moment les États-Unis utilisent l’énorme privilège
d’être la principale puissance mondiale et que leur monnaie soit la
« monnaie internationale » de commerce pour favoriser les affaires de
leurs propres entreprises à travers la planète. Ainsi, on voit que la
dénonciation de l’accord nucléaire iranien n’était rien d’autre qu’une
mesure supplémentaire de la « guerre commerciale » que le gouvernement
de Trump a décidé de lancer contre ses concurrents pour faire face au
déclin hégémonique et économique nord-américain au niveau international.
La situation internationale se tend de plus en plus. L’heure de la
fin du « néolibéralisme joyeux » a clairement sonnée. Le capitalisme
international est en train de montrer son vrai visage dépourvu des
illusions de la post-Guerre Froide. La planète est devenue plus
dangereuse, le capitalisme plus néfaste encore. Aux conflits armés
régionaux et les crises géopolitiques s’additionnent maintenant des
frictions et des « guerres commerciales » entre les principales
puissances impérialistes. La classe ouvrière et l’ensemble des exploités
et opprimés devraient prendre note et préparer une réponse à la
hauteur.
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