C'est
une première historique, un président états-unien va rencontrer un
président nord-coréen. Une rencontre sous le signe de la «
dénucléarisation » mais rien ne peut assurer que la situation évolue
dans ce sens et les risques d'affrontement et d'une catastrophe humaine
restent toujours très élevés.
Tout le monde a été surpris du rapide rapprochement entre la Corée du Nord et la Corée du Sud lors des Jeux Olympiques d’hiver,
allant jusqu’à faire une seule équipe olympique qui a défilé sous un
même drapeau. Dans la continuité, les deux Corées vont se mettre autour
d’une table de négociation d’ici la fin du mois d’avril, lors d’un
troisième sommet inter-coréen, après ceux de 2000 et de 2007. Ce sommet
aura lieu dans le village de Panmunjom, au milieu de la zone
démilitarisée qui sépare les deux pays, rapporte Le Monde.
Le deuxième sommet avait fait long feu après la victoire, quelques
semaines après, des conservateurs aux élections sud-coréennes. Les
démarches pour aller vers un renforcement de la coopération économique
ont été suspendues par les nouveaux dirigeants sud-coréens et les
relations se sont dangereusement détériorées depuis.
Comme l’explique Antoine Bondaz, chercheur pour la Fondation pour la recherche stratégique, dans une interview donnée auMonde, la Corée du Nord a fait plusieurs pas depuis 2017 vers le dialogue avec son voisin :
« Le premier a eu lieu au lendemain du dernier essai balistique,
lorsque le dirigeant Kim Jong-un a annoncé que le pays avait complété
ses forces nucléaires nationales. Ce n’est pas une information sur le
plan technique, il faut l’interpréter sur le plan politique : cela
signifie que Kim Jong-un a rempli son objectif national, ce qui lui
donne une légitimité, et cela ouvre la voie à un gel des essais, parce
que cela veut dire qu’il n’en a plus besoin.
Le dernier geste a eu lieu le 8 février, lors de la parade
militaire nord-coréenne, au cours de laquelle des missiles balistiques
ont été présentés. Dans son discours, Kim Jong-un n’a fait aucune
référence aux questions nucléaires. Ce sont des signaux qui montrent que
la Corée du Nord est dans une nouvelle séquence. »
En effet, Kim Jong-un a réussi son pari tant convoité depuis des
années, l’acquisition de la puissance nucléaire. Le but premier d’un tel
arsenal n’est pas de s’en servir contre les USA, la Corée du Sud ou le
Japon mais bel et bien d’acquérir une position de force dans les
négociations internationales afin de desserrer l’étau onusien et
états-unien sur le pays.
Antoine Bondaz va dans ce sens en rajoutant que « c’est de la
diplomatie : Pyongyang ne peut pas dire directement qu’il accepte un gel
de ses essais ou de son programme nucléaire, sinon il fait une
concession unilatérale. Mais il envoie des signaux ».
Dans une allocution, rapportée en partie par Le Monde, le conseiller national sud-coréen à la Sécurité, Chung Eui-yong a expliqué que Kim Jong-un s’était engagé à œuvrer à la« dénucléarisation »de la péninsule coréenne et qu’il avait promis de s’abstenir« de
tout nouveau test nucléaire ou de missiles,si les menaces militaires
contre le Nord disparaissent et si la sécurité de son régime est
garantie ». Chung Eui-yong a mis en avant que le leader
nord-coréen comprenait « que l’exercice militaire conjoint de routine
entre la République de Corée et les États-Unis [devait] continuer et il a
fait part de son désir de rencontrer le président Trump le plus vite
possible ». La présidence sud-coréenne avait également fait savoir
qu’elle était prête à un« dialogue franc »avec les USA et que Kim
Jong-un « [avait] fait part de son désir de rencontrer le président
Trump le plus vite possible », d’autant plus que la question du
nucléaire ne sera pas abordée lors du sommet inter-Corée car seul la
Corée du Nord et les USA négocient sur ce volet.
Une demande de rencontre acceptée par Trump
Comme à son habitude, Donald Trump a répondu via Tweeter à cette demande. « Kim
Jong-un a parlé de dénucléarisation avec les représentants de la Corée
du Sud, pas seulement d’une suspension. Aussi, pas de test de missiles
par la Corée du Nord durant cette période. De gros progrès sont faits
mais les sanctions seront maintenues jusqu’à ce qu’un accord soit
conclu. La réunion est en train d’être planifiée ! »
Sarah Sanders, porte parole de la Maison Blanche, a expliqué que l’administration Trump avait « hâte
que la Corée du Nord abandonne son programme nucléaire. D’ici là,
toutes les sanctions et une pression maximale doivent prévaloir ». Ce
qui va dans le même sens, avec moins de véhémences, que les
déclarations de Trump d’il y a quelques semaines, lors des JO d’hivers : « Nous devons rester unis pour empêcher cette dictature brutale de menacer le monde de dévastation nucléaire ».
Ces déclarations semblent viser à rendre public le fait que la Maison
Blanche n’est en train de négocier rien du tout et qu’elle n’aurait fait
aucune concession.
En effet, l’annonce de Trump semble avoir pris tout le monde par
surprise. Non seulement la presse et les analystes, mais aussi le
gouvernement nord-américain lui-même. Ainsi, le secrétaire d’Etat, Rex
Tillerson a déclaré que cette rencontre était une décision que le
président avait prise « tout seul ». Certains analystes estiment que
même les dirigeants nord-coréens ne s’attendaient pas à cette réponse de
Trump, leur objectif réel étant peut-être de lancer cette proposition
pour que les nord-américains refusent et pouvoir ensuite les présenter
comme des « intransigeants » et ainsi affaiblir l’alliance entre
Washington et Séoul.
La décision de Trump présente des risques importants pour la
stratégie nord-américaine dans la région. Au sein de l’establishment
impérialiste on craint que cette rencontre ne serve qu’à légitimer le
régime nord-coréen et qu’elle aboutisse à un désastre diplomatique pour
les Etats Unis.
Que cherche la Corée du Nord ?
Pour le régime de la Corée du Nord le programme nucléaire et de
missiles balistiques est d’une importance vitale. Le pays est sous la
menace permanente. Non seulement par une agression du voisin du sud mais
aussi par près de 100 000 militaires nord-américains qui stationnent
dans la région, dont 35 000 en Corée du Sud. A cela il faut ajouter
l’escalade rhétorique entre Pyongyang et Washington ces derniers mois
qui posent la question d’un affrontement armé comme une alternative
palpable.
Dans ces conditions un abandon du programme nucléaire nord-coréen
semble irréaliste aujourd’hui. Celui-ci est le principal levier de la
politique internationale de la Corée du Nord. Cependant, théoriquement
il n’est pas impossible qu’un accord en ce sens puisse être trouvé.
Comme Rodger Baker de Stratfor l’explique : « le
programme d’armement nucléaire de Pyongyang a toujours été un moyen
pour atteindre un but, et non une fin en soi. La « fin » c’est de briser
l’isolement du Nord sans remettre en cause son régime politique, de
reconfigurer ses relations avec la Corée du Sud, d’établir des relations
diplomatiques avec les Etats Unis et de mettre fin au sentiment de
siège de la péninsule par les forces nord-américaines. La Corée du Nord a
toujours été sérieuse lorsqu’elle a dit qu’elle était disposée à
échanger sa dissuasion nucléaire contre l’élimination des menaces pesant
sur le régime, mais l’élimination de la menace vient soit du retrait
des forces américaines, soit, à l’inverse, d’un alignement avec les
États-Unis ».
Dans un contexte d’accentuation des frictions entre les puissances
internationales, que pour le moment prend la forme d’un début de
« guerre commerciale », il est impossible d’imaginer les Etats Unis se
retirer de cette région. En effet, le principal « objectif »de
l’impérialisme nord-américain dans la région est de « contenir » la
Chine. En ce sens, l’existence du programme nucléaire nord-coréen peut
servir de prétexte pour préserver une présence militaire énorme à
seulement quelques kilomètres des côtes chinoises.
Cependant, le rapprochement des deux Corées et les réactions
favorables à la proposition de Kim Jong-un de la part du Japon et de la
Chine, inquiète Washington sur une possible augmentation de l’influence
chinoise dans la région. On ne peut pas exclure que Trump cherche à
briser cette avancée de l’influence de Pékin en ouvrant des discussions
avec Pyongyang. Une manœuvre évidemment très risquée et qui présenter
aussi beaucoup de contradictions pour la politique nord-américaine.
Pour la Corée du Nord un rapprochement, même limité, avec Washington
lui permettrait d’essayer d’assouplir les sanctions économiques,
l’isolement international et d’éloigner, au moins momentanément, la
perspective d’un conflit armé. Pour les Etats Unis ce serait une façon
de contrer l’influence de la Chine tout en évitant de devoir diminuer sa
présence militaire dans la région. En même temps, la Corée du Nord
pourrait présenter cette situation comme une « victoire diplomatique ».
Les deux Corées semblent en effet avancer vers une vision commune sur
les risques qui pèsent sur l’ensemble de la péninsule en cas de conflit
armé : une guerre dans la région pourrait coûter la vie à des dizaines
de millions de personnes et les destructions matérielles pourraient être
immenses. En ce sens, même si avec des intérêts différents, les deux
gouvernements coréens ont intérêt à faire baisser la tension dans la
péninsule. C’est dans ce cadre qu’il faut voir la manœuvre de la Corée
du Nord.
Cependant, comme plusieurs analystes l’affirment, si ces discussion
se révèlent un fiasco, il est possible que la « carte diplomatique »
soit grillée et que la seule alternative qui reste soit une escalade
inexorable et une possible intervention ou conflit.
Le « style Trump », rompant avec certains protocoles, représente des
risques importants. Certains expliquent que peut-être la rupture avec ce
protocole en prenant des risques pourrait permettre à l’impérialisme
d’atteindre certains objectifs plus compliqués d’atteindre à travers des
« méthodes conventionnelles ». Cependant, face à un éventuel échec de
l’une de ces manœuvres risquées, c’est une accélération des dangers que
l’on pourrait voir, avec des conséquences terribles dans un monde de
plus ne plus dangereux pour les travailleurs et les masses où les
capitalistes se montrent plus agressifs.
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