Rajoy
a appliqué l’article 155 suspendant l’autonomie de la Catalogne pour
éviter que celle-ci ne déclare son indépendance. Pablo Iglesias, leader
de Podemos, a décidé d’intervenir dans la section catalane de son parti
pour imposer sa ligne espagnoliste en dépit de la direction locale. Les
nouveaux visages du vieux monolithisme.
La répression du gouvernement central lors du référendum du 1er
octobre, le discours virulent du roi ; la réponse dans les rues et à
travers la grève du 3 octobre ; l’application de l’article 155 de la
constitution espagnole annulant l’autonomie de la Catalogne, une
première depuis 1978 ; la déclaration de l’indépendance vendredi dernier
et l’intervention de Madrid cessant le mandat des élus du gouvernement
catalan et imposant des élections le 21 décembre prochain. Voilà les
faits qui marquent la crise la plus importante qu’un pays central de
l’UE ait connu depuis plusieurs décennies.
Dans ce contexte tendu, la scène politique est en train de bouger
très rapidement en Catalogne et dans l’État Espagnol. Un bloc
espagnoliste-monarchiste s’est très rapidement constitué entre le Parti
Populaire du président Mariano Rajoy, Ciudadanos (parti de droite dure,
un « Podemos de droite ») et le PSOE (la social-démocratie) pour contrer
le « bloc souverainiste » en Catalogne.
Entre ces deux « blocs », Podemos et son partenaire Izquierda Unida
ont voulu maintenir une position soi-disant intermédiaire. En même temps
qu’ils dénonçaient l’utilisation de la force en Catalogne, ils se
montraient tout à fait opposés à une déclaration d’indépendance
unilatérale (DUI) en Catalogne, préférant l’organisation illusoire d’un
référendum pactisé avec le régime de Madrid.
Cependant, avec la déclaration d’indépendance de la Catalogne de
vendredi dernier, le jeu de Podemos ne pouvait plus être dissimulé et
son caractère espagnoliste s’est révélé au grand jour. Non seulement la
formation de Pablo Iglesias a refusé de reconnaître l’indépendance, mais
elle s’est rapidement prononcé pour la participation aux élections du
21 décembre prochain imposées par Madrid dans le cadre de l’application
de l’article 155. Podemos non seulement légitime mais valide
l’application du 155, malgré tous ses discours pseudo-démocratiques.
Dans ce contexte d’un tournant ouvertement pro-régime, la direction
centrale du parti à Madrid, à la tête de laquelle se trouve Pablo
Iglesias, a commencé à s’irriter de sa section catalane et de ses
positions « ambiguës » vis-à-vis de l’indépendance catalane. La
direction étatique de Podemos critique à sa section catalane le fait que
l’une de ses députés « n’a pas voté contre la déclaration
d’indépendance et a salué publiquement la nouvelle république
catalane ».
Deux faits cependant ont particulièrement irrité Iglesias. Le premier
c’est que le secrétaire général de Podem Catalunya, Albano
Dante-Fachin, a déclaré samedi dernier qu’il était contradictoire de
participer aux élections du 21 décembre prochain et qu’il souhaitait
former un bloc avec des forces souverainistes catalanes.
Le second fait qui a inquiété la direction de Podemos c’est la
déclaration du courant « Anticapitalistas » dans laquelle ils
reconnaissent implicitement la république catalane indépendante ouvrant
un processus constituant et « rompant avec le régime de 1978 ». Le
courant Anticapitalistas est d’ailleurs majoritaire dans le Comité
Central de Podemos Catalunya. Selon Iglesias, avec ces déclarations
« Anticapitalitas » se trouve « politiquement en dehors de Podemos ».
Ces deux facteurs ont été suffisants pour que Pablo Iglesias décide
de lancer son « 155 interne » et destitue le leader de la section
catalane, Albano Fachin. En affirmant que « les alliances électorales
sont décidées par les inscrits et les inscrites », Pablo Iglesias a
imposé une consultation, depuis Madrid, pour pousser la section catalane
à former une alliance avec le courant de la maire de Barcelone Ada
Colau, qui s’est à plusieurs reprises prononcé contre l’indépendance,
allant même jusqu’à saluer la manifestation espagnoliste de dimanche
dernier comprenant des groupes d’extrême droite franquiste.
Il faut mentionner que cette pression de la part de la direction de
Podemos sur les voix dissonantes à l’intérieur du parti commence à
ouvrir des brèches au sein d’Anticapitalistas. Ainsi, dimanche dernier,
deux des principales figures publiques de ce courant interne de Podemos,
Teresa Rodriguez (coordinatrice de Podemos Andalousie) et José María
González « Kichi », maire de Cadix, ont publié un communiqué se
désolidarisant de leurs camarades et affirmant, comme Pablo Iglesias,
qu’ils « continuent à parier sur la voie du dialogue et de la
négociation pour arriver à un référendum pactisé comme issue de la
crise ».
Ainsi, malgré les discours, la formation de Pablo Iglesias est en
train de révéler son caractère complètement bureaucratique et
pro-régime. Podemos apparaît comme la « gauche radicale » de la
monarchie des Bourbon et du régime de 1978, héritiers directs tous les
deux du franquisme. Et il semblerait qu’il est même en train d’entraîner
avec lui des morceaux importants du courant Anticapitalistas.
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