7.5.16

Quand Les Echos sifflent « la fin de la récréation » et Pécresse exige le retour à l’ordre


Philippe Alcoy

Le grand mérite du journal pro patronat Les Echos c’est de très souvent dire tout haut, et sans aucune ambiguïté, ce que tous les autres grands médias disent entre les lignes, cachent derrière un lyrisme hypocrite. L’édito du 3 mai de Jean-Francis Pécresse « Siffler la fin de la récréation » en est un excellent exemple concernant la mobilisation actuelle contre la Loi El Khomri.

«  Quand, prolongé au-delà du raisonnable, le débat démocratique en vient à ébranler la paix civile, il faut sans hésiter préférer la paix au débat ». Voilà les premiers mots de la décharge enragée de l’éditorialiste. Le ton est donné. Le « retour à l’ordre » est exigé d’emblée. En effet, JF Pécresse considère qu’«  au nom de l’ordre public, en raison d’un état d’urgence chaque jour discrédité par ces hordes autorisées à défier l’Etat, il devient urgent de mettre fin à cet état de « zadisme » permanent  ».

Ces « hordes » (pourquoi pas ces « sauvages » ?) qui « défient l’Etat ». Au-delà de tout le mépris de classe contenu dans cette diatribe, Pécresse révèle clairement que l’état d’urgence n’est en réalité qu’un instrument de l’Etat pour affirmer son autorité à imposer toutes ces attaques aux classes populaires qui devraient s’y plier sans rien dire. Au nom de « l’ordre ». Au nom du respect de l’autorité de l’Etat. Mais quelle horreur ce « zadisme permanent » qui ose « défier » cet état de fait !

Pécresse prend acte de la rupture par la gauche d’une partie dudit « peule de gauche » avec le PS mais pour nous expliquer qu’ils seraient manipulés par des affreux « gauchistes extrêmes » : «  La mobilisation relative des militants de la vieille gauche, qui s’estimaient trahis par François Hollande, ont été les otages de nébuleuses radicales, ultrapolitisées que rien n’effraie, pas même la dénonciation éhontée de « violences policières  » ». Ces « ultrapolitisés » osent dénoncer la brutalité (légitime car d’Etat) de la police, quelle honte !

49-3 et un peu de bonapartisme avant qu’il ne soit trop tard s’il vous plait !

« Le pouvoir exécutif serait bien inspiré d’engager, avec l’article 49-3 de la Constitution, sa responsabilité sur ce texte afin de couper court à des palabres sans fin ». Voilà. Ordre et autorité. Mettre fin à tout ça au plus vite avant qu’il ne soit trop tard.

Avant qu’il ne soit pas trop tard, car la Loi Travail est une nécessité absolue pour le patronat à la recherche de compétitivité sur le dos des travailleurs, et si la mobilisation continue, il y a un vrai risque que le texte perde en substance, ou qu’il soit même retiré : « Puisque, dans toutes les agoras, l’on débat de cette loi El Khomri, depuis deux mois et demi déjà, écourter un bon mois supplémentaire de batailles au Parlement ne serait pas un déni de démocratie. Et, à vrai dire, plus tôt le gouvernement tournera cette page, moins les entreprises courraient le risque de voir se retourner contre elles une loi que l’écoute de la rue a largement vidée de son sens et de son intérêt ». Remarquons qu’on appelle « l’écoute de la rue » les miettes que le gouvernement a lâché à la demande de la CFDT et autres syndicats collabos.

L’éditorialiste des Echos se pose en tant que « conseiller du prince », confirmant la très bonne entente du journal avec le gouvernement actuel d’Hollande-Valls. Mais en même temps révèle sans ménagement le caractère profondément antidémocratique du régime, et l’état d’esprit du patronat qui perçoit très bien que la Loi El Khomri, même avec ces modifications cosmétiques, est une grande opportunité pour lui. Ce n’est pas pour rien qu’il y a quelques semaines le même journal titrait un édito furieux contre Les Républicains de Sarkozy « La droite la plus bête ? » pour dénoncer leur attitude face à la Loi Travail du PS.

Continuer la lutte jusqu’au bout et se préparer pour celles qui viendront dans la prochaine période, c’est la meilleure réponse que la jeunesse, les travailleurs et les couches populaires peuvent donner à ces journalistes à la solde du patronat.

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