Philippe Alcoy
Les 3, 4 et 5 juin dernier nous avons été invités à participer du
festival Anaireseis 2016 en Grèce, pour échanger sur le mouvement contre
la loi travail. Dans un climat marqué par l’enthousiasme et un grand
intérêt par la situation en France, près de 400 jeunes et moins jeunes
ont participé à des débats internationalistes qui se sont déroulés à
Athènes, à Thessalonique et à Patras.
Le festival Anaireseis a
lieu tous les ans depuis la fin des années 1990 et se déroule dans
plusieurs villes grecques simultanément. Il s’agit d’un événement
organisé par la jeunesse de NAR (Nouveau Courant de Gauche), rupture du
Parti Communiste Grec (KKE) en 1989 et principale composante du front
anticapitaliste Antarsya. Au cours du festival, des jeunes peuvent
participer à des débats, profiter des concerts et s’amuser sans dépenser
beaucoup d’argent. A Athènes, autour de 8 000 personnes ont participé
du festival cette année.
Nous étions invités à parler sur le mouvement contre la loi El Khomri
en France, le rôle de la jeunesse, la participation des travailleurs,
les grèves et la signification de cette résistance dans un contexte
d’attaques généralisées, notamment en Europe, contre la classe ouvrière,
la jeunesse et les classes populaires. A nos côtés, une camarade de
Socialist Alternative, Darletta Scruggs, a aussi fait le déplacement
depuis les États-Unis pour parler de la lutte pour les 15 dollars et le
mouvement « Black Lives Matter ».
Au cours des échanges, plusieurs participants ont souligné
l’importance du mouvement d’opposition à la contre-réforme du
gouvernement de Hollande pour les travailleurs et la jeunesse dans les
autres pays d’Europe, notamment en Grèce. En effet, dans ce pays, la
capitulation complète de Syriza au pouvoir face à la Troïka l’été
dernier, a eu l’effet d’un choc qui s’est traduit par la démoralisation
d’une partie des classes populaires. Le scepticisme s’est ainsi répandu
quant à la possibilité de faire reculer le gouvernement et le patronat à
travers les mobilisations et les grèves.
En ce sens, une victoire de la classe ouvrière et de la jeunesse en
France contre le gouvernement Hollande-Valls pourrait « donner des
idées » aux travailleurs et à la jeunesse en Grèce et en Europe. Et cela
d’autant plus que cet été le gouvernement d’Alexis Tsipras prétend
présenter une nouvelle réforme du Code du travail.
Dans les discussions, on a pointé également le rôle important de la
jeunesse dans la lutte contre les attaques des gouvernements et des
patrons. En effet, en France, en Grèce et aussi aux États-Unis, les
jeunes connaissent des conditions de vie très précaires, même si la
situation en Grèce est bien plus dure. En ce sens, dans tous ces pays la
jeunesse a un rôle très important à jouer dans la défense des
conditions de vie de l’ensemble des classes populaires.
Alors qu’en Grèce le parti d’extrême droite fascisant, Aube Dorée,
reste la troisième force politique au parlement, beaucoup de questions
ont été posées sur le rôle du FN au cours la mobilisation contre la loi
travail. Des échanges, l’une des conclusions qui se sont dégagées a été
que la lutte de classes, les grèves et les mobilisations restent les
meilleurs éléments pour faire reculer les idées de l’extrême droite et
même son influence sur les classes populaires.
Il n’y a aucun doute que les capitalistes tirent des leçons de la
lutte de classes au niveau national et international. Ils sont
complètement conscients de leurs intérêts. C’est pour cela que Tsipras
est passé de « paria », quand il faisait encore semblant d’être opposé
aux diktats de la Troïka, à être le meilleur ami des dirigeants
européens, tels que Hollande et Merkel, une fois qu’il a adopté le
programme d’austérité comme propre. C’est pour cela aussi que les
capitalistes européens soutiennent Hollande face aux travailleurs et aux
jeunes en France et l’encouragent à « tenir bon », comme le Financial Times du 2 juin dernier. Ils savent très bien ce qu’un recul du gouvernement PS en France pourrait provoquer en Europe.
En ce sens, la jeunesse, écrasée par la précarité, et les
travailleurs, dont les capitalistes rendent de plus en plus
insupportables les conditions de travail, doivent eux aussi tirer des
leçons des luttes récentes et moins récentes. En effet, une inquiétude
de certaines interventions lors des débats était que le mouvement en
France ne soit canalisé ou récupéré par des options réformistes comme
Syriza et que cela finisse comme en Grèce avec une trahison et des
classes populaires paralysées et démoralisées.
Ce qui est sûr c’est que le mouvement de la jeunesse et des
travailleurs en France est effectivement une grande opportunité pour que
les révolutionnaires en sortent renforcés et ainsi avancer pour que ce
soient les capitalistes qui payent pour la crise.
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