Philippe Alcoy
À moins d’un mois de la date buttoir pour le dépôt des parrainages
pour pouvoir être candidat à l’élection présidentielle (le 17 mars),
Philippe Poutou n’a toujours pas ses 500 signatures de maires. Et pour
compliquer encore la tâche, le gouvernement vient de repousser la date
d’envoi des formulaires de parrainage officiels, ne donnant de fait que
15 jours aux maires pour envoyer leur parrainage, contre trois semaines
d’habitude. Le paradoxe de tout cela est que ces obstacles et manœuvres
bureaucratiques se font à un moment où le mécontentement vis-à-vis des
partis dominants et de la « caste politicienne professionnelle » est
largement répandu parmi la population, et notamment parmi les couches
populaires.
En effet, comme dénonce l’Association des maires de France
(organisation très loin d’être soupçonnée de tendances
« antisystème »), alors que la date d’envoi des formulaires officiels de
parrainage avait été fixée pour le 23 février, la date vient d’être
modifiée pour le samedi 25 février. Mais comme cela tombe un samedi, les
maires ne recevront le formulaire que le lundi 27 ou le mardi 28
février. En même temps, les formulaires remplis doivent arriver au
Conseil constitutionnel avant le 17 mars à 18 heures. Prenant en compte
le délai d’envoi, il est conseillé d’envoyer le formulaire le avant le
14 mars. De fait, les maires n’auront que quinze jours pour envoyer leur
parrainage.
Évidemment que pour les candidats des principaux partis du régime,
cela ne posera aucun problème. De même, la « recherche » de parrainage
n’est pas un obstacle pour eux, étant donné leur réseau de maires et
d’élus. Mais pour les « petits candidats », c’est une difficulté
supplémentaire qui constitue une barrière à leur possibilité d’être
présents à l’élection présidentielle.
C’est le cas notamment de Philippe Poutou, dont la candidature dépend
uniquement de l’effort militant face à un système antidémocratique qui
instaure une sorte de droit censitaire donnant le droit à des « grands
électeurs » de faire le tri entre les candidats. À tout cela vient
s’ajouter un boycott médiatique. Les médias, en dehors du temps de
parole obligatoire quelques jours avant l’élection présidentielle,
donnent rarement la parole aux voix dissonantes, aux voix vraiment
contestataires, aux voix anticapitalistes. Avec les « primaires » à
droite et à gauche, qui ont surmédiatisé les débats internes des deux
piliers du bipartisme français décadent, cette inégalité n’a fait que
s’approfondir.
Alors, dans ces conditions, il est très difficile de convaincre des
maires des petites communes, qui souvent ne connaissent pas Philippe
Poutou, ou vaguement, de donner leur parrainage démocratique pour
permettre qu’une voix ouvrière et anticapitaliste soit présente dans ces
élections.
Une grande partie de maires refusent de donner leur parrainage parce
qu’ils en ont « marre des politiciens », qu’ils considèrent être « tous
les mêmes ». Ils sont écœurés des différentes affaires de corruption et
de détournement de fonds publics, à commencer par le « Penelope Gate ».
Ainsi que par les politiques anti-populaires de suppression des services
publics, des subventions, des réformes qui ne tiennent aucunement
compte de la réalité sur le terrain. Il y en a marre des promesses, des
« politiciens professionnels ».
Nous partageons beaucoup des critiques de certains maires, dont une
partie trouve même antidémocratique la façon de désigner les candidats.
La candidature de Poutou exprime cette opposition à la politique
professionnelle qui sert à l’enrichissement de certains politiciens ;
aux réformes et différentes attaques contre les salariés et les couches
populaires de la société ; contre les fermetures d’entreprises, la
suppression de postes de fonctionnaires et la dégradation des services
publics.
En ce sens, les maires qui refusent de donner leur parrainage à
Philippe Poutou au nom du rejet des politiciens professionnels, des
scandales de corruption, des politiques anti-populaires menées depuis
des décennies, sont en réalité en train de parrainer, indirectement, ce
système antidémocratique, ces partis-entreprises faits pour défendre la
politique des puissants et enrichir ses « ténors ».
Ces mêmes partis, qui aujourd’hui sont en crise, tentent de sauver le
régime, ou au moins de donner l’apparence que le régime tient plus ou
moins la route. Au-delà des calculs politiciens (diviser la gauche,
diviser la droite), ils ont d’une certaine façon intérêt à éviter qu’il y
ait une trop grande « dispersion des voix », et essaient de faire en
sorte que celles-ci se concentrent autour d’une poignée de partis.
C’est pour cela que l’absence de Philippe Poutou aux prochaines
élections ne serait pas seulement un scandale démocratique, mais aussi
une victoire pour les partis du régime ainsi que pour les classes
dominantes qu’ils représentent, dans le sens de faire taire les voix
contestataires, les voix ouvrières et anticapitalistes. Dans un moment
de discrédit du régime, ce serait un recul important pour les
travailleurs, la jeunesse et les classes populaires, et une façon de
faciliter la place de la « contestation antisystème » aux tendances
réactionnaires comme le FN de la famille Le Pen. Pour toutes ces raisons
et plus, il est fondamental que Philippe Poutou soit présent aux
prochaines élections présidentielles en France !
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