Philippe Alcoy
Les syndicats n’avaient pas hésité à crier « victoire » la semaine
dernière quand le gouvernement s’était vu obligé « d’autoriser » la
manifestation parisienne du 23 juin qu’il voulait interdire au départ.
Une « victoire » qui est très rapidement devenue une provocation. Le
cadre instauré par le gouvernement et accepté par les directions
syndicales est un saut en avant dans la remise en cause du droit à
manifester, tout en humiliant le mouvement social manifestant depuis
bientôt 4 mois. Mardi 28 juin le même dispositif répressif a été
déployé à une échelle plus large pour la manifestation à Paris. Alors
que le gouvernement essaye de mettre fin à la mobilisation contre la Loi
Travail, peut-on accepter qu’une telle remise en cause des libertés
démocratiques s’installe ?
Les rues de la capitale française étaient à nouveau
quadrillées. Des contrôles pour les manifestants ; deux voire trois. Des
« interpellations préventives ». Des potentiels « projectiles » (effets
personnels) réquisitionnés. Des rues bloquées par la police. Un
opératif impressionnant tout au long du parcours de Bastille à Place
d’Italie. L’objectif est clair : le gouvernement profitant de la fin des
grèves reconductibles qui s’étaient installé dans des secteurs
stratégiques chez les raffineurs et les cheminots, entend recréer un
semblant « d’autorité d’Etat » limitant le droit de manifester et en
essayant d’intimider les opposants à cette loi pro-patronale. L’exemple
le plus éclatant de la journée étant la « nasse » de plus de 200
personnes qui participaient d’une assemblée interprofessionnelle à la
Bourse du Travail de Paris.
Si l’indignation face à la tentative d’interdiction de manifestation
répondait aussi à éviter de poser un tel précédent, ce qui se déroule
actuellement à chaque jour de mobilisation en France, et
particulièrement à Paris, est inacceptable. Et même si la CGT s’en est
plainte dans un communiqué, ses protestations sont restées jusque là
bien discrètes. Pire encore, on peut dire que la CGT, FO et les autres
organisations syndicales sont rentrées de plein pied dans le jeu du
gouvernement, en évitant systématiquement de dénoncer la répression
policière, tout en exigeant des moyens supplémentaires pour la police
pour « contenir les casseurs ». Voilà la réponse du gouvernement : une
limitation générale du droit de manifester.
Valls quant à lui recevra les « partenaires sociaux » mercredi et
jeudi. Bien que dans la presse le gouvernement continue à affirmer qu’il
ne bougera pas d’un pouce son texte, il est au contraire probable que
pour éviter une nouvelle crise politique avec un nouveau 49.3 qu’il y
ait quelques modifications tout à fait marginales pour essayer de
rallier les « frondeurs » d’une part, et de donner quelques miettes aux
syndicats dits contestataires.
La CFDT, fidèle alliée du gouvernement, par la voix de son leader
Laurent Berger, a affirmé qu’elle exigeait au gouvernement qu’il ne
« recule pas », qu’il tienne et qu’il n’ose pas toucher au très
polémique l’article 2. Comme si ces « menaces » étaient crédibles. Comme
si le gouvernement entendait toucher au cœur de sa contre-réforme. Mais
au moins une fois en quatre mois de mobilisation la CFDT a menacé de se
mobiliser… pour l’adoption de la Loi Travail.
Mais parallèlement à ces invectives théâtrales, la CFDT a présenté
une ouverture et un semblant de « compromis » aussi bien aux frondeurs
qu’aux syndicats contestataires. Ainsi, dans une interview parue dans L’Opinion
Berger déclare : « Nous proposons que dans chaque branche, une
négociation puisse être ouverte pour définir l’ordre social
professionnel du secteur, c’est-à-dire l’ensemble des règles auxquelles
l’accord d’entreprise ne peut pas déroger. Cela permet de réaffirmer le
rôle de régulation des branches ». Il s’agit d’une modification de
l’article 13 de la réforme qui agirait comme une sorte de « garde fou »,
de garantie minimale de contrôle par les syndicats de branche.
Il s’agit clairement d’une manœuvre qui vise à créer un semblant de
« dialogue » et « concertation » où le CFDT jouerait un rôle central.
Pourtant, il n’y a rien à négocier avec un gouvernement qui a largement
démontré qu’il méprise les salariés, la jeunesse et les classes
populaires en général, et surtout qui remet en cause désormais notre
droit à s’opposer à lui dans la rue. Le couple Hollande-Valls prétend
humilier et réprimer le mouvement ouvrier et populaire et ses
organisations, à moins qu’elles se soumettent à ses souhaits et aux
intérêts capitalistes qu’il représente. C’est pour cela qu’il n’est pas
exagéré de dire que ce gouvernement n’entend que le rapport de force. En
ce sens, les directions syndicales, au lieu de négocier avec le
fossoyeur de nos libertés démocratiques, devraient travailler à trouver
les voies de préparer la résistance par la grève, dans les rues, sur les
lieux de travail et étude dès la rentée s’il n’est plus possible de le
faire actuellement.
Alors que pendant tout le mouvement la stratégie de pression sur le
gouvernement de l’intersyndicale s’est révélée un échec complet, il ne
faudrait pas que le contexte actuel d’un saut dans la remise en cause de
notre droit à manifester, où les grèves des secteurs stratégiques ne
sont plus un point d’appui, serve de prétexte pour que les directions
syndicales arrivent à des « compromissions » avec le gouvernement et le
patronat. Alors que Valls et sa police nous répriment depuis bientôt 4
mois, qu’ils tentent de remettre en cause notre droit à manifester, que
font Martinez (CGT) et Mailly (FO) à « négocier » avec ceux qui veulent
notre peau ?
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