Philippe Alcoy
Quand la défense de l’ouverture des frontières et du droit à la
libre circulation et installation n’est pas tournée en dérision par la
presse dominante, on en parle comme s’il s’agissait d’une mesure qui
pourrait se prendre « pacifiquement », suivant les règles normales du
fonctionnement du régime politique. Autrement dit, de façon abstraite.
Or, l’ouverture des frontières signifie avant tout une lutte politique
sans merci contre l’impérialisme français, ses banquiers et les gros
capitalistes.
En effet, la première chose à dire c’est que tout contrôle
de frontières, ne serait-ce que minimal, implique la création d’une
« armée de sans-papiers », des expulsions et donc la criminalisation
d’êtres humains. Et tout cela sans parler des morts, des disparus et du
trafic d’êtres humains que le contrôle des frontières implique forcément
pour les gens qui tentent de les traverser illégalement.
Les principaux responsables et bénéficiaires de cette situation ce
sont les patrons, les grands en premier lieu mais aussi les moyens et
petits. En effet, les capitalistes savent très bien s’appuyer sur la
situation des sans-papiers et des migrants précaires pour les faire
accepter de travailler pour des salaires ridicules et dans des
conditions abominables. Ils savent très bien utiliser cette situation
pour faire baisser le niveau général des salaires de l’ensemble des
travailleurs en France. Mais les patrons ne s’arrêtent pas là et ils
utilisent cette situation créée par eux pour monter les travailleurs les
uns contre les autres, en disant que la précarité des travailleurs
français est la responsabilité des travailleurs étrangers, sans-papiers
ou précaires.
En ce sens, l’ouverture des frontières implique une lutte acharnée
non seulement contre le racisme et la xénophobie mais contre les
capitalistes : les patrons profitent de cette situation pour renforcer
l’oppression et l’exploitation de l’ensemble des travailleurs.
Mais plus largement, l’ouverture des frontières, le droit à la libre
circulation et installation impliquent également une lutte profondément
internationaliste et anti-impérialiste. En effet, la France est l’une
des principales puissances impérialistes de la planète ; c’est un pays
qui en opprime d’autres et qui possède une grande histoire (et
actualité) colonialiste. À tout cela il faut ajouter les interventions
militaires ponctuelles et permanentes de la France à l’étranger, dans la
plupart des pays d’où viennent en majorité les réfugiés et migrants :
plus de 33 000 militaires français sont engagés à l’étranger.
Ainsi, l’ouverture des frontières implique forcément la lutte contre
l’impérialisme français, contre ses bombardements et la spoliation des
autres peuples. Cela serait une grande source de réduction des dépenses
inutiles et néfastes qui pourraient être allouées non seulement à
l’accueil digne des migrants mais aussi à la solution de problèmes
sociaux profonds que connaissent les millions de pauvres qui vivent en
France.
On ne peut pas oublier de mentionner le fait que la France accueille
très peu de demandeurs d’asile et de réfugiés en général. Tout comme
l’Europe. Alors que dans le monde on comptait en 2015 65,3 millions de
réfugiés (plus que la population française), l’Europe n’en recevait
qu’un peu plus d’un million (3,3 % du total mondial). En 2016, à travers
des politiques anti-migratoires dures mises en place avec la complicité
de régimes assassins comme celui d’Erdogan en Turquie, ce chiffre est
descendu à 352 000. Quant à la France, elle a reçu en 2016 85 000
demandes d’asile dont moins de 20 000 ont été acceptées. Un chiffre
ridicule par rapport à ce fléau mondial.
Par contre, un chiffre qui lui n’est nullement ridicule : celui des
morts et disparus sur les routes de l’immigration clandestine. Alors que
le chiffre de migrants a diminué fortement entre 2015 et 2016, le
nombre de morts et disparus a augmenté (alors qu’en général ces chiffres
sont sous-évalués) : plus de 3700 morts et disparus en 2015 contre plus
de 4700 en 2016.
L’attitude des puissances européennes, dont la France, est honteuse,
notamment quand on voit que des pays bien plus pauvres que celles-ci
comme la Turquie, le Liban et la Jordanie accueillent plus de 4 millions
de réfugiés syriens ; ou encore l’Ouganda qui, en quelques mois, a
accueilli 730 000 réfugiés du Soudan du Sud fuyant la famine et les
atrocités d’une guerre civile ravageuse.
Cependant, cela ne veut pas dire que la xénophobie et les attitudes
hostiles à l’égard des réfugiés se limitent aux pays de l’UE. Dans les
pays voisins de la Syrie on signale de plus en plus d’attitudes
xénophobes de la part des populations locales vis-à-vis des réfugiés.
Des rapports de différentes associations focalisés sur la santé mentale
des réfugiés pointent également les mauvaises conditions d’accueil comme
des éléments non seulement aggravants de la santé mentale des réfugiés
mais parfois également comme des facteurs plus néfastes que les
traumatismes de guerre eux-mêmes.
Si ces idées réactionnaires, racistes et xénophobes sont véhiculées
par les classes dominantes, par les capitalistes et leurs partis
politiques, elles se répandent parmi les classes populaires sur la base
de la misère et des nécessités urgentes non satisfaites engendrées par
le capitalisme. Et cela aussi bien dans les pays périphériques que dans
les pays impérialistes.
C’est précisément pour cela que la lutte pour l’ouverture des
frontières et le droit de circulation et d’installation doit s’inscrire
dans le cadre d’un programme anticapitaliste et révolutionnaire,
profondément internationaliste et anti-impérialiste. Un programme qui
vise à mettre hors d’état de nuire les milliardaires, les banquiers et
les gros capitalistes, en les expropriant et en mettant la production
sous le contrôle des travailleurs. Un programme qui s’oppose et qui ait
comme objectif de mettre fin à toutes les interventions militaires
françaises à l’étranger et à la spoliation des peuples colonisés et
semi-colonisés par la France, principale condition pour établir des
relations de fraternité et de coopération entre les peuples.
C’est une lutte non pour gagner une élection dans le cadre de ce
système mais une lutte pour le pouvoir politique et économique des
exploités et opprimés contre les classes dominantes. Voilà le plus grand
apport des travailleurs en France à l’ouverture des frontières et ce
droit élémentaire de circulation et de libre installation. Voilà
pourquoi les dominants, leurs politiques, leurs perroquets
journalistiques de toute sorte essayent de tourner en dérision ou tâcher
« d’irréaliste » cette mesure pourtant techniquement très simple. Ce
sera aux travailleurs et à l’ensemble des opprimés de l’imposer.
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