Au
danger FN se rajoute maintenant le « danger Mélenchon ». Il faut le
diaboliser. Pour les dominants, le meilleur moyen serait de le tacher de
politicien « d’extrême gauche ». Le candidat de la France insoumise,
posant en « présidentiable », n’a pas tardé à rectifier.
Il est bien connu que les gros capitalistes et les banquiers
disposent de tout l’arsenal médiatique pour faire monter dans les
sondages leurs favoris, mais aussi pour descendre ces politiciens moins
« malléables » ou dont le programme bénéficie moins leurs intérêts. Et
au fur et à mesure que le jour J s’approche, l’incertitude sur qui sera
au second tour augmente. Quatre candidats sont susceptibles d’y
êtreparmi les deux « finalistes » : Marine Le Pen, Emmanuel Macron,
François Fillon et Jean-Luc Mélenchon.
Mais de ces quatre, c’est clairement Mélenchon qui apparait ces
derniers jours comme celui profitant d’une dynamique clairement
ascendante, avec des dizaines de milliers de personnes dans ses
meetings-rassemblements. Les sympathisants de la France insoumise y
croient. Le candidat de la France insoumise y croit. La presse et les
grands capitalistes s’en inquiètent.
Alors, les articles de presse alarmistes sur les conséquences
politiques et économiques d’une victoire de Mélenchon fusent. Et les
« accusations » d’extrémiste aussi. Certains n’hésitent même pas à
classer Mélenchon parmi… les candidats trotskistes ! Ridicule.
Mais cette vieille technique semble porter quelques fruits. En effet,
selon les derniers sondages, avec toutes les précautions que cela
exige, François Fillon, qui avait été dépassé par Mélenchon, semble
progresser un peu. Un possible effet de la « panique Mélenchon » ?
Mélenchon clarifie : « Je ne suis pas un homme d’extrême gauche »
Il est également connu que lorsque des politiciens réformistes, comme
Mélenchon, s’approchent du pouvoir, ils modèrent d’autant plus leurs
discours, arrondissent les angles, posent en « hommes d’État ».
Ainsi, samedi dernier, lors d’une interview au Parisien, Jean-Luc Mélenchon a tenu, entre autres, à dire clairement qu’il n’était pas d’extrême gauche : « il
y a des pays où ils me mettent dans l’ultra-extrême gauche. Alors n’en
rajoutez pas, ça va comme ça. Maintenant quand vous êtes avec un
programme comme l’Avenir en commun, vous passez pour l’extrême gauche.
Et ce pauvre Poutou alors, qu’est-ce qu’il devient dans cette histoire ?
Il y a une extrême gauche en France. Elle a sa logique, son programme.
Moi je ne suis pas un homme d’extrême gauche ».
Vidéo :
Mais lors de cette interview Mélenchon n’a pas seulement fait cette
clarification. Il a également exposé son CV de politicien professionnel,
son expérience dans la haute fonction publique. Certes, un passé qui
pourrait être peu apprécié par les temps qui courent, mais qui est en
même temps très « rassurant » pour convaincre les classes dominantes
qu’on peut être l’homme de la fonction. Ainsi, Mélenchon déclare : « je
n’ai jamais été candidat à une élection sans penser que j’allais y être
élu. (…) Je n’ai pas une culture de minoritaire permanent. J’ai eu de
la chance, très jeune j’ai eu des responsabilités, j’ai été élu, j’ai
participé à la direction d’une commune, d’un département. De la période
où mes amis (…) gouvernaient l’État, j’ai eu la chance d’approcher le
président Mitterrand, j’ai été ministre de Lionel Jospin, j’ai travaillé
beaucoup avec des présidents d’autres pays. Donc, dans mon esprit,
quand je suis candidat c’est pour être élu ».
Vidéo de l’entretien en entier :
Quand Tsipras affirmait qu’il n’était pas « d’extrême gauche »
En parlant précisément de ces formations politiques réformistes ou
« néo réformistes » qui en se rapprochant du pouvoir modèrent leurs
discours, on peut rappeler l’exemple d’Alexis Tsipras de Syriza qui,
lors des élections grecques de 2012 où il était parmi les favoris,
affirmait sur l’antenne d’Europe 1,face à la question du journaliste qui le qualifiait de leader « d’extrême gauche » : « je
tiens à dire que je ne suis pas un dirigeant de parti d’extrême gauche.
Je suis un dirigeant d’un parti démocratique de la gauche, qui se
trouve au centre de la vie politique grecque et dont l’aspiration
exprime celle de la grande majorité de la société ». Le journaliste finissait l’interview en clarifiant que Syriza n’était pas « un parti d’extrême gauche mais proche de Jean-Luc Mélenchon ».
Vidéo :
Finalement, Alexis Tsipras n’arrivera pas au pouvoir en 2012, mais un
peu moins de trois ans plus tard, en janvier 2015, avec un programme et
un discours déjà bien plus modérés que celui de 2012. Son orientation
politique « modérée » et de gestion de la crise grecque dans le cadre du
système capitaliste l’a amené inéluctablement à céder à la Troïka, et à
trahir les promesses qu’il avait faites à des millions de travailleurs
et de jeunesse qui lui avaient fait confiance.
Il était temps !
Si Mélenchon trouve aujourd’hui utile de clarifier qu’il n’est pas
« un homme d’extrême gauche » et d’apparaitre sur un jour plus
« modéré » et en posture de « présidentiable », cela n’a pas toujours
été le cas. Bien au contraire. Pendant presque toute la campagne,
Mélenchon et l’équipe de campagne de la France insoumise ont trouvé bien
d’entretenir ce flou, cette confusion concernant l’extrême gauche.
C’était effectivement une tactique pour attirer des électeurs proches de
l’extrême gauche. Pour maintenir cette illusion, il a même affirmé, en
vue de marquer ses désaccords avec Poutine sur Twitter : « Je suis
écologiste et anticapitaliste »
Et même si Mélenchon ne l’a jamais formulé ouvertement, les militants
et sympathisants de la France insoumise n’hésitaient pas à utiliser cet
amalgame journalistique pour faire pression pour que les partis
d’extrême gauche se retirent à la faveur de Mélenchon. Vieille technique
recyclée du « vote utile », qui a servi de prétexte pour que, par
exemple, des soutiens de Mélenchon s’en prennent à Philippe Poutou et au
NPA en affirmant que sa candidature « ne servait à rien ».
On peut évidemment comprendre tous ces travailleurs et jeunes qui
voient avec une grande sympathie la candidature de Philippe Poutou et du
NPA mais qui sont tentés de voter pour Mélenchon, parfois avec de
réelles expectatives, parfois avec une logique du « moins pire » qui
peut « réellement gagner ». Cependant, même si certaines mesures mises
en avant par Mélenchon sont proches de celles que l’extrême gauche
anticapitaliste défend dans ces élections, il y a de profonds désaccords
programmatiques et stratégiques : vouloir gérer le capitalisme
autrement, de façon plus favorable aux travailleurs et aux classes
populaires, tout en créant « l’unité nationale » avec des secteurs de la
classe capitaliste, n’a rien à voir avec l’objectif de renverser ce
système en vue de la construction d’une société débarrassée de
l’exploitation et de toute oppression.
Bien qu’elle arrive très tard, cette clarification apportée par
Mélenchon lui-même est très importante, notamment vis-à-vis des luttes
futures que l’on devra préparer quel que soit la ou le vainqueur de
l’élection présidentielle.
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